Fascism

The Career of a Concept
Essai de philosophie politique de Paul Gottfried.

Il y a plusieurs sortes d’aigles.

Les accusations de fascisme sont d’une grande banalité, en provenance de toutes les cases de l’échiquier politique et en direction de toutes les autres, dans de nombreux pays occidentaux. Reposent-elles sur un fondement analytique, sur une analogie historique et politique éprouvée ? Pour l’auteur, mais aussi pour un grand nombre d’observateurs, ce n’est pas le cas de la très écrasante majorité des occurrences. Mais comme cela reste efficace (ou que cela rempli un but autocentré), principalement à cause du fait que cela ne renvoie même plus à un mouvement politique italien mais aux Nazis, cela continue 75 ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

L’essai est composé de différents chapitres que l’auteur a souhaités autonomes et qui se concentrent chacun sur un angle d’attaque (qu’il ne prétend nullement  avoir été le premier à aborder). La question de la définition du fascisme (et donc si son utilisation lors de débats aurait un fond) est bien évidemment le premier angle abordé, suivi de savoir si le fascisme est un totalitarisme. Suivent des chapitres sur la relation du fascisme au passé, sur le fascisme vu comme un mouvement de Gauche, sur l’échec du versant internationaliste du fascisme, sur l’existence ou non d’une utopie fasciste et enfin sur la disparition d’une Droite révolutionnaire qui serait liée au fascisme.

L’auteur ne prétend pas à l’objectivité et ses opinions conservatrices au sens étatsunien sont connues et pas cachées du tout (contre le néoconservatisme et la « modernité exportatrice » p. 57, fascisme et Etat-Providence p. 88). A. Merkel n’a pas l’heur de plaire à P. Gottfried et il ne s’en cache pas (p. 6). J. Habermas est dans le même panier. Si plusieurs exemples du livre sont européens, la grande majorité de ces derniers sont étatsuniens, ce qui peut éventuellement rendre la lecture plus compliquée. D’un autre côté, l’auteur n’a pas forcément les prévenances que l’on peut avoir en Europe : Senghor est directement qualifié de dictateur, chose rare surtout en France (p. 22).

L’auteur arrive bien à cerner ce qui différentie mais aussi ce qui rapproche le fascisme (toujours distinct du nazisme, mais aussi le plus souvent d’autres mouvements espagnol, français ou roumain) du communisme. Il y a une aile marxiste dans le fascisme italien qui veut aller plus loin dans la collectivisation et le corporatisme (p. 28). La question du positionnement du fascisme sur le spectre politique, comment il est perçu, est très bien analysée, tout comme le fait que le fascisme soit un totalitarisme inachevé pour le moins (imagine-t-on Staline renvoyé ?). En 1920, l’origine à gauche du spectre politique ne fait pas de doute pour les observateurs mais cela change au cours des années 1920 et 1930 à cause du combat contre le bolchévisme (p. 37-38). Certaines assertions peuvent être décapantes (le fascisme comme conséquence de la démocratisation et de l’égalitarisme qui le sous-tend p. 135), d’autres faire comprendre certaines oppositions encore actuelles (assimilation à la française vue comme un étatisme p. 102), d’autres encore rappeler un contexte social qui pousse à la recherche de solutions nouvelles (Crise de 1929). Passage à noter : celui sur le théoricien du fascisme G. Gentile qui compare le fascisme à la Révolution française, le premier insistant sur les devoirs, la seconde sur les droits (p. 136-137).

Loin d’être ignorant des réalités européennes, l’auteur commet néanmoins des erreurs assez étonnantes, comme situer Bielefeld dans le Land de Hesse (p. 73) ou un président ouest-allemand prononçant un discours le 8 mai 1945 (p. 85). Dans la même veine, le Front National est-il un parti que l’on peut à un moment de son histoire qualifier de bourgeois-chrétien (p. 77) ?

Le voyage que propose l’auteur passe par de nombreuses contrées de l’histoire des idées aux Etats-Unis (souvent en profondeur). Le fascisme vu comme phénomène latin par l’auteur ne manque pas d’Intérêt mais la faiblesse se situe clairement du côté du cas de la France où l’auteur essaie de se raccrocher aux branches : le philosophe G. Sorel n’a jamais été même proche du pouvoir. Le comparer à A. Primo de Rivera, G. Gentile ou C. Codreanu qui selon P. Gottfried théorisèrent le fascisme respectivement en Espagne, Italie et Roumanie, c’est aller très loin. D’un autre côté, l’auteur fait aussi un sort à Z. Sternhell (p. 155-156) et à sa conception très extensive du fascisme …

Du bon grain mais aussi de l’ivraie.

(Etat-Providence qui survit aux Nazis après 1945 …moué … 6,5)

The Mitrokhin Archive II

The KGB and the World
Essai historique de Vassili Mitrokhine et Christopher Andrew.
Existe en français sous le titre Le KGB à l’assaut du tiers-monde : agression-corruption-subversion, 1945-1991

Crépuscule rouge.

L’archiviste du Premier Directorat Principal du KGB n’avait pas tout dit avec son premier livre sur les actions du KGB en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis. Les autres continents avaient bien sûr été aussi un champ d’action des services secrets de l’URSS, et en premier lieu du KGB. Trotsky n’avait pas été en sécurité au Mexique. Mais le livre se concentre sur l’après 1945 (bien que la période 1917-1945 aurait été d’un grand intérêt aussi), avec toujours pour base les notes prises par l’archiviste sur des dossiers qu’il a eu entre les mains lors du déménagement partiel du siège du KGB et qui partirent avec lui lors de son exfiltration vers le Royaume-Uni en 1992 (ce que rappelle sans entrer dans les détails l’introduction).

Le livre s’organise en quatre parties inégales mais également munies d’un chapitre introductif : les Amériques, le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique. La partie sur les Amériques s’intéresse entre autres à Cuba, au Chili, au Guatemala, au Panama, au Salvador, au Pérou, à l’Argentine et à la Colombie. Cuba prend bien sûr une place très importante puisque le régime a pu se maintenir et qu’il a été non seulement une tête de pont pour les services soviétiques mais a aussi voulu prendre sa part de manière active dans l’exportation de la révolution, que ce soit avec des guérillas (avec E. Guevara à la manœuvre, aussi pour moins le voir à La Havane) ou, plus tard, avec des soutiens armés plus conventionnels comme en Afrique (Mozambique, Angola, Ethiopie, Algérie etc.). Les Sandinistes et Allende (avec ses défauts) sont de la partie. Les auteurs veulent aussi montrer qu’avec la mort d’Allende, les priorités du KGB changent. L’élection d’un président un peu plus à gauche au Mexique permet au KGB d’être plus actif dans le pays. Mais si la résidence locale affirme faire beaucoup pour influencer la population via des articles de presse, elle n’apprécie pas à sa juste valeur un transfuge de la CIA qui finit chez les Cubains (p. 104). Si les Cubains sont de plus en plus critiques de l’URSS au fur et à mesure que le soutien économique soviétique se fait moins massif (parce qu’ils n’en ont plus les moyens et que les quémandeurs sont nombreux), la crise avec Solidarité en Pologne leur fait tout de même craindre qu’en cas d’invasion soviétique pour ramener la Pologne dans le droit chemin, ils soient en guise de rétorsion envahis par les Etats-Unis (p. 126).

