Black Earth

The Holocaust as History and Warning
Essai d’histoire de l’Holocauste par Timothy Snyder. En francais sous le titre Terre noire : L’Holocauste, et pourquoi il peut se répéter.

Le livre est plus noir que la couverture.

Le sujet a bénéficié de beaucoup d’attention de la part des spécialistes et pourtant il est toujours autant nécessaire de pouvoir lire des ouvrages qui font le lien entre toutes les études. Mais T. Snyder ne se contente pas de la collation des différentes sources et analyses et offre au lecteur des perspectives peu communes, tant au niveau de la chronologie que de la compréhension générale de ce phénomène central du XXe siècle.

Pour commencer par le commencement, l’introduction s’occupe la source de l’Holocauste : la pensée hitlérienne. Celle-ci ne cache nullement son orientation, sans pour autant prendre parti sur les moyens : l’Allemagne doit se débarrasser des Juifs qui l’empêchent par leur présence et les idées qu’ils véhiculent d’attendre le rang qui lui est promis comme race dans l’éternel combat pour la survie et le bien-être, à savoir le premier. Puisque l’homme est un animal (comme l’a montré le darwinisme), il faut faire coïncider la science et la politique (p. 5). Le premier chapitre poursuit l’exploration du contexte idéologique en mettant en avant le parallèle fait entre l’Allemagne et les Etats-Unis (possible avec la mondialisation du début du XXe siècle), un pays au niveau de vie fabuleux, ayant l’espace pour sa population et qui a su se débarrasser presque complètement des « êtres inférieurs » qui occupaient ce même espace : les Indiens. Pour son espace vital nécessaire, son biotope (Lebensraum), la race allemande n’aurait alors, compte tenu de la domination anglo-saxonne des mers, que comme solution de coloniser l’Est européen (avec en exemple aussi les expériences colonisatrices allemandes en Afrique, de loin pas douces). La conquête doit donc se faire jusqu’à l’Oural (en détruisant l’URSS « judéobolchévique »), en redirigeant la nourriture produite sur place vers l’Allemagne (le blocus allié de la Première Guerre Mondiale a fait des dizaines de milliers de morts) et donc en affamant les populations locales (comme en 1916 déjà, p. 17). De ce point de vue, A. Hitler est à la fois colonialiste et anticolonialiste (p. 8).

Posé le contexte idéologique, T. Snyder passe ensuite au contexte géopolitique et analyse en détail les différentes phases dans les relations à trois entre Berlin, Moscou et Varsovie dans les années 1930. La Pologne a essayé dans ces années de maintenir une position de neutralité entre ses deux voisins aux visées révisionnistes (plus de 100 000 citoyens soviétiques ethniquement polonais sont éliminés avant la guerre p. 57). Plus étonnamment, elle soutenait aussi avant la guerre le sionisme combattant et terroriste de V. Jabotinsky (camps d’entrainement p. 64) tout en souhaitant se rapprocher de la Grande-Bretagne (pourtant la victime de ces mêmes terroristes en Palestine p. 67). En fin de compte, ce sont l’URSS et les Nazis qui s’entendirent pour se partager la Pologne …

Le quatrième chapitre du livre marque le début de l’argument principal de l’auteur : c’est la fin des Etats en Europe centrale et orientale qui permet l’Holocauste. T. Snyder démontre clairement à notre sens la gradation par l’expérience qui lie ces deux phénomènes. L’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne, à chaque fois c’est une étape de plus dans la répression, à chaque fois de plus en plus longtemps. En Pologne, l’Etat détruit n’est à dessein pas remplacé par un autre Etat (l’Autriche est intégrée au Reich assez rapidement) et donc les éliminations (de Juifs et de personnes jugées comme dangereuses par les Nazis) qui ont duré des jours en Autriche durent le temps de la guerre, d’abord à l’Ouest du pays puis à l’Est avec l’opération Barbarossa, dans un territoire déjà parcouru par les assassinats ciblés (mais de masse) et les déportations (les pays doublement occupés comme les dénomme l’auteur). En Pologne, mais aussi en Biélorussie et en Ukraine, il n’y a plus de légalité et il n’y a plus que la survie qui compte (et l’enrichissement rapide), au prix de l’extermination de la minorité juive (avec participations locales à divers titres). Des pogroms sont suscités (mais pas toujours avec succès selon les lieux et le contexte sociopolitique local p. 160), les polices locales sont restructurées et leurs missions réorientées. Néanmoins, comme le démontre l’auteur, si le résultat pour les communautés juives locales (mais aussi les handicapés et d’autres personnes considérées comme indignes de vivre) est le même, les processus empruntent des voies différentes selon les pays, conséquences de leurs histoires récentes. L’auteur se penche pour se faire aussi sur les trois pays baltes (le judéobolchévisme comme mythe rédempteur pour les collaborateurs des Soviets dans les pays baltes en 1941, p. 164 et p. 187) et donne de nombreux détails sur la répression et la déportation des Juifs par les Soviétiques (dans le cadre de la lutte contre le capitalisme, dans une sorte de réforme agraire par la dénonciation et la déportation p. 132).

