Towards the Borders of the Bronze Age and Beyond

Mycenean Long-Distance Travel and its Reflection in Myth
Essai sur le voyage à l’époque mycénienne par Jörg Mull.

Et revoilà Olympias !

Le bronze de l’Age de Bronze nécessite la combinaison de deux minerais qui ne se trouvent en général pas au même endroit. Pour se procurer l’un ou l’autre (ou les deux) de ces composants, il est donc nécessaire de le faire venir. Et parfois, en quantités non négligeables si l’on considère que pour la taille des blocs de la pyramide de Kheops, 70 tonnes de cuivre ont été nécessaires pour fabriquer les outils de taille (et c’était avant l’introduction du bronze en Egypte). Mais même si les besoins sont moins grands (toutes entités politiques autour de la Méditerranée n’ont de loin pas la grosseur de l’Egypte à la fin du IIe millénaire avant J.C.), il faut faire venir le minerai (en « lingots »), ce qui sous-entend non seulement des cadeaux entre aristocrates mais aussi des échanges commerciaux.

Les textes en grec (en linéaire B donc) qui relatent ces voyages et les liens commerciaux ne nous sont pas parvenus, seules quelques mentions dans les textes égyptiens ou hittites donnent quelques idées vagues sur des contacts. L’archéologie est bien sûr présente, mais la datation n’est pas toujours aisée, et encore moins l’est l’évaluation des productions minières et ce qui est finalement transporté, même si quelques hauts lieux de production sont connus (Chypre a la première place en Méditerranée pour la production de cuivre comme son nom l’indique). Il y a quelques épaves.

Tous ces éléments sont présents dans le livre mais le cœur du propos de l’auteur est l’utilisation des mythes grecs comme indications de contacts au long cours, sorte d’histoire transmise sous forme de mythe. Prenant comme terminus ante quem la Guerre de Troie, J. Mull compte de génération en génération pour remonter jusque vers 1500 a.C. dans une chronologie recomposée. Ménélas, fils d’Atrée, fils de Pélops, fils de Tantale, lui-même fils de Zeus, voilà qui permet les datations relatives des voyages (p. 66). L’auteur entre ensuite dans le détail avec, pour chaque destination les preuves historiques et archéologiques puis l’interprétation d’épisodes mythiques. On commence par l’Anatolie, avant de passer au Levant, à Chypre, à l’Egypte, à l’Italie et ses îles principales avant d’arriver à l’Ibérie et ce qui se passe au-delà des Colonnes d’Hercule (Gaule, Maroc). La Mer Noire n’est pas oubliée et J. Mull finit son périple avec l’Ethiopie, la Grande Bretagne et la Scandinavie. Une bibliographie (ne reprenant pas tous les livres cités dans le texte) complète l’ouvrage.

L’ouvrage n’est pas terriblement critique de ses sources, pour le moins, et cette sorte de crédentialisme, faisant fi de tout ce que les études indo-européennes ont pu dire des mythes (voire plus large encore avec le Déluge de Deucalion p. 98), est assez étonnant. Non que certains épisodes ne soient pas colorés par certaines réalités historiques (les Hittites en arrière fond de la Guerre de Troie par exemple), mais de là à en faire des simili-preuves de liens commerciaux, où chaque équidé un peu rapide est forcément la métaphore d’un navire rapide … Venant de la part de celui qui est le directeur financier de Volkswagen Chine, il faut sans doute voir ce livre comme une toquade. Nous cherchons encore le point de vue différent de l’économiste cité en quatrième de couverture. Non que tout soit faux (les mines par exemple), mais beaucoup de choses y sont comme étirées et forcées (la vitamine C bonne pour les marins des oranges du Jardin des Hespérides …). Les Peuples de la Mer servent de voiture balais ramasse-tout grâce au jeu des ressemblances les plus aventureuses. Des Sardes, des Etrusques parmi eux, vraiment ? Quant à la présence minoenne en Norvège (p. 142), sur quoi repose-t-elle ? La bibliographie est récente, voire même trop, et les citations dans le textes sont la plupart du temps des platitudes dispensables, ne cachant pas les trous du raisonnement.

Une déception.

(la métaphorisation à pleins tubes … 5)

 

Exploring Celtic Origins

New Ways Forward in Archaeology, Linguistics, and Genetics
Essai d’archéologie celtique sous la direction de Barry Cunliffe et John Koch.

On ne pousse pas à la roue !

B. Cunliffe propose depuis quelques années, et livre après livres une thèse sur la construction du monde celtique et de sa langue qui concurrence la théorie traditionnelle, qui voit l’Europe centrale comme foyer civilisationnel principal (Hallstatt-La Tène). Pour l’auteur, l’Atlantique joue un rôle prépondérant dans le développement de la culture celtique, du Portugal jusqu’aux Orcades. La pluridisciplinarité n’est pas un vain mot dans le travail de B. Cunliffe et ce livre ne fait pas exception. Il marque une étape supplémentaire dans le développement de la théorie dite « Celtic from the West » et fait participer des archéologues, des linguistes et des généticiens.