Le Moyen-Orient englobe l’Egypte dans ce livre. Ce pays a été le plus grand allié de l’URSS dans la zone et l’intérêt premier des Egyptiens, c’est de faire monter le niveau de leur armée dans le cadre de son affrontement avec Israël. L’URSS était tellement confiante dans son alliance qu’elle a demandé au PC local de se dissoudre … C’était donc un peu compliqué pour les communistes locaux quand A. El-Sadate a renversé son alliance pour se ranger du côté des Etats-Unis en 1976. Mais le KGB agissait en parallèle en Irak (S. Hussein était un grand admirateur de Staline et de ses méthodes p. 188), en Iran et aussi bien évidemment en Syrie (comme la seconde partie de la guerre civile syrienne des années 2010 l’a rappelé). La République Démocratique du Yémen, là encore un pays meurtri du début du XXIe siècle, avait elle aussi d’étroits contacts avec l’URSS et donc avec ses services secrets. Israel est aussi traité, avec la question de l’antisémitisme très présent au KGB et au cas des refuzniks, ces Juifs soviétiques à qui on refuse le visa d’émigration dans les années 1970 et 1980 et qui sont réprimés. Les Soviétiques ont beaucoup de mal, au vu des notes Mitrokhine, à pénétrer les appareils de sécurité israéliens mais sont très en chevilles avec le terrorisme palestinien (mais pas que), de toutes obédiences. Mais tout n’était pas sous contrôle …

En Asie, le livre porte la lumière sur de très gros morceaux. En premier lieu la Chine, un terrain très difficile pour le KGB après le schisme de 1960 (l’URSS avait donné les noms de son réseau au PCC p. 271). Et avec le Grand Bond en Avant, où parler avec un étranger vous envoie au camp, c’est encore pire pour les officiers traitants du KGB. La vie n’est pas bien facile non plus à Hanoi, alors même qu’il n’y a pas l’inimitié qu’il y a avec la Chine (p. 266) L’ambiance est bien plus relâchée au Japon (sous protectorat étatsunien) et plus encore en Inde. Dans ce pays, le rapprochement politique avec l’URSS, notamment avec Indira Gandhi, ouvre les portes toutes grandes au KGB. Conséquence de cette proximité avec l’Inde, le KGB est beaucoup moins en faveur au Pakistan et au Bengladesh. Petit excursus dans cette partie asiatique, les auteurs font un détour par les affaires intérieures de l’URSS en traitant de l’Islam soviétique (qui fait miroir avec la partie sur l’Eglise orthodoxe dans le premier volume). Au KGB, il n’y a pas de barrière entre domestique et étranger, comme le montre la chasse aux dissidents, y compris sportifs ou artistiques (p. 486-487). Logiquement, l’Afghanistan prend la suite, un sujet forcément très lourd dans ce volume et où le KGB agit beaucoup avant et après l’intervention de l’armée soviétique pour sauver un régime frère.

Le dernier continent est traité en une introduction et un chapitre … c’est donc très rapide pour passer très vite sur l’Afrique du Sud, l’Ethiopie (sur les causes premières des concerts contre la faim p. 478), l’Angola ou encore le Maroc. Le volume s’achève sur la désillusion qui gagne le KGB dans les années 1980, entre des alliés qui ne sont toujours que marxistes par intérêt (ou encore staliniens), les difficultés économiques soviétiques de plus en plus insupportables et sur les changements ou les constances au KGB après 1991. Le SVR (successeur du Premier Directorat Principal du KGB) fête toujours l’anniversaire de la fondation de la Tchéka en 1917 mais a maintenant une église paroissiale à Moscou …

Des appendices sur l’organisation du Premier Directorat Principal, des résidences (postes à l’étranger), sur les dirigeants du KGB, puis les notes, la bibliographie et un index complètent un volume de 490 pages de texte entrecoupé de deux cahiers d’illustrations.

Ce volume semble bien plus dépendant de C. Andrew que le premier. Les informations apportées par les archives Mitrokhine semble bien moins nombreuses et cela se voit très fortement dans la partie sur l’Afrique. Un intérêt moindre dans ces sujets semble être la cause principale, allié au fait que recopier des dossiers que l’on n’est pas censé avoir entre ses mains prend évidemment beaucoup de temps et que des choix sont opérés. Il n’est donc pas scandaleux que certaines zones géographiques soient mieux représentées que d’autres.

Il y a tout de même beaucoup d’informations dans ce livre, et chacun y trouvera des éléments à son goût. Un point commun avec le premier volume : les chefs de l’URSS comme ceux du KGB préfèrent qu’on leurs disent ce qu’ils veulent entendre, même quand cela vient d’Aden ou de Managua. Les agents le savent parfaitement et comme ils souhaitent continuer leur carrière (voire leur vie au début de la période considérée) ils font remonter leurs succès (réels ou prétendus) et ce qu’ils voient mais se gardent bien de relier des points.  Les fonctions d’analyse restent conséquemment des voies de garage au sein du Premier Directorat Principal du KGB, ce qui a évidemment de profondes conséquences. La première de ces conséquences est souvent la surprise. Si l’on en croit Mitrokhine, le KGB n’apprend le début de la Guerre des Six Jours que grâce aux dépêches d’agences de presse (p. 151).

Quelques points en florilège. La facilité du travail du KGB en Inde est illustrée par le fait que l’ambassade indienne à Moscou est la cible d’un kompromat (pot de miel en général, p. 313). Les limites du KGB sont déjà visibles au Japon dans les années 1970 : il n’y est pas assez puissant en termes financiers pour corrompre dans les plus hautes sphères (p. 302). Tout aussi étonnamment, le lecteur découvre que le FPLP palestinien reçoit des armes que même d’autres pays du Pacte de Varsovie ne peuvent avoir (p. 247), que le Nord-Caucase est dès les années 1970 un espace soviétique hors de contrôle (p. 377) préfigurant la guerre civile des années 1990 ou encore que le KGB monte de fausses bandes de moudjahidines en Afghanistan pouvant comprendre plusieurs centaines d’hommes (p. 409). On ne suivra pas forcément les auteurs quand ils avancent le chiffre de plus d’un million de victimes pour la Guerre d’Algérie (p. 431).

Peut-être encore à la différence du premier volume (avait-il moins d’ambitions ?) la lecture n’est pas terriblement aisée. On saute de lieu en lieu, on revient à d’autres. La partie sur l’Amérique centrale nous a paru très nébuleuse. Les chapitres sur l’Afghanistan ou sur les terroristes moyen-orientaux comptent sans doute parmi les meilleurs.

Un livre très utile mais qui aurait peut-être gagné à être réduit dans son spectre.

(la taupe idéologique reste inconcevable pour l’ex-KGB p. 483-485 … 6,5)

The Viking Way

Magic and Mind in Late Iron Age Scandinavia
Essai d’archéologie viking de Neil Price.

Un livre lui aussi un peu magique.