Après les premiers mois de l’occupation nazie à l’Est, tout est déjà presque achevé et la survie des Juifs dans les territoires colonisés est devenue presque impossible tant le risque de dénonciation est omniprésent et le danger très réel pour ceux qui protègent ou ne dénoncent pas (une seule peine, la mort). C’est ce que l’auteur appelle le paradoxe d’Auschwitz : quand le camp d’extermination ouvre, sont qui y sont destinés (pas ceux qui y sont transportés) et vivent en Europe de l’Ouest ont plus de chances de survivre à la guerre que ceux qui vivent encore dans sa proximité. Et ce pour une seule raison : ils sont encore protégés par des Etats. Et pourtant c’est ce camp d’extermination qui devient le symbole de l’Holocauste, principalement parce que le but était aussi d’y faire travailler des gens (dans un choix stratégique entre le travail des déportés ou le transfert des calories qu’ils consomment vers l’Allemagne, p. 201) et qu’il y a des survivants (en plus grand nombre que pour les tueries au bord de fosses, aux rescapés infinitésimaux comme ceux entrés dans les camps d’extermination de Sobibor, Treblinka, Chelmno ou Belzec). Ce sont la bureaucratie, la citoyenneté et les besoins de la politique étrangère des Etats non détruits de l’Ouest de l’Europe qui sauvent beaucoup des Juifs du sort qui leur est réservé à Auschwitz.

Une fois ces bases posées, T. Snyder va plus profondément, en prenant plusieurs exemples en commençant par les Etats alliés aux Nazis que sont la Slovaquie, la Croatie ou la Roumanie (où les politiques d’extermination ont libre cours), l’Italie (où l’Holocauste ne démarre qu’après la chute de B. Mussolini en 1943), la France ou encore le Danemark (qui organise plus ou moins la fuite de ses sujets juifs vers la Suède neutre).

La dernière partie de ce conséquent livre de 640 pages est consacré aux gens qui sauvent des Juifs en Europe orientale, malgré les énormes risques. L’auteur les classe en plusieurs catégories. La première est celle des « sauveurs gris », en général des soldats, qui sauvent certains juifs mais en exécutent d’autres selon le lieu (y compris dans les Einsatzgruppen qui tuent par balle hommes, femmes et enfants par milliers en une journée). La seconde catégorie est celle des hommes ou femmes d’église (qui peuvent bénéficier du soutien de leurs ouailles) et des groupes de résistance et de partisans locaux, qui ont chacun pour eux d’appartenir à des organisations constituées dans un environnement sans Etat (Armée polonaise de l’Intérieur, partisans soviétiques, plus rarement encore nationalistes ukrainiens) et qui peuvent éventuellement recruter. La catégorie suivante est qualifiée de Justes par l’auteur et ceux-ci sauvent par intérêt personnel (d’ordre sentimentalo-sexuel ou économique par exemple) ou par simple humanité (la bonté en ces temps p. 313 et l’irrationalité du sauvetage p. 318). Une fin de livre appropriée sans doute.

Mais ce n’est pas réellement la fin … La conclusion met l’accent sur la non-unicité du génocide des Juifs en tant que phénomène historique et humain et sur le fait qu’un tel mécanisme pourrait bien resurgir si une crise frumentaire mondiale venait à surgir et que des responsables venaient à être désignés. Les années 2010 n’ont pas été sans problèmes de ce genre, comme en Egypte ou en Syrie par exemple. En Syrie, c’est sans nul doute une cause de la guerre civile. Et l’Etat peut paraître solide, il n’en est pas moins une patiente construction dont l’absence fait disparaître tout droit. Il reste des gens qui rêvent de ce genre de choses prévient l’auteur.

