Das Rätsel der Schamanin

Eine archäologische Reise zu unseren Anfängen
Essai d’archéologie mésolithique par Harald Meller et Kai Michel.

Un mystére bien moins épais.

En 1934, à Bad Dürrenberg sur un plateau qui surplombe la rivière Saale (de nos jours dans le Land de Saxe-Anhalt), des travaux ont lieu dans un parc en vue d’une exposition horticole. Une tombe préhistorique est découverte et en un après-midi, cette dernière est fouillée. Les spécialistes locaux et nationaux s’entendent pour voir son occupant comme un homme ayant vécu vers 7000 av. J.-C. avec des fonctions sacrées. Les Nazis sont contents, on a un aryen, ancêtre direct (non chrétien) des Allemands du XXe siècle. Et on stocke les os et les très nombreux artefacts retrouvés dans un magasin et le cas n’intéresse plus grand monde. Problème : l’occupant de la plus riche tombe préhistorique retrouvée en Allemagne est une femme, qui plus est enterrée avec un enfant en bas âge que les fouilleurs nazis ont très vite évacué. Une femme chamane donc ? Comment les deux auteurs en arrivent à cette conclusion ? Grâce aux avancées de l’archéogénétique, à un regard critique sur l’ethnologie, à l’ostéologie et à la possibilité de fouiller à nouveau la tombe en 2019 à l’occasion de nouveaux travaux dans le parc. Il en ressort des choses étonnantes, rassemblées dans un livre comptant 340 pages de textes, des illustrations dans le texte et deux cahiers d’illustrations quadrichromes.

Le Mésolithique, c’est une sorte de transition (sur des milliers d’années tout de même). Avec la fin de la dernière glaciation (dite de Würm), la toundra recule en Europe centrale et se transforme en gigantesque espace arboré. Les groupes humains qui se déplaçaient sur des grands distances pour chasser de grands animaux le font beaucoup moins, ils se territorialisent et leurs réseaux de connaissances se réduisent. Les moyens de la chasse changent eux aussi, pour s’adapter à l’environnement. Il y a donc un début de sédentarisation (invention du cimetière p. 266), qui, sans téléologie, va déboucher sur l’agriculture (mais pas avant 4000 a.C.). Mais les habitants de l’Europe centrale restent des chasseurs-cueilleurs, à des mondes du mode de vie des pasteurs nomades que l’on peut encore voir aux abords du cercle polaire. La chamane de Bad Dürrenberg vit dans ce monde mais y occupe une position qui n’est pas celle du commun. Ses os montrent une activité physique beaucoup plus réduite que ses contemporains et sa tombe décrit, selon les auteurs, une spécialisation professionnelle qui n’a pas cours au paléolithique. Ses incisives supérieures, signe supplémentaire, ont été rabotées (intentionnellement ou suite à une pratique répétée non identifiée), que les auteurs voient comme un signe de crédibilisation professionnelle, laissent la pulpe dentaire à vif. Mais cela ne conduit pas à une inflammation maxillaire généralisée, sans doute parce que la chamane peut calmer la douleur et empêcher (par différents moyens) les infections. Si l’on ne peut pas dire avec certitude que la chamane use de percussions dans son activité (de toutes façons pas une composante obligatoire du chamanisme), elle est néanmoins sujette à des pertes de connaissances ou des éblouissements à cause d’une malformation cervicale qui peut, quand elle incline la tête en arrière, agir sur le flux sanguin irrigant le cerveau. Comme pour les dents, ce n’est pas la cause de la mort, survenue entre 40 et 45 ans, soit un âge très honorable pour l’époque.

La question du chamanisme est centrale dans ce livre (elle occupe de nombreux chapitres) et si les auteurs semblent se contredire en répétant que des découvreurs ont attribué avec grande libéralité la qualité de chamane à de nombreuses sépultures, leur attribution repose sur des bases solides, avec des renseignements dont les archéologues d’il y a encore dix ans ne pouvaient même pas rêver. Mais à la base il y a les restes ostéologiques et la grande diversité et qualité du matériel retrouvé. Une fois la tombe rouverte (la chamane et l’enfant reposent dans une sorte de panier, au fond d’un rectangle badigeonné d’ocre et recouvert de terre blanche formant un octogone en surface) et ses abords inspectés (deux masques de cerf, postérieurs de six à huit siècles, retrouvés à un mètre), la fouille a eu lieu pendant six mois dans les locaux du service archéologique régional après avoir extrait la tombe « en bloc ». Puis scanner à haute résolution, analyse génétique etc. Les analyses génétiques ne montrent pas de prédispositions génétiques aux maladies mentales et établissent que l’enfant n’est pas le fils de la chamane mais qu’ils ont un ancêtre commun, qui se trouve être l’arrière grand-père ou l’arrière-grand-mère de l’adulte (extrêmement improbable qu’il ait été sacrifié, p. 295).