Rien n’est certain sauf le loup et le Ragnarǫk. p. 328

Si la mythologie nordique bénéficie d’une connaissance superficielle mais large au sein de la culture populaire européenne (bien aidée en cela par les nombreuses productions artistiques qui la prennent pour source d’inspiration), la question de la religion des habitants de la Scandinavie au Haut Moyen-Age est restée bien en retrait. Et pour cause : hors l’importance du sacrifice, il est peu de choses certaines. Temples, espace sacré au sein d’une exploitation agricole aristocratique, bosquet ou lac sacrés ? La question des lieux et des possibles évolutions ou particularités locales est encore très débattue (mais le débat se tourne actuellement vers la solution de lieux multifonctionnels, p. 31). Il en est de même des pratiques et des croyances. Comme il apparaît peu probable que les auteurs des sagas du milieu du Moyen-Age aient recopié mot à mot des sources écrites plus anciennes, ces mêmes sagas ne peuvent rendre compte sans critique et à elles seules de l’état des croyances lors de la période de la colonisation viking (VIIIe-XIe siècles). C’est là qu’intervient l’archéologie, qui chez N. Price vient établir un dialogue avec les sources textuelles quand cela est possible. Chez l’auteur britannique (qui enseigne à Uppsala), la religion ce n’est pas que le culte « officiel » aux dieux et aux esprits (ce qui serait trop dépendant d’une Weltanschauung chrétienne contemporaine) mais aussi tout le monde supranaturel dans lequel baigne le Scandinave des deux sexes au Haut Moyen-Age. Le moyen pour les Humains d’agir sur le monde, au travers des forces supranaturelles, c’est la magie, le seiðr, et dont les grands-maîtres sont Freya et Odin.

Le présent livre étant l’édition d’une thèse de doctorat parue en 2002 (mais dans la version augmentée de 2019), il ne s’adresse pas à un public très large et démarre assez classiquement par des considérations méthodologiques. Dans la grande tradition britannique, cette partie méthodo-philosophique est très maîtrisée (avec une histoire des courants historiographiques et comment l’auteur se place par rapport à eux) et aboutit à un deuxième chapitre qui se concentre plus spécifiquement sur les problèmes que rencontre l’étude de la sorcellerie norroise et en premier lieu l’absence de système. N. Price détaille aussi la composition de la « population invisible » de la Scandinavie au-delà des dieux eux-mêmes (p. 27), qu’ils soient servants des dieux (corbeaux, boucs etc.), les Nornes, les géants, les elfes, les nains, les ogres et les trolls, les esprits gardiens de lieux, le Cauchemar et les projections de l’esprit humain. Puis l’auteur va plus loin dans la description des différents types de magie : le seiðr à proprement parler (lié à l’esprit et à l’invocation), le galdr (parlé, chanté, lié à la malédiction), le gandr (lié à l’énergie du chaos primordial), l’útiseta (être assis à l’extérieur, souvent sous un pendu, près d’une tombe ou d’une eau courante), la sorcellerie dite odinnique (propre à Odin aux dires des sources) et enfin une magie à bas bruit (littéraire). Une fois les termes définis, N. Price passe aux sources littéraires avant de consacrer plusieurs pages à l’historiographie du sujet et notamment les relations entre l’histoire des religions et l’ethnologie, ou comment l’idée de chamanisme fait son apparition dans l’étude des croyances des habitants non-Lapons de la Scandinavie haut-médiévale.

Le chapitre suivant va au cœur du problème en étudiant de manière ordonnée la magie chez les Vikings. A tout seigneur tout honneur, Odin ouvre le bal (actions, noms), suivi de Freya puis des acteurs humains de la magie, hommes et femmes. Et ces acteurs sont parfois inhumés, et certaines de leurs tombes ont peut-être été déjà fouillées. L’auteur propose plusieurs tombes au lecteur qu’il pense être celles de praticiens (Birka, Klinta, Fyrkat, Kaupang, Gausel, Ile de Man, Oseberg). Pour chaque cas, la fouille, le site et la tombe sont analysés de manière très serrée. Puis N. Price s’intéresse à d’autres artefacts qui peuvent marquer la pratique de la magie : des masques, des tambours, des boucliers, des charmes, des narcotiques et bien sûr des baquettes (en métal ou en bois, très en détail). Les chants et la transe ne prennent pas beaucoup de place dans le développement, beaucoup moins que la question très complexe du genre des pratiquants : même si Odin (dieu roi et guerrier) est le patron des magiciens, les hommes qui pratiquent sont vus comme efféminés, une qualification très invalidante dans la société viking. Ce que l’auteur élargit en considérant le lien entre magie, érotisme et pratique sexuelle (p. 177). La fin du chapitre est centrée sur les champs d’application dits « domestiques » de la magie (non guerriers, c’est-à-dire la météorologie, la guérison ou l’envoi de maladie, la divination etc.).

Le quatrième chapitre n’est pas un contrepoint, c’est l’argument central de la démonstration de l’auteur. En analysant de la même façon le chamanisme lapon, il appuie sur leur proximité, voire leur identité. Le chapitre débute par une actualisation des aires de peuplement lapons (culture Sami), qui commençaient bien plus au sud qu’aujourd’hui. Il y a très clairement un entremêlement entre les deux cultures, norroise et sami, dans ce qui est aujourd’hui la Norvège et la Suède. La cosmogonie sami, son monde invisible, l’onomastique et les sources sont décrites par l’auteur, avant de passer aux rituels et aux matérialisations de ces mêmes rituels (tambours, mailloches, pointeurs) pour enfin finir sur les caractéristiques de la magie lapone (noaidevuohta) : fonctions et champs sont les mêmes que la magie norroise.

Le chapitre suivant quitte en grande partie le Nord de l’Europe pour comparer d’autres religions circumpolaires et le chamanisme norrois. En Russie, les premiers textes sur le sujet datent du milieu du XVIIe siècle (p. 231). Mais l’exploration ne se limite pas à la Sibérie et le lecteur voyage tout de même beaucoup : Mongolie, Côte Nord-Ouest américaine et Canada intérieur. Puis N. Price revient en Scandinavie et s’attaque à la question du seiðr avant les Vikings (p. 260) et comment il faut comprendre le chamanisme en contexte norrois (Sleipnir et Loki, p. 266-268).

Le versant « domestique » de la magie ayant principalement été l’objet de l’essai jusqu’à présent, l’auteur passe maintenant à la face guerrière (sixième chapitre). Et la guerre est très présente dans un monde fait de petites chefferies n’ayant pas encore de royaume au-dessus d’eux … N. Price précise d’abord la figure de la valkyrie qu’il avait laissé de côté dans le premier chapitre, puis enchaîne sur la réalité des femmes combattantes (ce dont nous aurons à l’avenir encore à discuter …) avant de revenir sur les sources et l’onomastique entourant cette figure accueillant les combattants choisis dans la halle d’Odin pour y attendre le combat dernier. Le chapitre se poursuit avec les différentes sortes de magie utilisées lors de batailles selon la littérature et les acteurs (guerriers, sorciers) de ces sorts. La question du change-forme est bien entendue traitée elle-aussi, plus en largeur (p. 301) avec les berserkir (ours) et les ulfheðnar. Constantin Porphyrogénète, empereur byzantin, relate lui-même une cérémonie norroise avec des guerriers masqués et revêtues de peaux à laquelle il a assisté (p. 307), mais des pierres runiques et d’autres artefacts de plus petites tailles sont aussi analysés. La encore, l’extase, l’effet psychique de la violence de masse (avec une comparaison faite avec ce que dit Homère p. 315) sont évoqués comme un renversement intéressant concernant la Scandinavie : là où d’autres cultures animalisent l’ennemi, les norrois eux se transforment en prédateurs (avec un aspect sacrificiel à Odin ?).

