VALIS

Roman de science-fiction autofictionnelle de Philip Dick.
Existe en français sous le titre SIVA.

Garanti avec chimie.

« But that’s why I started on drugs », Gloria said.
« Because of the Grateful Dead ? »
« Because », Gloria said, » everyone wanted me to do it. I’m tired of doing what other people want me to do ». p. 13

La citation ici mise en exergue résume bien le livre et illustre pleinement l’ambiance du livre : le lecteur ne baignera pas dans le naturalisme. Cela n’a jamais vraiment été le crédo de P. Dick dans toute sa carrière. Mais dans ce livre, l’auteur lui-même est un personnage.

Horselover Fat, auteur de science-fiction, a de gros problèmes psychologiques qu’il essaie peut-être de contrôler grâce aux drogues. Très fortement affecté par la mort par suicide de son amie Gloria, il est gagné par les idées suicidaires qu’il finit par mettre en œuvre. Survivant à sa tentative de suicide, il pense progressivement avoir fait une rencontre avec la divinité, une théophanie, au travers d’un laser rose envoyé par un satellite extraterrestre en orbite autour de la Terre dénommé VALIS. Fat se reconstruit au travers d’une recherche mystique, concluant que le monde est irrationnel et une illusion. Sa vision est corroborée par un film que lui et ses amis vont voir et qui conte comment R. Nixon est remplacé à la présidence des Etats-Unis d’Amérique par VALIS. Qui donc a fait ce film et serait-ce possible que ceux-ci soient en lien avec VALIS ?

Avec toujours la question de savoir si l’auteur endosse ce qu’il écrit, ce roman est, comme parfois dans la science-fiction, un véhicule philosophique. C’est assez crédible (renforcé par la transcription du « traité » écrit par Fat en fin de volume) même si nous ne pouvons juger de l’articulation de tout ce qui est écrit sur les écrits gnostiques de Nag Hammadi, Parménide, de la mystique rhénane ou Boudha. C’est très touffu et pas toujours facile à suivre. Le roman ne se caractérise pas par un scénario magnifiquement agencé mais c’est dialogué de très belle manière, conduisant à une lecture très plaisante. L’irrationalité, un des thèmes centraux du roman (selon Fat, Dieu est l’irruption de la Raison dans un monde irréel et irrationnel p. 81-82), est très bien rendue tout comme les aspects psychologiques (le lien narrateurs/auteur p. 43 ou p. 168 ou la prise en charge des patients en psychiatrie par exemple). D’une certaine manière tous les personnages du roman sont fous et presque tous drogués …

Pour ce qui concerne la caractérisation de l’œuvre, l’autofiction est avérée, au vu des nombreuses autocitations et des notes renvoyant à des œuvres de P. Dick. Pour la science-fiction, c’est plus complexe. Il est certes question d’un satellite venant d’un autre système solaire mais les personnages ne sont pas assurés de son existence dans le roman. De manière intéressante, les théories de Fat reprennent des idées sur les siècles inventés, un rallongement artificiel de la chronologie (p. 182), mais ici ce ne sont pas que les siècles du Moyen-Age qui ont été ajoutés (comme dans la théorie récentiste) puisque l’on serait au début des années 1980 encore dans les temps apostoliques.

Un livre particulier, sur un auteur des années 1960 et ses préoccupations qui débarquent en 1980.

(l’eucharistie chocolat chaud/hot dog, c’est tout de même difficilement interprétable … 8)

Le petit guide à trimbaler de Philip K. Dick

Mini-guide sur l’œuvre et la postérité de Philip K. Dick par Etienne Barillier.

Pleins de mots qui devaient sortir de la tête.