Comme on vient de le voir, la génétique appliquée à l’archéologie ne se limite pas aux grands groupes. Les techniques plus traditionnelles de l’archéologie ne sont pas pour autant délaissées (les lames de silex différentes permettent d’évaluer la présence de 200 personnes à l’inhumation, pas tous des locaux p. 293). Les auteurs usent par contre assez souvent d’un militantisme de portes ouvertes (ah le méchant patriarcat …) et leurs germanité leur fait dire des choses inexactes sur les « prépenseurs de la destruction »  (p. 62) en confondant théorie raciale et Solution Finale ou en simplifiant outrageusement un choix entre unité européenne et guerre d’anéantissement (p. 65). Leurs critiques sur la vision occidentale du chamanisme jusque dans les années 1970 ne sont pas non plus sans fondement, mais elles tangentent l’anachronisme ou la technique de l’homme de paille sans pour autant souligner le goût plutôt européen pour la découverte (les chrétiens, les seuls intolérants p. 136). Et comme il a été le fait le choix de se passer de notes, il est difficile au lecteur de contrôler certaines affirmations et la très courte bibliographie finale n’aidera pas beaucoup. Les statistiques avec un contingent de 33 cas sont aussi un peu tirées par les cheveux (p. 204). Quant à cette invasion d’anglicismes, ils n’apportent rien mais montrent seulement l’appauvrissement de l’allemand scientifique …

Mais la question du chamanisme, y compris dans sa problématique contemporaine, est abordée avec beaucoup d’intérêt (les huit critères du chamanisme p. 140-143), même si ce qui pourrait, pour les auteurs, ressembler à un retour à une religion « naturelle » par de nombreuses personnes (ils n’en sont pas les avocats néanmoins p. 326) contredit ce qu’ils affirment aussi par ailleurs concernant la disparition des traditions chamaniques sous les coups de boutoir des différents pouvoirs russes et soviétiques. Il y a beaucoup de simplismes dans les passages sur l’histoire des religions et la déchristianisation. Un éventuel matriarcat paléolithique voir son sort réglé brutalement mais avec humour en faisant une comparaison avec le culte marial et la hiérarchie catholique (p. 248) et l’influence idéologique est bien démontrée dans le cas des fouilles de tombes dites de chamanes par les Soviétiques. Le chamane, c’est le koulak.

Si la toute fin du livre s’aventure du côté de la fiction, il envoie un dernier trait en évoquant une possible fréquentation du site sur vingt générations avec l’ensevelissement des deux masques de cerfs à un mètre de la tombe, tournés vers cette dernière. Entre 600 et 800 ans plus tard …

(le premier livre d’archéologie que nous lisons qui cite du Harry Potter …7,5)

Women and Weapons in the Viking World

Amazons of the North
Essai d’archéologie viking de Leszek Gardeła.

Beau décor pour un jeté de hache !

L’analyse génomique de la tombe Bj 581 de Birka (Suède) en 2017 avait jeté un pavé dans la mare des études nordiques. Découverte en 1878, la tombe abritait un guerrier au vu du matériel recueilli. Le guerrier est devenu une femme après analyse des restes ostéologiques … Mais la tombe est-elle pour autant celle d’une guerrière ? L. Gardeła éclaire les différents contextes et les liens possibles entre femmes et armes à l’époque viking, entre le VIIIe et le XIe siècles. Loin des emballements rapides …

Classiquement avec ce type d’ouvrage, l’introduction aborde les problèmes méthodologiques et théoriques afin de bien délimiter le sujet, entre diversité des pratiques funéraires scandinaves, artefacts polysémiques, idéal guerrier et la question sexe/genre dans le monde viking. L’auteur enchaîne sur l’historiographie. De manière assez surprenante l’existence possible de guerrières viking remonte au tout début du XXe siècle, avec la fouille de Nordre Kjølen en Norvège, que les fouilleurs analysent comme la tombe d’une skjoldmø, une « jeune femme au bouclier » prenant part au combat (p. 22), que l’on retrouve dans certaines sagas mais aussi chez des historiens comme Saxo Grammaticus et Jean Skylitzès. Leur analyse est reprise par de nombreux scientifiques.