L’avant-dernier chapitre forme la conclusion de la première édition. Il revient sur quelques points mais l’auteur se permet aussi une petite évocation qui n’est pas sans qualités littéraires (notre exergue), puis ce très court chapitre se clôt avec quelques ouvertures et une explication des origines des petites histoires qui ont ouvert ce livre.

Le dernier chapitre est une postface. Tous les autres chapitres ont été remaniés et augmentés pour la seconde édition mais le dernier chapitre est quant à lui entièrement neuf. Il fait le point sur la réception du livre au début du XXIe siècle, sur son influence, et l’auteur prend beaucoup de temps pour répondre aux critiques ou préciser un point après un développement inattendu ou inconnu (le bâton de sorcière vu comme quenouille et la projection filaire de l’âme p. 339). Le texte prend fin sur quelques ouvertures de pistes supplémentaires et une mise au point finale sur sa vision des Vikings : ce ne sont pas des héros romantiques.

Avec un tel livre, la couverture ne se referme pas avant d’avoir sous les yeux une bibliographie très conséquente (sur à peine 42 pages …) et un index (qui n’est pas sans manques).

Ce livre n’a aucune prétention à la vulgarisation. Et s’il est quelques passages qui souhaitent faire une présentation cosmogonique, elle tourne court très vite, ou plus précisément, elle devient unidirectionnelle. Et même pour ceux déjà un peu versés dans le Nord ancien, tout ne roule pas comme sur des roulettes. Les chapitres sur le chamanisme lapon et circumpolaire sont particulièrement âpres et le train ne passe pas deux fois … Sans parler du fait qu’il faut attendre la p. 84 pour que démarre la partie archéologique, ce qui peut rebuter un lecteur non préparé. La contrepartie, c’est la qualité et le foisonnement. L’expérience du terrain se sent très bien, systématisée avec le temps, et qui s’ajoute à de nombreuses autres qualités (linguistiques notamment mais aussi de modestie et d’honnêteté intellectuelle). Le mariage entre sources littéraires et archéologique est un modèle du genre et rencontre notre vision de ce que l’on pourrait faire dans d’autres aires géographiques. La très haute qualité des analyses est servie par des illustrations nombreuses et les vues d’artistes des tombes étudiées sont époustouflantes (exécutées par l’islandais Ƿórhallur Ƿráinsson). Nous avons pendant la lecture (très convaincante) pu nous faire beaucoup de remarques qui ne peuvent de très loin pas toutes figurer ici. Certaines ont attrait à l’Italie antique, quand par exemple la tête coupée de Mimir est analysée comme un masque (p. 60) et que l’on pourrait comparer aux têtes coupées divinatrices étrusques ou encore ces vélites romains p. 310 liés aux loups comme les ulfheðnar (une confrérie indo-europénne de jeunes hommes ?). D’autres évoquent quelques imprécisions quand l’auteur s’aventure hors du domaine septentrional, mais rien de méchant (mais le nazisme de E. Jünger est plus que discuté, malgré ce que laisse penser la p. 314).

Mais en regard des moments d’excellente science,  lumineux, d’étonnement ou même d’effroi que propose ce livre …

(l’auteur remercie des bars et des restaurants à York et Uppsala p. xx … 8 ,5)

The City & the City

Roman policier et de fantasy urbaine de China Miéville.

Hémiplégie.

[…] Cachés comme des livres dans une bibliothèque. p. 298

Après une lecture de Perdido Street Station qui nous avait laissé admiratif et marqué, nous souhaitions connaître plus avant l’œuvre de C. Miéville. Notre choix a porté sur The City & the City, mais cette fois-ci en version originale pour pouvoir apprécier autrement l’auteur et se faire une idée des difficultés de la traduction.

Dans un parc, une jeune femme est retrouvée morte, mutilée. L’inspecteur Tyador Borlú, de la police de Besźel, est chargé de l’enquête. Très vite, il apparaît que si le corps a été retrouvé à Besźel, le meurtre a été commis à Ul Qoma. Ces deux villes-Etat sont très proches l’une de l’autre, situées en Europe balkanique, mais si Besźel évoque Bucarest ou plus encore la Prague du début du XXe siècle (toponymes, patronymes, nom des institutions), Ul Qoma peut se voir comme une ville d’Asie centrale, type Kazakhstan (religions, régime politique, patronymes, dénomination de la police). L’inspecteur Borlú doit mener l’enquête à bien (pour un court temps croit-il au début …), mais est bien vite empêtré dans les affres de la coopération internationale …

Il est un peu compliqué de parler de ce livre, puisque son attrait principal, son étrangeté mais aussi son tour de force, se déploie dans les premières trente ou quarante pages du livre. Ces pages sont par ailleurs assez compliquées, entre néologismes, argot et le parler heurté du narrateur/inspecteur (en anglais aussi …). Mais cela nous a permis de voir les énormes difficultés que la traduction a dû rencontrer et de se faire une idée très positive du style de l’auteur en version originale, même s’il a du s’astreindre à se couler dans le moule du roman policier. Le livre ne se finit pas comme un Agatha Christie et tient très peu du roman noir. Il ne cherche pas non plus à coller au style nordique. Même s’il est moins foisonnant que dans Perdido, le monde inventé par l’auteur fait plus que bien se tenir, s’insérant avec une terrible efficacité dans l’Europe du XXIe siècle sans pour autant permettre à la technique de tout résoudre.

Tout est-il parfait ? Non, mais la petite baisse de tension se passe finalement assez vite et la seule imperfection que nous pensions avoir trouvé dans le scénario se révèle en fait très fondée (la caméra de contrôle de la p. 133). L’auteur s’amuse, et le lecteur avec, de ses remarques ironiques sur les archéologues trop proches de la philosophie (p. 106) ou comment le nom du philosophe S. Žižek est habilement maltraité (p. 110).

Un très grand plaisir à lire, une belle réflexion sur l’aveuglement, et une enquête très plaisante que le narrateur n’oublie pas de mener malgré les embûches. Et une idée de base du roman d’une incroyable force.

(ah ce petit moment subtil en rapport avec l’œuvre de G. Meyrink p. 290 … 8)

La logique de l’honneur

Gestion des entreprises et traditions nationales
Essai de sociologie et d’anthropologie culturelle en entreprise de Philippe d’Iribarne.

Il est des choses qui ne se font pas.