Au-delà des cartes dans le texte, ce volume est complété par d’abondantes notes (au système sans numérotation assez moyen), une bibliographie bien entendue très ample et un index étoffé.

Le point le plus le plus important du livre est de rappeler que les Nazis ont pour objectif de remplacer l’Etat par la race, mais que cet objectif n’est pas d’abord atteint en Allemagne mais bien à l’Est. L’Etat est clairement l’obstacle au plan des Nazis de se débarrasser des « éléments non-naturels » en Europe. Le lien direct entre l’échec de l’Opération Barbarossa et la Solution finale est de plus très clairement expliqué (et les unités de la Wehrmacht sont très vites autonomes pour ce qui est d’éliminer des gens p. 190). Le livre a aussi pour objectif de lutter contre une mémorialisation de l’Holocauste, où il n’y a plus qu’Auschwitz, et il y réussit assez bien (alors que le grand public soit censé découvrir la « Shoah par balles » à intervalles réguliers). Pour T. Snyder, l’histoire dans sa complexité et sa variété doit encore être présente dans la sphère publique non spécialisée. La différence entre le communisme et le nazisme est aussi patente dans cette étude : les exécuteurs soviétiques sont organisés, efficaces et seul le NKVD est chargé des basses œuvres, tandis que les Nazis sont dans l’improvisation et la massification des tueurs (chacun y est appelé, p. 123). C’est dans ce sens qu’il faut comprendre H. Arendt.

C’est un livre très rude mais agréable à lire au sens esthétique (par exemple p. 170 ou p. 285 sur l’Holocauste qui pave le chemin à l’occupation soviétique), avec des cartes nombreuses et très utiles (malgré l’erreur sur celle de la p. 197 concernant une Alsace non intégrée au Reich). La partie sur la France est peut-être un peu simpliste ou fait confiance au lecteur pour se rappeler qu’il y deux zones en France, une libre et une occupée, jusqu’en novembre 1942 (p. 246). L’auteur semble aussi laisser entendre, de manière fausse ou très incomplète, que ce sont les colonisateurs qui ont inventé les ethnies en Afrique, comme p. 329 dans le cas des Tutsis et des Hutus au Ruanda. Très concentré sur l’Europe centrale et orientale, ce livre est néanmoins un indispensable sur l’horreur meurtrière à grande échelle qui ravage la moitié d’un continent pendant de très longues années.

(les Polonais ne se nomment pas une Nation martyre sans aucun fondement … 8,5)

A History of Ancient Egypt II : From the Great Pyramid to the Fall of the Middle Kingdom

Manuel d’histoire de l’Egypte ancienne par John Romer.

Chatoyant toujours.

Le premier volume nous avait enthousiasmé en 2013 (ici), aussi c’est avec une joie anticipée que nous avons lu le second volume (initialement prévu en deux tomes, le série en contiendra finalement trois). La première partie concernait la période allant des premiers agriculteurs de la vallée du Nil à la construction de la pyramide de Khéops (IVe dynastie, environ 2600 a.C.) et cette partie permet un grand bond jusque vers 1780 a.C., à la fin du Moyen Empire (XIIe dynastie) et au début de la seconde Période Intermédiaire. La particularité de ce volume, et qui a nous a semblé plus forte que dans le premier volume, est qu’il mêle très intimement l’histoire et l’historiographie. J. Romer est par exemple très critique de ceux qui voient l’histoire comme une science, en étant très négatif sur le positivisme du XIXe siècle qu’il voit comme un précurseur direct du nazisme (p. xiv, p. 49, p. 56 par exemple). Mais cette méthode permet aussi de comprendre comment se sont dégagées progressivement nos connaissances sur l’Egypte ancienne, et c’est d’un très grand intérêt parce que c’est très bien fait (malgré quelques très rares longs détours).

La préface présente le livre et sert à mettre les choses au point concernant les noms propres (pas de grécisation, Khufu et pas Khéops) et comment on fait de l’histoire dans ces temps à l’écrit très rare et aux représentations graphiques pas toujours évidentes et d’évidence pas encore canoniques.