Les textes en question font l’objet d’une longue analyse dans le troisième chapitre. L. Gardeła commence avec la Gesta Danorum de Saxo Grammaticus avant de passer à la Saga des Islandais (une œuvre plutôt réaliste) puis aux sagas légendaires qui mettent en scènes des femmes prenant les armes (souvent peu de temps et en l’absence d’hommes p. 93) ou même combattent. Il y aussi un cas périphérique chez les Anglo-Saxons. Tout ceci mène aux indices livrés par les tombes contenant des armes et qui peuvent contenir un défunt de sexe féminin. A tout seigneur tout honneur, l’auteur commence ce chapitre avec la maintenant célèbre tombe de Birka, Bj. 581 (qui peut de plus aussi montrer un lien fort avec le monde centre-européen). Commençant par la Suède (quatre sépultures), l’auteur embraye avec la Norvège (au moins dix cas) puis s’intéresse au Danemark (trois exemples). A chaque fois, la tombe et son contenu sont détaillés, accompagné d’illustrations et souvent d’une vue d’artiste (très plaisante mais qui ne valent peut-être pas celles faites par Ƿórhallur Ƿráinsson dans The Viking Way).

Une fois la description faite, L. Gardeła interprète son corpus, arme après arme. La présence d’une hache, par exemple, ne permet pas de définir le guerrier. Les types retrouvés peuvent tout à fait être des outils aux nombreux emplois (de cuisine, pour couper du bois) ou servir dan le cadre de rituels. Il est à noter que certaines tombes contiennent des armes miniatures (et pas que des haches), que l’auteur analyse aussi, tout comme leur positionnement dans la tombe. L’auteur s’intéresse dans le reste du chapitre aux épées (emblématiques s’il en est), aux lances, aux boucliers, aux arcs et flèches et enfin aux équipements de monte.

Le sixième chapitre est iconographique (on avait déjà eu quelques éléments de ce type dans les chapitres précédents). Il est d’abord question des broches dites « valkyrie », que l’auteur réinterprète comme des représentations de Sigurd et Brynhildr. Mais il n’oublie pas les petites statuettes et appliques, la tapisserie d’Oseberg et les stèles.

Le chapitre suivant s’aventure hors de Scandinavie pour trouver d’autres exemples de femmes combattantes, que ce soit chez les Sarmates mais aussi des cas de travestissement éventuellement combattant dans les Provinces Unies du début de l’époque moderne (p. 127), les guerrières de la garde royale du Dahomey ou encore les femmes au front lors des deux guerres mondiales (Russie, Serbie, Pologne) mais sans oublier (avec quelques dommageables imprécisions, p. 133) les engagements non combattants. Le dernier chapitre est la conclusion de l’ouvrage (qui contient 130 pages de texte). Cette conclusion est très prudente, l’auteur n’est visiblement pas encore convaincu de l’existence de guerrières viking même s’il est gagné à l’idée que la mentalité scandinave de la période ne s’y oppose pas et permet peut-être à des femmes de poursuivre un idéal guerrier sans forcément être sur le champ de bataille. Aucune des femmes inhumées ne semble avoir souffert de traumatismes que l’on pourrait attribuer au combat, ce qui serait un argument de poids dans la reconnaissance de l’existence de guerrières (qui de toutes façons seraient en nombre extrêmement réduit).

Historiographiquement et méthodologiquement très solide, l’auteur rappelle plusieurs fois sa ligne de conduite basée sur la prudence (p. 92), surtout à l’aide d’un argument simple qui naît des apports du premier chapitre : le matériel des tombes est un choix fait par ceux qui inhument, pas par le défunt. Les artefacts ne sont donc pas forcément des possessions du défunt mais reflètent comment le voient ceux qui inhument (p. 9, avec un très bon diagramme des objets funéraires). Une autre caractéristique de l’ouvrage est son utilisation d’exemples non-scandinaves et le plus souvent polonais (le nom de l’auteur est un indice …), ce qui donne des ouvertures plus inhabituelles et pas moins pertinentes (les armes miniatures chez les femmes aztèques pour l’accouchement par exemple p. 127). Il reste quelques défauts, le premier étant une écriture assez peu plaisante (même s’il est difficile de faire du beau dans les descriptions de fouilles et les inventaires) et qui peut ralentir le rythme. La tentative littéraire de la conclusion, peut être en référence à The Viking Way (l’auteur semble être très lié à N. Price, peut-être son élève), est très maladroite. Nous n’avons pas pu non plus nous expliquer comment un homme de 35/40 ans peut avoir une mère de 40 ans (double inhumation à Gerdrup p. 69-70, mais un article de 2021 sur cette tombe par O. T. Kastholm et A. Margaryan ne fait pas mieux) …

Un ouvrage qui calme les auteurs de conclusions hâtives et rappelle certains fondamentaux, dans l’équilibre et le réalisme mais pas sans exclure la possibilité de l’existence d’une incarnation de femmes combattantes en lien avec des figures mythologiques dans le Nord médiéval.