Les entreprises ne peuvent être coupées de la société dans laquelle elles sont implantées, même si elles n’y ont pas de clients. Elles ne font pas qu’y baigner, elles sont aussi traversées par elle et les traits culturels qui l’anime, au travers des relations avec l’Etat (même si celui-ci est minimal) et de ses employés. Ces derniers ont des habitudes et des attentes qui peuvent être difficilement cernables par une hiérarchie qui n’arriverait pas s’adapter car, comme dans les exemples du présent livre, venue du pays où la multinationale a son siège. L’homo economicus est universel, mais ce n’est pas le même partout. S’il n’y a pas de dialogue selon les mêmes règles au sein de l’entité, cette dernière ne peut qu’aller mal même si la direction est fermement convaincue que la méthode est la bonne, parce qu’elle est la plus moderne et que d’autres disent l’avoir appliquée avec succès (mais ailleurs).

P. d’Iribarne a pu, au sein d’un même groupe industriel français, comparer trois usines fabriquant la même chose à l’aide des mêmes techniques : l’une en France, l’autre aux Etats-Unis et la dernière aux Pays-Bas. Pour chaque usine, l’auteur présente ses observations et le fruit de ses entretiens avec le personnel, de l’ouvrier au directeur, dans les secteurs de la fabrication et de l’entretien (le commercial et l’administratif sont exclus de l’étude). Puis, pour chaque pays, une fois arrivé à de premières conclusions au niveau de l’usine, l’auteur cherche à dégager ce qui dans l’histoire de chacun des pays, et donc dans sa propre culture, a pu conduire à des visions nationales différenciées en matière de gestion des relations humaines dans l’entreprise et dans la société. Enfin, pour chaque pays, l’auteur détaille les avantages et les inconvénients de chaque système tout en proposant des solutions pour « faire avec » aux personnes en responsabilité.

Le « faire avec » c’est accepter qu’en France, au centre des relations entre personnes se trouve l’honneur, que chacun défend son pré carré (et celui de son ordre, avec des références à Tocqueville p. 74 et Montesquieu p. 77) de toute ingérence en attendant de soi-même une attitude la noblesse (mais des autres aussi, selon leurs statut). La peur c’est de déchoir (devenir ignoble, comme par exemple devenir esclave du gain p. 34-35), de devenir serviteur au lieu de librement rendre service (p. 107). Ni les hérésies ni la Révolution n’ont réussi à faire passer la France d’une Liberté issue des coutumes à une Liberté procédant de la Loi (p. 86-87) …

Aux Etats-Unis, le contrat est central. On travaille librement pour quelqu’un, à l’image des Pères Pèlerins qui établirent leur organisation par contrat. Mais d’un autre côté, l’ancienneté dans l’entreprise joue un rôle premier pour tout un tas de choses (postes en cas de réorganisation, primes) et les rôles sont définis très précisément (rendant l’initiative et la responsabilisation plus compliquée). Direction et syndicat appliquent le contrat triennal. Aux Pays-Bas, c’est la concertation qui est le moteur des relations. Un contremaître y doit consulter toutes les parties, subordonnés comme supérieurs, et recueillir leur assentiment avant d’introduire des changements (ce qui peut être problématique en cas de changement rapide nécessaire). S’il n’y a pas de grève, que l’on élève très rarement la voix, l’opposition se manifeste par l’absentéisme.

Le livre a été écrit en 1989 et cela se sent un peu. Certains termes font un peu vieillis (contremaître déjà, « Silicon Valley » employé sans article défini p. 181) et on est revenu depuis un bon bout de temps de la nippomanie de la fin des années 1980 et du début des années 1990 (et parallèle du début de la déflation dans le pays, duquel il n’est toujours pas sorti). On y parle encore de computer … D’autres éléments n’ont pas perdu de leur force avec les années. La « Me Generation » des années 1970 n’a pas été qu’un bref épisode (p. 197) et la critique du court-termisme par l’auteur n’a pas besoin d’être actualisée pour faire effet en 2021 (p. 183). Il en est de même des gourous entrepreneuriaux (p. 194). On sent bien la présence de l’auteur dans le texte (rien d’anormal pour de l’ethnologie), avec par contre quelques petites redites qui pourraient être prises par moment pour un peu de délayage. Les traductions de l’anglais sont de plus souvent bancales (par exemple p. 193).

Un ouvrage terriblement éclairant sur la société française, la vie en entreprise et ses propres réactions.

(en France, la prédestination du talent couronnée par le concours a remplacé celle du sang, mais c’est toujours de la prédestination p. xxix … 8,5)

Florence Magnin Artbook

Livre d’art sur l’œuvre de Florence Magnin par Chrystelle Camus et Florence Magnin.

Belle alchimie.

Le format mis en œuvre pour John Howe est de nouveau mis à contribution, cette fois-ci au profit de Florence Magnin. Illustratrice depuis plus de 40 années, F. Magnin s’est fait connaître au milieu des années 1980 par ses illustrations pour le magazine de jeux de rôle Casus Belli, pour ses couvertures de romans tant fantasy que SF, mais surtout pour sa mise en images de l’univers d’Ambre (et son très fameux tarot reprenant les personnages du double cycle de R. Zelazny). Mais ce n’est de loin pas la totalité de son œuvre, comme le montre très bien ce livre.

L’ouvrage s’ouvre sur quatorze pages d’entretien, sur les débuts dans le dessin et comment il devient un métier, les premières commandes, les rencontres déterminantes, les méthodes, le style, les influences … Tout annonce de manière chronologique ce que l’on verra par la suite de manière thématique.  Suit un recueil d’œuvres classées par thème et commentées brièvement par l’artiste. Le thème assez général de la fantasy ouvre le bal, comprennent beaucoup de couvertures de romans, puis suivent celles pour des œuvres de science-fiction. La section sur les Cycles d’Ambre ne manque évidemment pas à l’appel (avec Tir Na Nogh’t en double page). Le très fameux Tarot d’Ambre (renvoyant à celui du roman) est présent dans toute sa majesté. F. Magnin a aussi illustré la série Rêve de dragon et son versant ludique. Sa proximité avec le jeu de rôle n’est pas une découverte, mais la diversité des commandes ne cesse d’étonner (réjouissante affiche publicitaire La Petite Boutique). La partie cartes revient avec d’autres tarots, voir même des jeux « classiques » à thèmes folkloriques ou des jeux de société (Citadelles, un jeu de l’oie), mais nous ignorions que l’artiste avait aussi approché le jeu vidéo. Quant à ces planches de personnages historiques à découper …

Des productions à destination de la jeunesse, sur Halloween et Noel, font un petit intermède avant de parvenir à un autre pôle de la production de F. Magnin : la bande dessinée. L’artiste ne cache pas que tout ne va pas souvent aussi vite que l’on le voudrait pour produire des centaines de pages et que la technique idoine a mis des années à être trouvée. Le volume (plus de 200 pages, avec plus de 600 illustrations) s’achève avec quelques commandes inclassables, des crayonnés, des œuvres au feutre, des essais avec d’autres techniques comme l’huile et l’aquarelle (dont l’intrigant Le Reflet p. 189) avant de passer à ce qui est la spécialité première de F. Magnin (et qui l’a conduite au monde des cartes) : la miniature.