L’ouvrage est ensuite divisé en huit parties. La première décrit la transformation de la cour royale sous l’influence de l’écriture. Ainsi, aucune des grandes pyramides royales de Gizeh ne contient de texte. On ne peut pourtant pas dire qu’elles n’ont pas bénéficiées d’une attention soutenue de la part de la cour royale : sur le siècle qui sépare la première pyramide de Snefrou de celle de Kephren, il a fallu poser en moyenne 240 blocs de roche par jour (p. 3) ! Mais après la IV dynastie, en même temps que les pyramides baissent en taille, les tombes des courtisans se complexifient et s’embellissent. C’est là qu’apparaissent les premiers textes de ce qui deviendra le fameux Livre des Morts, que l’on retrouve sept décennies plus tard dans les pyramides (vers 2380 a.C.).

La seconde partie raconte comment et dans quel contexte J.-F. Champollion a réussi à proposer une lecture phonétique des hiéroglyphes. Influencé par quelques prédécesseurs et aidé par les travaux de l’Expédition d’Egypte, les propositions de Champollion n’ont pas rencontré que de l’enthousiasme et de la reconnaissance (p. 27-28). En premier lieu, par sa lecture, il remettait en cause les chronologies établies, et en premier lieu celle de l’Eglise (p. 42). Professionnellement grillé, Champollion part pour Turin où il peut traduire la liste des pharaons de Manetho, une avancée utilisée encore aujourd’hui en égyptologie avec son concept de dynasties. Deux décennies plus tard, les concepts d’Ancien, Moyen et Nouvel Empire sont forgés par C. Bunsen (qui avait assisté au déchiffrement à haute voix des obélisques de Rome par Champollion), avec les deux périodes de latence qui seront dénommées « périodes intermédiaires » dans les années 1920. Une troisième période intermédiaire Entre la fin du Nouvel Empire et la domination perse fait consensus dans les années 1960 (p. 48-50).

La troisième partie revient à la IVe dynastie en s’intéressant en particulier aux statues du sphinx et de Kephren et le faucon, avant de passer aux temples funéraires de Mykérinos, la place des reines dans le système de pouvoir, et l’introduction d’une notion différente du temps une fois que le plateau de Gizeh ne sert plus de nécropole royale à la fin de l’Ancien Empire. La quatrième partie continue donc la description de cet Empire qui maintenant sa résidence à Abousir. On y construit là encore des pyramides et des temples pour les pharaons de la Ve dynastie, ainsi que de nouveau à Saqqarah. J : Romer détaille aussi l’économie de l’offrande qui caractérise l’Egypte pharaonique, avec des surplus agricoles qui servent aux offrandes au roi, aux dieux et aux morts. Lieux importants pour le fonctionnement de ce système (p. 128), les temples solaires abritent des magasins mais surtout des abattoirs (deux temples de ce type ont été étudiés p. 123) devant alimenter les différentes parties de l’Etat (plus d’administration = moins de pyramide p. 146). Pour l’auteur, il n’y a pas d’impôts mais plutôt un système de dîme, sans pour autant qu’il faille voir cette dernière comme mesurée avec précision ni susceptible d’être complétée par des prélèvements supplémentaires locaux en cas de voyage du pharaon (comme il peut y avoir des levées pour les projets royaux, dont les 40 à 50 000 travailleurs mobilisés les premières années pour la pyramide de Kheops, p. 135). Cette parie aborde aussi le thème de la cour royale et du palais (en briques crues, ce qui facilite son itinérance) dans un pays qui ne compte pas de villes (p. 144). Memphis n’est pas une ville à cette période (en plus de ne pas être sur l’emplacement de l’actuelle commune qui porte ce nom), c’est une région en lien étroit avec tout le pays (chapitre 14) et les ressources qu’il contient, dont le cuivre indispensable à la construction en dur et à la production plastique, de plus en plus utilisé (p. 152). Ce chapitre conduit inévitablement à considérer les cultes royaux, dans un royaume considéré comme constitué par les choses visibles et les choses invisibles (p. 175 et p. 420).