Dans un premier article B. Cunliffe présente le contexte en rappelant le travail accompli depuis des siècles sur l’origine des celtes puis présentant brièvement comment l’hypothèse principale est venue à la vie (p. 13). L’éditeur postule ainsi plusieurs phases dans le développement de la langue celtique entre 5000 avant J.-C. et nos jours, entre séparation du protoceltique de l’indo-européen (5000 – 2700 a.C.), expansion (2700 – 1700 a.C.), consolidation (1700 – 900 a.C.) et enfin dislocation et isolation (900 a.C. – aujourd’hui, p. 14-15).

Le second article, signé du second éditeur, présente l’avancée des recherches dans le projet. Il centre son propos sur l’aspect linguistique, rappelant que si l’on parlait grec à Mycènes (le linéaire B, souvenez-vous), rien n’empêche que l’on parle celte avant Hallstatt (p. 21). J. Koch va ensuite plus dans le détail avec la Celtique ibérique, il est vrai souvent oubliée. Pour lui, une arrivée du celtique par le Nord des Pyrénées est impossible, tant archéologiquement que linguistiquement (p. 29) et en 1400 a.C., il n’y a déjà plus d’intercompréhension entre les langues indo-européennes (p. 21). Enfin, dans une dernière partie, J. Koch rappelle les différences de perceptions temporelles des trois disciplines du projet. Si les linguistes s’appuient encore sur des ouvrages du XIXe siècle, l’archéologie a beaucoup évolué dans les dernières décennies et en matière de génétique, des travaux vieux de dix ans font partie de l’historiographie (p. 33) …

Dans l’article suivant, J. Koch et F. Fernandez se concentrent sur les celtes d’Ibérie, en cherchant à concilier les Indo-Européens de l’Est et les Celtes de l’Ouest. Le nœud du problème peut, selon eux, être résolu par l’étude de la culture dite des gobelets tronconiques ou gobelets à entonnoir, en plus des études toponymiques, en lien avec l’influence phénicienne de Tartessos. L’article suivant continue sur la même voie en s’intéressant à la diffusion de cette culture du gobelet à entonnoir dans toute l’Europe, de l’Espagne á l’Irlande, sa rencontre avec la culture de la céramique rubanée. L’article donne aussi beaucoup de renseignements sur les changements à l’Âge du Bronze sur la façade atlantique (changement dans les pratiques funéraires, dépôts métalliques, activités festives, sacrifices d’objets comme les chaudrons).

P. Bray signe l’article suivant et plonge le lecteur dans les délices de l’archéometallurgie, par son versant chimique mais aussi ses implications sociolinguistiques. Après quelques lignes historiographiques et quelques principes méthodologiques, l’auteur aborde les effets de la massification des données dans son domaine. Certains projets retiennent son attention, avant d’aller plus avant dans une méthode de détection de la provenance d’un métal par l’analyse de ses impuretés (p. 133-135). Le Chalcolithique et les différentes phases de l’Âge du Bronze sont synthétiquement passés en revue, en accord avec la première partie du propos.

Le sixième chapitre (avec neuf auteurs …) permet au lecteur de toucher du doigt l’actualité de la recherche en biologie génétique avec une étude sur l’archéogénétique des origines celtes. Après un court moment historiographique, un portait génétique des îles britanniques est dressé, avec ses correspondances européennes (p. 158-159), distinguant entre apports masculins et féminins. Certaines phases de changements peuvent être ainsi distinguées, n’invalidant pas deux vagues migratoires en Europe, l’une néolithique et agricole, l’autre, plus tardive, indo-européenne, par deux voies différentes.

Le dernier chapitre résume de manière admirable le livre et explique la difficulté pour chacune des parties de ce projet de comprendre l’autre et de confronter ses découvertes.

Ce livre n’apporte pas de réponses définitives mais décrit les développements récents sur une question ancienne. Il permet non seulement de s’interroger sur les Celtes et les Indo-Européens, mais aussi, en creux sur les autres peuples non indo-européens qui ont habités ou habitent encore ce continent. Pour les auteurs, si les Basques ne sont pas inclus dans la Celtique c’est à cause des conditions de navigation dans le Golfe de Biscaye qui les font sauter comme étape sur le chemin du Nord. De même, entre autres questions, on peut voir les Etrusques comme un peuple néolithique préglaciaire (comme les Samis) ou comme le résultat de la migration néolithique non touchée par une seconde vague indo-européenne ou arrivés avec elle. Les développements contemporains de l’archéogénétique ringardisent les études du génome étrusque (ou supposé tel à Murlo) conduites il y a plus de vingt ans.

Ces mouvements de populations ne sont pas sans conséquences majeures. Ainsi la population du néolithique est remplacée à 90% par les arrivants indo-européens des steppes en Grande-Bretagne et en Irlande (p. 60, nuancé p. 180). Mais le mouvement des cuivres entre l’Espagne et le Royaume-Uni, la refonte des objets (sa rapidité et les objets concernés en premier p. 137-138), la remise en question d’un passage direct du cuivre au bronze (p. 140, avec la cassitérite p. 143) entre autres, tout cette passion jaillissant à jets continus peut faire oublier des passages très arides et trop détaillés pour un lecteur pas déjà très informé sur le sujet.

Vivement la prochaine étape !

(cette place insoupçonnée de l’arc dans la péninsule ibérique p. 55-59 … 7)