Ouvrage très dense, avec des commentaires d’une grande sincérité (déboires, espoirs), il ravira les fans et tous les amoureux des illustrations de fantasy. Un livre qu’il faut par contre lire avec une lumière adéquate, sous peine de passer à côté de nombreux détails qui sont justement le sel de F. Magnin. Ce livre a aussi les quelques défauts que l’on avait déjà rencontrés dans le volume consacré à John Howe par la même maison d’édition : certaines informations sur les œuvres manquent (ce n’est donc toujours pas un catalogue, ce qui serait ici encore plus compliqué, avec ce qui semble être une masse bien plus grande d’œuvres), et c’est criant pour les œuvres qui entrelardent l’entretien du début. Il a aussi été fait le choix de ne pas inclure d’œuvres destinées à un public plus adulte, mais le lecteur peut tout de même comprendre dans certaines pages que cela existe aussi. Toujours des choix et des contraintes de place mais in fine un panorama très complet et du plaisir à chaque page, qu’il ait son origine dans les références subtiles (Piranèse ou Böcklin par exemple), l’étrangeté (les scènes subaquatiques), une interprétation innovante d’une œuvre écrite, une mise en page ou un agencement permettant l’évasion ou encore tout simplement la nostalgie et le rappel de plaisirs anciens.

(la fête chez F. Magnin a toujours son revers inquiétant … 7,5)

 

The Greeks Overseas

Their Early Colonies and Trade
Essai d’archéologie et d’histoire grecque de John Boardman.

Ils vont de ville en ville.

Cet ouvrage écrit par J. Boardman en 1964 est resté un classique pour tout ce qui touche à la colonisation grecque sur une bonne partie du pourtour méditerranéen, de la Propontide et de la Mer Noire. Dans la quatrième édition de 1999, l’auteur a ajouté un épilogue qui évalue sa production de 1964, tous les autres chapitres ayant été repris à l’identique (y compris les mentions de Léningrad comme lieu de conservation de certains artefacts). La période visée est identique aux livres de Robin Lane Fox (en 2010) et A.J. Graham (en 2011) que nous avions déjà croisés dans ces lignes et va du VIIIe au VIe siècle avant notre ère (des derniers feux de la période géométrique au début de la période classique).

Une très petite préface présente cette quatrième édition avant de passer au premier chapitre, tout de méthodologie des sources, suivi d’un chapitre sur le contexte, sur ce qui se passe entre la fin des grands centres mycéniens et le début de la colonisation. Le troisième chapitre est consacré à la présence grecque sur la côte levantine et son arrière-pays, avec une place spéciale pour la colonie d’Al-Mina, située dans l’estuaire de l’Oronte. Cette dernière serait à l’origine de l’orientalisation de l’art grec au VIIIe siècle. Autant dire que les liens entre la Grèce et la côte levantine sont constants et très importants, mais pas uniquement dans le sens Est-Ouest. La Lydie, la Phrygie (l’influence en matière de musique se retrouve encore aujourd’hui dans des noms de gammes) et la Perse ne sont pas en reste.

Le chapitre suivant nous transporte plus au sud encore, en Egypte. L’Egypte n’est pas une terre de colonisation, mais les rois locaux ont permis l’installation de quelques établissements habités par des Grecs (certains sont des camps de mercenaires) dont le plus célèbre est la ville commerçante de Naucratis (fondée vers 600 a.C., comparable à Shanghai d’avant la Deuxième Guerre Mondiale p. 132), entreprise conjointe de plusieurs cités dans l’Ouest du delta du Nil, à 70 km de la mer. L’influence égyptienne en matière d’architecture monumentale et de statuaire de grande taille n’est plus à démontrer, mais l’auteur rappelle que cette influence peut aussi se voir à Délos avec l’allée de lions renvoyant directement à celles des sphynx menant à certains temples égyptiens (p. 145). Le chapitre se poursuit ensuite plus à l’Ouest, avec la Lybie et la Cyrénaïque, le domaine de colons plus tournés vers la terre que le commerce.

Le cinquième chapitre est celui consacré aux fondations en Italie du Sud et en Sicile. Les Eubéens sont là encore parmi les premiers à envoyer des colons vers l’Ouest. Vers 770 a.C., Pithekussai est fondée face à la côte campanienne, juste avant Cûmes et les colonies qui contrôlent le détroit de Sicile. Doriens, Rhodiens et Crétois suivent en Sicile, précédant les Achéens et des Spartiates tout au Sud de la péninsule. Syracuse (fondée par les Corinthiens en 734 a.C. selon Thucydide) poursuit le mouvement en fondant elle-même des colonies sur une bonne partie de la côte sicilienne. Des cités d’Asie Mineure achèvent le maillage colonial à la fin du VIe siècle avant notre ère. Mais si les Grecs s’installent en Campanie, ce n’est pas seulement pour la richesse des terres, c’est aussi pour les marchés intéressants qui s’offrent à eux (les Eubéens ne sont pas à Ischia pour le vin et les hôtels nous dit l’auteur p. 168). Chez les Etrusques par exemple, ils obtiennent du minerai en échange de leurs productions de céramiques (souvent produites spécialement). Les Phéniciens sont présents en Sicile et en Espagne, et avec eux aussi les échanges sont soutenus, avec des étapes dans le Sud de la France. Marseille est fondée vers 600, mais a sans doute été précédée par une fondation rhodienne non loin (p. 217).

Le chapitre suivant revient vers l’Est pour se diriger vers la côte thrace en passant par les îles de l’Adriatique et atterrir dans la Propontide et la Mer Noire. Il y a là encore un essaimage, sur tout le pourtour, jusqu’au fin fond de la Mer d’Azov. Les Samiens et les Milésiens sont à la manœuvre, mais Athènes aussi finit par lancer quelques entreprises à destinées stratégiques. La rencontre avec les Scythes est pleine de fruits que l’on peut retrouver jusqu’en Europe centrale. L’ouvrage s’achève sur la destinée des colonies du Pont devant l’avancée perse de la fin du VIe siècle, et l’on voit que l’on peut faire un parallèle entre Vercingétorix et Miltiade (en tant qu’Athénien exilé à Sigée). Les deux sont un temps au service de leur futur adversaire (p. 266).

Dans l’épilogue J. Boardman revient, 35 ans après la première parution, sur ce qu’il a écrit pour corriger certaines affirmations. Depuis 1964, non seulement de nombreuses choses ont été publiée (c’est la non-publication qu’il fustige déjà p. 11, pire que les pilleurs) mais surtout la fin de l’URSS a permis une communication bien plus aisée avec de nombreux chercheurs en plus de l’accès à de nombreux artefacts. Exercice d’humilité par toujours évident avec un chercheur de ce calibre, mais ce dernier ne sape pas l’œuvre de sa vie. Il prend acte de l’état des connaissances en 1999 (et nul doute qu’une nouvelle édition en 2021 verrait un second épilogue du même tonn… amphore).

De ce fait, une bonne partie des critiques que l’on peut faire à ce livre fondamental sur la question (à l’amplitude géographique ahurissante, aux illustrations par centaines et écrit sans les moyens de communication du XXIe siècle) tombe avec cette dernière partie. Nous ne suivrons pas l’auteur sur l’uniformité du statut de colonie vis-à-vis de sa métropole (p. 163, en suivant A.J. Graham), ni sur les Grecs comme seules sources artistiques des Etrusques pour la période orientalisante (p. 199). Sur ces mêmes, J. Boardman est partisan en 1964 du fait qu’ils ne comprennent pas les mythes grecs (p. 200), ce en quoi nous disconvenons (en suivant N. Thomson de Grummond). Il corrige dans l’épilogue sa vision des villes côtières étrusques sur l’Adriatique et la Mer Tyrrhénienne (mais pas son analyse erronée de la plaque Campana de la p. 206).