(ainsi ces belles broches trilobées sont d’origine carolingienne p. 103-104 …8)

Königinnen der Merowinger

Adelsgräber aus den Kirchen von Köln, Saint-Denis, Chelles und Frankfurt am Main
Catalogue de l’exposition du même nom sous la direction de Patrick Périn et Egon Wamers.

Reine un jour, reine toujours.

Il n’y eu visiblement en 1959 pas le même engouement qu’en 1922 quand H. Carter mis au jour une petite tombe dans la Vallée des Rois thébaine. Pourtant fut découverte cette même année la plus ancienne sépulture royale française (plus précisément franque), en la basilique de Saint-Denis. Peut-être un tout petit peu moins d’or entassé … et une image beaucoup moins positive (la barbarie, les « Ages Sombres », les rois fainéants etc.). Le sarcophage est intact et renferme les restes de la reine Arégonde en plus de plusieurs artefacts trahissant son rang royal. Les sépultures comparables et de cette période qui nous sont parvenues sont peu nombreuses : celle de Wisigarde à Cologne, de Balthilde à Chelles et d’une fillette de très haut rang à Francfort-sur-le-Main. Elles furent toutes mises en miroir dans l’exposition de 2012 et conséquemment ce catalogue.

Le livre ouvre sur une partie introductive centrée sur la place des femmes de haute noblesse dans la société franque, entre polygamie royale (exorbitante du droit commun et combattue par l’Eglise) et sainteté (comme nous allons le voir), mais aussi quelques données biographiques sur les reines franques évoquées dans ce catalogue. Il y a aussi quelques généralités sur le matériel retrouvé dans les tombes (la question de l’origine assez étonnante du grenat des bijoux cloisonnés se trouve plus loin dans le livre p. 110-111) et leur origine, puis quelques explications sur les sépultures auprès ou dans les églises au Haut Moyen-Age. L’église n’est pas toujours préexistante et les Mérovingiens semble aimer les ruines romaines comme lieu de sépulture (quitte à prendre un bain pour une église, p. 63) ou construire une halle sur la tombe dans le cimetière.

 Suit la première figure considérée, la reine Wisigarde (c. 510 – c. 538), épouse de Théodebert Ier. Sa tombe a été (de manière extrêmement probable) retrouvée à Cologne, sous l’actuelle cathédrale en 1959 (elle aussi). Dans la tombe voisine et exactement contemporaine se trouve un garçon, dont l’analyse génétique (mitochondriale) montre l’absence de lien familiaux avec Wisigarde. Dans la tombe de cette dernière, on ne dénombre pas moins d’une centaine d’objets, de la fibule cloisonnée, aux anneaux et bracelets en passant par une sphère en cristal de roche, un couteau à manche en or, des bouteilles en verre, des gants et un coffre. Une telle richesse accompagnant la défunte a pu faire douter certains scientifiques du christianisme de la personne inhumée. Cela semble néanmoins être le cas, la présence d’offrandes variées (y compris de la nourriture) n’étant pas absente d’autres tombes contemporaines et chrétiennes (p. 69). Il y a après tout des monnaies dans la tombe du pape Jean-Paul II …

Le chapitre suivant est consacré à la reine Arégonde (née vers 514 et morte entre 571 et 582, p. 116), dont le sarcophage a été retrouvé à Saint-Denis sous la basilique du même nom. Le sarcophage, loin d’être esseulé (l’analyse ADN a détecté quinze individus ayant des liens familiaux avec Arégonde et ensevelis à proximité), contient un mobilier très riche et varié dont les pièces centrales sont une épingle ouvragée et une bague portant le nom de la reine. L’analyse de la dépouille conclut à une légère infirmité de la reine, à cause d’une poliomyélite contractée entre quatre et cinq ans, à de l’arthrose (la reine est morte soixantenaire) et à un accouchement difficile au vu de l’émail dentaire (Chilpéric Ier en 534, p. 106 ?).