Il avait toujours voulu être un écrivain réaliste et ne fut jamais un auteur de science-fiction. Et aujourd’hui, certains voient même en lui le Kafka de la deuxième partie du XXe siècle. S’il a pu soupçonner sur la fin de sa vie que son œuvre allait avoir des déclinaisons sur écran, il ne vécut que peu de temps de son œuvre : sa vie de bohème, dominée par les drogues diverses, ne l’aidait pas vraiment à faire durer les rares périodes de stabilité …

Ce petit livre compact qui ne fait pas mentir son titre est divisé en huit parties et une conclusion. Il débute avec une préface faite de dix questions que le lecteur peut se poser sur P. Dick, avec à chaque fois une réponse de l’auteur en moins d’une page. La partie suivante n’est pas, de manière inattendue, constituée par une biographie de P. Dick mais par une série de fiches sur les romans de l’auteur (des quelques 120 nouvelles écrites par le Californien, seules quelques-unes seront évoquées dans ce guide). La progression y est chronologique, mais de fait aussi agencée selon les différentes phases de la production dickienne, et s’achevant avec dix questions sur la monumentale Exégèse (et ses 8 000 pages).

La troisième partie est celle de la biographie, commençant avec les difficiles premières années (mort de sa sœur jumelle, séparation de ses parents), les personnes qui l’ont aidé ou influencé et se poursuivant avec ses débuts d’écrivains, ses premiers succès, sa reconnaissance comme auteur, ses différents mariages, les facteurs de stabilité et d’instabilité. Là encore, dix questions sur la vie de P. Dick permettent de se faire une très bonne, et précise idée, sur une vie assez autodestructrice.

Les trois chapitres suivants s’attaquent aux adaptations des écrits (et pas que les romans) de P. Dick. En premier lieu, au cinéma (même français, p. 125-126) et à la radio, avec un panorama très impressionnant et a priori exhaustif des films sortis ou en projet (jusqu’en 2012, donc sans l’adaptation en série du Maître au Haut-Château diffusée à partir de 2015 ), sans oublier les productions où P. Dick est lui-même un personnage. Puis E. Barrillier passe en revue les productions culturelles (avec en plus la BD et la musique) qu’il qualifie de dickiennes. Et enfin, de manière plus succincte dans la sixième partie, les adaptations en jeux vidéo.

L’avant-dernière composante est centrée sur les études se penchant sur P. Dick, avec des biographies, des sites internet, des documentaires, la correspondance, au cinéma et encore la fameuse Exégèse. Le livre s’achève avec des conseils de lectures, parmi les romans et parmi les nouvelles. Dans la conclusion, en une seule page, E. Barrillier fait part au lecteur du choc que fut pour lui la lecture d’Ubik et quels compagnons, toujours proches, sont pour lui les livres du grand Phil Dick.

Le principal problème à la lecture fut que l’exemplaire que j’avais entre les mains n’était pas complet. Il manquait en effet les pages 16 à 32, soit les dernières questions de la préface et l’analyse des premières œuvres. Embêtant … Nous espérons que ce n’est pas un mal qui a atteint tous les exemplaires imprimés. C’est sans doute le seul point noir de notre lecture. Tout est intéressant, pesé dans la critique comme dans la louange, sans admiration béate de la part d’E. Barrillier. Les séries de questions sont bien pensées, les commentaires des romans reprennent les notes des éditeurs ou de de l’agent littéraire (et c’est parfois sanglant, p. 35), l’intertextualité toujours bien en vue et les citations à propos (même si peut-être insuffisantes en nombre et un peu trop bouche-trous). L’auteur est aussi très renseigné sur le développement des projets sur écran, et même le théâtre est couvert par sa recherche !

En plus d’être très adapté au transport, c’est un livre érudit écrit par un passionné aux idées claires et au propos structuré qui s’offre au lecteur curieux. Une parfaite porte d’entrée pour une meilleure connaissance d’un auteur difficilement classable mais dont les accointances avec le roman réaliste et Kafka (il aimait faire le rapprochement avec son K personnel, p. 112) l’ont fait beaucoup aimer en France, où il fut très considéré dès 1972 (p. 111).

(mort en 1982, sa pierre tombale avait été gravée dès 1929 par des parents prévoyants mais peut-être un peu pessimistes … 7,5)