Des détails sur les fondations auraient été appréciables, mais l’axe est très archéologique et ajouter du texte sur chacune des colonies déjà décrites aurait alourdit de beaucoup. Pour ses seules parties sur la méthodologie et les changements historiographiques entre 1964 et 1999 (sur les Phéniciens toujours plus sexy que les Syriens p. 273 au sujet d’Al Mina, sur l’influence assyro-lydienne en architecture p. 278, sur les dangers du structuralisme et de l’abus d’analogie p. 282), au début de l’ouvrage ainsi qu’à la toute fin, ce livre vaut d’être ouvert.

Le reste, et quel reste, c’est déjà du bonus, signé par le plus grand céramologue hellénisant vivant.

(il est toujours plaisant de réentendre parler de Tiglath-Pileser III p. 44 …8)

 

Mots & fourneaux

La cuisine de A à Z
Dictionnaire de la table française par Tristan Hordé.

On ne nous ramassera pas à la cuiller ensuite.

Qui dit cuisine qui se diversifie et gagne en complexité (tout n’est pas bouilli) dit nouveaux mots pour décrire de nouveaux ingrédients, de nouveaux outils, de nouvelles manières de travailler et de présenter le résultat de la préparation. Pour se limiter, l’auteur propose ici des mots apparus en français depuis le XIe siècle et relatifs à l’alimentation (hors boissons, sauf exceptions en passant), à la cuisine et à la table. Ouvrage conséquent, il s’apprécie en tranches fines.

Comme c’est un dictionnaire, il n’y a pas vraiment d’histoire, hormis celle très déconstruite de la culture comestible avec quelques rappels toujours utiles, comme sur le fait que le petit déjeuner sucré est une invention récente pour une majorité de la population ou sur la place fondamentale de l’œuf dans l’alimentation humaine et les changements dans ce qui était considéré comme la viande la plus noble (le bœuf n’obtient une place proéminente qu’au XVIIe siècle, p. 515). Il y a donc beaucoup à apprendre dans ce dictionnaire (très étonnant article « Bol p. 75), dont des noms de recettes particulières (à la maréchale p. 313 par exemple, avec des truffes et des pointes d’asperges panées) ou plus intéressants encore, ce que des vendeurs de rue pouvaient crier afin de se faire identifier (pour les oranges p. 366).

Malgré ses attraits et sa diversité, le dictionnaire contient beaucoup d’articles qui nous semblent incomplets ou avec des erreurs. Ainsi l’article « Kebab » ne parle pas de viande grillée (p. 283), celui sur les lentilles se trompe complètement sur Esaü qui reviendrait des champs (alors qu’il est justement un chasseur ne cultivant rien, p. 297) et qu’à la p. 343 on retrouve Mossoul en Afghanistan. Sous « végétarisme », le refus de la viande dans l’Antiquité est aussi très incomplet, sans prendre en compte la dimension religieuse et ce qu’implique de refuser la viande du sacrifice (p. 511-512, comme le montre ici J. Scheid).

On peut aussi observer un biais prescriptif plus que descriptif dans certains articles. C’est le cas pour « Brandade » où la définition portugaise devient « abusive » (p. 88). L’article sur la « Carbonara » ne mentionne pas non plus que l’adjonction de crème en France (mais pas que) se démarque très nettement de la recette italienne d’origine (p. 106). Et nous arrêterons notre liste ici …

De manière générale, le verbe emprunter est utilisé de manière trop libérale dans les étymologies. Le lecteur a très vite la furieuse impression que le grec est totalement antérieur au latin (et qu’il n’y a donc aucune racine commune aux deux langues), et que le français ne fait qu’emprunter à ce dernier (ce qui nous semble très difficilement défendable). De ce fait, tout ce qui a attrait aux mots régionaux devient sujet à caution, avec une interrogation sur l’emploi contemporain de ces mots (p. 59 par exemple sur l’emploi du terme « roussette » pour désigner un beignet en Alsace).

A boire et à manger donc.

(les horaires des repas ont fluctué dans tous les sens p. 435 …6)

Dune, le Mook

Livre magazine sur l’univers du cycle de Dune sous la direction de Lloyd Chéry.

Pratique pour lire la nuit.

A mi-chemin entre le livre et le magazine (un mook donc), l’ouvrage rassemble 78 articles sur l’univers de Dune à l’occasion de ce qui devait être la sortie d’un nouveau film issu du roman de Frank Herbert à la fin 2020. Mais le coronavirus est passé par là, la sortie du film a été repoussée. Le projet cependant a été mené à son terme avec des auteurs de grande qualité et a donc pu rejoindre nos mains. Les aspects abordés semblent presque exhaustifs tellement le spectre est large : la vie de l’auteur, les personnages, la musique des jeux vidéo, la tentative Jodorowsky, la chimie du Mélange, une interview du réalisateur Denis Villeneuve … Un foisonnement dense, multicolore, érudit et surprenant.

Les articles sont organisés en cinq parties. La première est logiquement consacrée à Frank Herbert, comment il en vînt à Dune, quelle fut la réception du roman aux Etats-Unis et en France. L’éditeur Gérard Klein, le traducteur Michel Demuth et l’iconique illustrateur Wojtek Siudmak sont interviewés. La seconde partie essaie de caractériser le roman, avec la question linguistique, la place de l’épice, à la fois comme métaphore du pétrole mais aussi comme drogue, la géopolitique dans l’Impérium, la condition de mentat, le réalisme des créations herbertiennes et la place des Fremen dans l’œuvre.

La partie suivante rassemble les études des personnages du roman, de manière très fouillée. La diversité des auteurs est ici moindre que dans les autres parties, mais l’analyse est de haut vol. La partie suivante se concentre sur la postérité du roman, hors du cycle de Frank Herbert lui-même. Il y a donc les films (avec leurs mythes, les musiques originales et les litiges qu’ils ont pu faire naître), les bandes dessinées, les jeux, les séries et les jeux vidéo. C’est cette partie qui contient le seul texte de fiction du recueil, sur ce qu’aurait pu être la réception du film de A. Jodorowsky.

La dernière partie rassemble des réflexions thématiques sur le roman. La génétique, le féminisme, la spiritualité, l’écologie, les relations avec la Guerre des Etoiles et le Trône de Fer, la classification du roman dans la SF, voici quelques thèmes parmi d’autres abordés dans une partie qui se ferme avec un article de l’auteur R. Hobb.