La reine Balthilde (c. 625-680) est la troisième reine considérée. Elle a été inhumée dans le couvent qu’elle a fondé à Chelles-sur-Marne mais sa sépulture d’origine n’est plus identifiable. Par contre, du fait de sa sainteté, le contenu de la tombe, cendres comme artefacts, ont été conservés comme reliques (translatio en 833). Arrivée encore enfant (vers 641) comme esclave ou otage à la cour franque depuis l’Angleterre, elle épouse vers 649 le roi Clovis II. En 657, elle est co-régente au nom de son fils mineur Clothaire III, assistée entre autres par l’évêque Eloi de Noyon, celui que la chanson a rendu populaire pour une histoire de vêtement et orfèvre de grand talent. Elle fonde de nombreux monastères dans la mouvance irlando-franque (règle de Saint Colomban), dont celui masculin de Corbie et celui de Chelles (en 658/659, sur le site d’une chapelle fondée par la reine Clotilde, l’épouse de Clovis Ier) où elle se retire à la majorité de Clothaire III en 665. Des possessions de la sainte ont été conservés une tunique portant des broderies reproduisant des bijoux (sans doute ceux qu’elle portait en tant que reine avant 665, p. 131-136), un manteau en soie, une fibule dorée, une ceinture et différents galons tissés. Une mèche de cheveux nous est aussi parvenue avec un long bandeau de soie enroulé autour permettant de reconstituer la coiffure de la reine. Enfin, parmi les reliques, des restes de plantes sauvages (le fond du sarcophage ?) et de l’encens.

A la description des reliques de Chelles fait suite un article sur le sceau en or découvert en Angleterre en 1998 et qui a toutes les chances d’avoir appartenu à Balthilde (aux liens forts et persistants tout au long de sa vie avec l’île). C’est un sceau monté sur un axe, avec sur une face un portrait féminin en buste et l’inscription +BALdEhILDIS et sur l’autre face un couple nu, ayant vraisemblablement une relation intime surplombés d’une croix. Un autre article détaille les liens entre Balthilde et Saint Eloi, évêque, orfèvre de la cour mais aussi chargé du trésor royal et de la frappe des monnaies.

La dernière partie du catalogue est consacré à la tombe d’enfant découverte en 1992 dans l’église des Saints-Bartholomée-et-Charlemagne de Francfort-sur-le-Main. Cette église avait été construite sur la basilique du Saint-Sauveur (855) due à Louis le Germanique et desservant le palais de Louis le Pieux à proximité immédiate, mais la tombe était abritée par un bâtiment rectangulaire (memoria ?), une chapelle étant située plus à l’ouest. La tombe est celle d’une fillette âgée de quatre ou cinq ans, datée des débuts du VIIIe siècle, et appartenant à la haute noblesse franque (qui administre le domaine royal sur les bords du Main ?). Inhumés avec la fillette, des victuailles et des tasses en verre, des tissus (dont une couverture tissée avec une croix en or), mais surtout la défunte porte de nombreux bijoux de tous types, un olfactoriolum autour du cou (une boîte diffusant du parfum), un bracelet romain et un objet trapézoïdal en ivoire.  Le plus étrange étant la présence à la droite de la fillette d’une autre sépulture contemporaine, celle d’un garçon du même âge, crématisé dans une peau d’ours accompagnée de divers os d’ours et de griffes. On peut imaginer que, enfants de familles amies et décédés des mêmes causes, il a été décidé d’une inhumation conjointe mais selon deux rites radicalement différents, l’un chrétien et l’autre païen. Toujours est-il que la tombe de la fillette se retrouve en plein dans l’axe de la nef de l’église Saint-Sauveur 150 ans plus tard, démontrant sans doute une persistance mémorielle et une considération spéciale.

Cure rafraichissante et régénérative pour celui qui n’a pas entendu parler des Mérovingiens depuis trop d’années, ce livre ravira aussi le profane par ses très nombreuses illustrations (de tous types) et sa clarté, qui ne se fait pas au détriment de son exigence méthodologique. On notera aussi la présence de nombreuses cartes. La qualité des pièces d’orfèvrerie présentées reste ahurissante, mais ce qui va sans doute nous rester le plus en mémoire ce sont les liens culturels très forts avec Constantinople dans les cours franques. Le ton est donné pour les bijoux et l’habillement en grande partie du côté du Bosphore, mais cela s’étend aussi aux pratiques funéraires (refaire chez soi l’église des Saints-Apôtres de Constantinople, exemple de mausolée impérial, avec l’actuelle église Sainte-Geneviève à Paris). Entre Romains …

Toujours et encore (et comme nous en parlons depuis des années), les soi-disants « Ages Sombres » gagnent en luminosité.

(Arégonde fait importer ses chaussures de la Rome byzantine p. 115 … 8)