La diffusion de plus en plus importante de l’écriture (tout en restant limitée à quelques milliers de personnes) permet de pouvoir retracer quelques parcours de vie de courtisans de l’Ancien Empire (cinquième partie), au travers de lettres royales recopiées dans les tombes de vizirs (chargés de missions royales localement ou pour tout le royaume) ou sur des papyrus recouvrés lors de fouilles. Les missions de ces vizirs sont discutées par l’auteur, surtout en tant qu’envoyés vers le Sud, à travers le Sahara, le Sinaï, le Levant ou le pays de Punt. Les côtes de la Mer Rouge voient la création de plusieurs ports (l’un l’est pour acheminer le cuivre sinaïte nécessaire à la construction de la pyramide de Kheops p. 269) où sont transportés des bateaux construit sur les bords du Nil avec du bois importé du Levant (les bateaux sont même dits de Byblos).  J. Romer revient aussi dans cette partie sur les traces écrites dans pyramides les plus récentes de Saqqarah (avec une très grande place laissée à l’historiographie, très éclairant, formant presque un second récit).

Puis tout cesse. Plus aucune pyramide n’est construite. Certains temples et même des pyramides sont mis à sac. Commence la Première période Intermédiaire, entre environ 2200 et 2140 a.C. (sixième partie). Il semble qu’une baisse des crues du Nil ait déréglé toute l’organisation économique centralisée du royaume, avec un fort raccourcissement des circuits économiques et l’apparition de nouveaux villages sur des emplacements encore vierges. Des aristocrates se maintiennent cependant dans leurs terres, sans pour autant que l’on puisse dire qu’il y ait eu une concurrence féroce et violente entre eux (p. 307). Mais la fin de l’Ancien Empire accélère le développement de pratiques funéraires nouvelles (p. 310-311) avec l’apparition de statues en bois dans les tombes et des premiers masques mortuaires peints.

Puis, vers 2140, sortie de nulle part, une nouvelle dynastie (la XIe) apparaît qui parvient assez vite à réunifier le pays et à relancer une cour royale avec tout ce qui faisait sa fonction pendant l’Ancien Empire (septième partie). Ce dernier est une référence culturelle permanente. Thebes devient la résidence royale et le culte de Osiris est réformé tandis qu’est institué celui d’Amon-Rê (p. 339-344). Les tombes royales prennent la forme de longs temples, à l’entrée de ce qui va être la Vallée des Rois. La nouvelle cour thébaine (tout comme leurs successeurs de la XIIe Dynastie à Itj-towy) entreprend des expéditions pour s’approvisionner en matériaux nécessaires au culte : cuivre du Sinaï, encens du Sahara, merveilles de Punt, pierres précieuses du désert et alabastre de Moyenne Egypte. Le coût de ces expéditions est aussi élevé que la construction de grands monuments (p. 397-406). On peut aussi grâce aux inscriptions des tombes mieux définir les relations avec les voisins de Nubie et du Levant. Pour stabiliser le commerce avec la Nubie, une série de dix-sept forteresses est construite (p. 438).

La huitième partie explore l’établissement royal de Itj-towy (pas flamboyant p. 457) et ceux qui travaillent pour l’Etat au sein de différents établissements, tous dépourvus de place publique (p. 488). Un épilogue livre enfin quelques réflexions sur la culture de ce que l’auteur qualifie d’âge d’or tout en conseillant de ne pas se baser sur les histoires parfois fantastiques que la littérature égyptienne nous a transmis pour en tirer des enseignements d’histoire politique (p. 515-520) et à ne pas encore une fois transposer le XIXe siècle européen sur les antiques rives du Nil. La fin du Moyen Empire est-elle pleine de mystères, et la cause de la baisse de la hauteur des crues semble être exclue. Une chronologie royale, des indications bibliographiques rangées par chapitres et un index complètent ce livre.

Notre attente n’a pas été déçue, et si le l’ouvrage peut paraître gros (535 pages de texte), il se lit avec délectation. L’auteur s’y connaît en superbes descriptions (exemple p. 281) et le lecteur sent bien qu’il en a encore sous le pied en termes de renseignements mais qu’il ne veut pas trop charger la barque (solaire ?) et ainsi garder la très grande lisibilité qui caractérise cette série. Le livre est de plus très richement illustré à l’aide de cartes, de dessins, de croquis et de photographies (en couleur dans les deux cahiers centraux). C’est, comme le premier volume, l’aboutissement d’une vie de recherche et J. Romer a l’extrême bonté d’en faire profiter le lecteur (qui n’a pas besoin d’être un spécialiste).

Une synthèse d’une grande pertinence et puisant aux avancées les plus récentes, écrite avec une passion communicative.

(Pharaon, c’est un rural p. 162 …8 ,5)