Il y a là un très gros travail, tant du côté du contenu que de la forme. Côté articles, la diversité est de mise, avec des auteurs bien choisis et un intéressant panachage entre actualité et extraits de productions d’époque (l’entretien avec A. Jodorowsky par exemple). L’ouvrage a un a priori favorable pour le film non encore sorti de D. Villeneuve mais ce n’est pas l’eau tiède qui règne sur l’Imperium. Conséquence du format adopté (et nous y reviendrons), beaucoup d’articles paraissent cependant bien courts. Les auteurs n’ont pas été brimés dans leurs critiques et si Brian Herbert a été interviewé, il n’est pas épargné par les récriminations à d’autres endroits. Aucun contributeur ne semble en dessous du lot ou déplacé et chaque nouvelle page tournée apporte son lot de découvertes. Et s’il faut vraiment faire ressortir quelques articles qui nous ont le plus marqué, ceux sur les mentats et la guerre (M. Goya), sur la biophysique du ver (J.-S. Steyer), sur la planétologie (R. Lehoucq), sur les jeux vidéo et sur la comparaison avec la Guerre des Etoiles ont en font assurément partie.

Pour ce qui est de la forme, le pari de produire un objet situé entre le livre et le magazine est pleinement réussi (sur 250 pages). Effet positif premier, cela permet de placer un nombre très important d’illustrations en couleur, de varier la pagination, d’accorder fond et forme (la couleur sable de la police quand il est question de ver ou d’épice). Conséquence éventuellement négative de cette mise en forme, la lecture de certains articles peut être rendue pénible sous certains types d’éclairage (la couleur sable justement).

Toutes les illustrations ne proviennent pas du film de D. Lynch mais d’autres sources, là encore nombreuses et variées, ont été mises à contribution. La présentation des auteurs pour chaque partie, sur une double page, avec leurs portraits est une contribution bienvenue à leur seule (petite) notice biographique. La reliure de type « suisse », très surprenante au premier abord, permet une lecture à plat qui est un vrai luxe pour apprécier au mieux ce que cet ouvrage de passionnés (pour passionnés) propose. Un objet très soigné, en symbiose avec le texte (une seule coquille repérée).

Un bel objet, support d’une analyse très plaisante et approfondie.

(nous sommes moins convaincus par la revanche des sorcières que représenterait le Bene Gesserit p. 64 … 8/8,5)

Pourquoi perd-on la guerre ?

Un nouvel art occidental
Essai de géopolitique de Gérard Chaliand.

Encore des pièces de jeu d’échecs …

L’objet de ce livre est de trouver des explications au fait que les Etats occidentaux perdent les guerres qu’ils déclenchent depuis 1945. Mais pour comprendre pourquoi l’Irak et l’Afghanistan sont des échecs (le livre sort en 2016), l’auteur revient sur la période de la seconde d’expansion coloniale à partir du XVe siècle et la conquête britannique de l’Inde. Ces guerres coloniales sont des conflits asymétriques, où des Occidentaux bien mieux armés mais très peu nombreux rencontrent des armées bien plus nombreuses. Et malgré quelques défaites, la victoire finale est toujours revenue aux Occidentaux, comme en atteste la carte du monde en 1939. Et une fois la conquête achevée (or cas très rares), cette minorité reste très grande : 70 000 Britanniques gèrent tout le Raj indien à la fin du XIXe siècle (p. 37).

Quelles sont alors les raisons du succès (second chapitre) ? Pour l’auteur, il y a d’abord la méconnaissance des conquis, même ceux qui étaient en contact avec eux avant la Révolution Industrielle. En plus de cela, les divisions des colonisés sont nombreuses face à des troupes ramassées. En cas de résistance asymétriques, les guérillas n’ont ni aide extérieure ni sanctuaire où elles pourraient se regénérer, ce qui les mène au désastre. Les armés d’invasion ont le temps pour eux et les opinions publiques sont très loin et très peu informées, le tout combiné à une démographie vigoureuse (qui est donc moins sensible aux pertes). Les pertes ennemies et les dommages collatéraux ne sont pas un problème (la terre brûlée p. 48).

Mais en trois générations, les vaincus ont appris de leurs vainqueurs, ont compris qui ils étaient, se sont mis à leur école. C’est d’une certaine manière le cas en Turquie et en Indochine, la Première Guerre Mondiale étant un tournant, les années 1930 en étant un autre (contestation du fait colonial en Europe). La remise en cause de l’ordre établi par le Japon en Asie achève de convaincre les peuples colonisés qu’il est possible de renverser la table. Une idéologie mobilisatrice va fournir le carburant des guérillas puis des guerres révolutionnaires : le communisme. La Malaisie est le seul exemple de contre-insurrection victorieuse, mais les Britanniques avaient promis l’indépendance s’ils étaient victorieux (p.93). Pour l’auteur, avec la guerre du Viêt-Nam, l’affaire est entendue : les Occidentaux ne peuvent plus gagner, parce qu’ils ne le veulent plus. Ils sont sans volonté impérialiste, « l’asymétrie majeure est idéologique » (p. 99).

Suivent deux études de cas : L’Afghanistan et l’Irak. Pour l’Afghanistan, G. Chaliand rappelle l’influence saoudienne, la révolution iranienne, l’échec soviétique, l’arrivée au pouvoir des Talibans et les facilités qu’ils procurent à Al-Qaida, pour finalement traiter très rapidement les évènements postérieurs à septembre 2001. L’Irak procure un intermède, avec les erreurs commises par les faucons du gouvernement étatsunien (abolition de l’administration, utilisation des exilés, les sociétés militaires privées en roue libre). La guerre en Irak empêche de mener à bien les opérations en Afghanistan où la situation se bloque, entre retour des Talibans et jeu trouble du Pakistan. L’échec irakien va nourrir la guerre civile syrienne qui commence en 2011. Toutes les puissances y mettent leur grain de sel (et la Russie ne fut pas la dernière) et les médias occidentaux se font les auxiliaires de l’Etat Islamique en diffusant en continu sa propagande (p. 156).

La conclusion résume le propos du livre avant de passer à quelques perspectives d’évolution, qui se révèlent plutôt justes en 2021 (moins la présidente étatsunienne à partir de 2017 …). Contrairement aux prévisions (p. 164), les Kurdes sont bien allés jusqu’à Mossoul. S’ils ont été payés de retour est une autre question …

L’intérêt du présent ouvrage vient principalement des expériences personnelles que l’auteur y fait passer. G. Chaliand n’a jamais arrêté d’être un baroudeur (depuis 1954) et les deux cas étudiés en détail à la fin sont nourris par ses voyages sur place, où il peut jeter un regard expert sur les forces en présence (p. 137). Quand on a connu Amilcar Cabral, le Viêt Minh, la Colombie, le Haut Karabagh et le Kurdistan iranien, on peut avoir un avis sur les guérillas contemporaines. La forme est plus problématique, entre italiques agressifs et certaines phrases mal relues (la ponctuation incompréhensible p. 82). Le texte est très oral, on entend littéralement l’auteur parler et cela conduit parfois à des phrases bancales.  Cela participe néanmoins à l’objectif vulgarisateur du livre. L’adjectif « humilié » est un peu trop souvent accolé à la Chine par ailleurs. Sans appareil scientifique, l’ouvrage est globalement plaisant à lire et offre un très bon condensé sur le pourquoi de la relative inefficacité occidentale, sur l’état actuel de l’Afghanistan et sur la zone géographique qui va de la Méditerranée à l’Iran. Grand changement depuis 2016 et la parution du livre, le gouvernement de Damas a maintenant les choses bien en main en Syrie.

(J.F.C. Fuller comme auteur récent p. 49, c’est relatif … 6,5)