Lieutenant Sturm

Roman de guerre de Ernst Jünger.

Un petit manque de barbelés.

Un régiment hanovrien fait face aux Britanniques, dans le Nord de la France durant la Première Guerre Mondiale. Commandant une des trois sections de sa compagnie, le Lieutenant Sturm convie régulièrement dans son abris de tranchée les autres chef de sections, les lieutenants Döhring et Hugershoff. Döhring était juriste dans le civil. Hugershoff le peintre a été rattrapé par la guerre alors qu’il se rendait à Rome et Sturm, le plus jeune, avait étudié la zoologie avant de s’engager. C’est ce dernier, par ses écrits, qui permet aux deux autres une fuite hors du temps. Et les temps sont assez crépusculaires, entre travaux de retranchements, tir au fusil à lunette sur les sentinelles anglaises et tirs de mitrailleuses. Aussi Sturm fait la lecture de ses écrits, des portraits qu’il jette et qui sont discutés par les auditeurs à l’aide de références littéraires. Puis revient la guerre, avec fracas.

Roman court, il est bien dans la lignée d’Orages d’acier même s’il est écrit trois ans plus tard (en 1923), et que le succès n’advient qu’en 1927. Si la guerre est omniprésente, certains thèmes qui seront plus centraux dans la suite de l’œuvre de Ernst Jünger sont déjà esquissés. Parmi ceux-ci le travail, la technologie, le changement de monde qu’est la guerre et les changements nés de l’industrialisation chez l’individu, surtout du point de vue moral (p. 35). Pour Sturm, qui d’une certaine manière est un dandy décadent qui est devenu officier de troupes d’assaut, le soldat dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale a fait montre de bien plus de courage que le héros homérique (p. 56).

C’est très bien écrit, avec une influence perceptible de Huysmans, et, s’il est de nombreuses réflexions, le style n’est pas délaissé. Particulièrement remarquable est le jeu entre le personnage Sturm et l’auteur aux p. 49 et 50, quand Sturm dit qu’il ne peut encore rien écrire sur la guerre parce qu’il manque de recul, mais que dans cinq ans, peut-être …

Rythmé, contrasté, où la froideur est parfois un masque.

(Sturm c’est moi … mais pas que … 8)

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