Eugène Onéguine

Livret de Constantin Chilovski et Pierre Tchaïkovski et sur une musique du dernier.
Production de l’Opéra de Francfort-sur-le-Main.

Les portes du pénitencier vont bientôt se refermer.

Eugène Onéguine, c’est le héros qui n’est non pas châtié par l’Amour mais par la société. Son châtiment, le héros l’a cherché, par sa superbe, par sa bêtise, par ennui. Il est même doublement sanctionné et s’il croît qu’il est une rédemption possible, jamais elle ne peut se matérialiser, ne serait-ce qu’un instant.

L’action débute dans le jardin de la famille Larine, où se trouve Madame Larine, ses deux filles Tatiana et Olga (dont on cherche à montrer les dissemblances de caractère à travers leurs chants) et la vielle gouvernante Niania. Des paysans viennent et chantent, puis arrivent deux visiteurs : Lenski, le voisin et fiancé d’Olga, accompagné de Onéguine, un ami. Tatiana est séduite par Onéguine.

Le soir venu, Tatiana avoue son amour naissant à la gouvernante, puis écrit une lettre. Le matin venu, Tatiana supplie la gouvernante de faire parvenir sa lettre à Onéguine. Ce dernier revient alors pour donner sa réponse à la lettre. C’est la douche froide pour Tatiana.

Un bal est donné en l’honneur de Tatiana. Onéguine est irrité par les racontars des villageois et regrette d’être venu. Il le reproche à Lenski. Pour se venger, il danse avec Olga. Lenski en prend ombrage et la dispute dégénère, malgré l’intermède d’un Français faisant l’éloge de Tatiana, en une convocation en duel le lendemain matin. Avant le duel, Lenski dit son inquétude et son amour d’Olga. Arrive Onéguine et el débat reprend. Se refusant à mettre fin à leur différent, les deux s’affrontent et Lenski meurt.

De nombreuses années plus tard, Onéguine revient à Saint-Pétersbourg d’un très long voyage à l’étranger. Il rencontre son ami le prince Grémine dans un bal, qui lui dit son amour pour sa femme, Tatiana Larine. Grémine lui présente Tatiana, et les deux se reconnaissent. Onéguine veut lui dire son amour. Lors d’un entretien, Onéguine dit son amour à Tatiana. Celle-ci lui rappelle combien ils étaient proches du bonheur quand ils étaient à la campagne. Elle lui dit même qu’elle l’aime encore mais lui demande de partir, car elle est mariée. Onéguine est laissé seul à ses regrets et sa douleur.

L’œuvre est placée dans une ambiance soviétique des années 80, avec costumes correspondants (Onéguine est très new-wave, robes à fleur pour Olga et Tatiana, mais Lenski est un poète hipster). Sur le plateau alternent deux décors (dans les deux premiers actes), une sorte de bar comme dans le Palais de la République à Berlin-Est (avec ses mosaïques de cosmonautes et de scientifiques) et une boulangerie industrielle (qui ne prend pas constamment la place de l’extérieur). Dans le troisième acte, c’est un long banc qui serpente sur le plateau et qui tourne sur lui-même. En avant du plateau se trouvent des glissières où peuvent se mouvoir des grilles (dorées ?) comme celles d’un grand magasin et au-dessus sont écrits, en lettre lumineuses et pouvant varier d’intensité, trois mots en russe (dont nous cherchons encore la signification, surtout que certaines lettres sont à un moment éteintes, donnant peut-être ainsi naissance à d’autres mots).

La production a donné à entendre une palette de voix d’une grande homogénéité, ingrédients d’un spectacle de très bonne tenue. Tatiana a été à juste titre très appréciée. Cette dernière a par contre été très couverte par l’orchestre dans son air dit de la lettre, un orchestre où tout n’a pas été parfait (un cor qui dérape …). Le rideau de fer (tiens donc …) était une bonne idée dans ce qu’il symbolisait une cage dorée. Sa fermeture dans la scène finale ne matérialise pas que l’impossibilité pour Onéguine d’accéder à Tatiana mais aussi la fin de la période romantique qui s’était commencé avec l’ouverture du rideau dans le premier acte. La société, celle des mariages arrangés, revient percuter Onéguine quand Tatiana lui dit qu’elle est mariée (la gouvernante parle de son mariage arrangé à Tatiana, où elle apprit, ensuite, à aimer son mari). Moins heureux furent l’utilisation de tous les préjugés disponibles sur la Russie lors de la scène du bal (danseurs folkloriques avec pain et sel, alcoolisme, pope et soldats …) et l’utilisation des lettres lumineuses non accessibles aux russophones.

Il en ressort un opéra de très bonne facture mais qui ne devrait pas marquer l’histoire non plus.

(des boulangers en rangs qui malaxent des pains en rythme tout en chantant des chants paysans … 7)