Afghanistan : Autopsie d’un désastre

2001-2021 Quelles leçons pour le Sahel ?
Essai historique de l’action militaro-humanitaire en Afghanistan par Serge Michailof.

Sobre et direct.

En 2021, les Etats-Unis et les derniers membres de l’OTAN encore présents militairement dans le pays pliaient les gaules. Suite à un accord à Doha en 2020, les Talibans reprennent les rênes du pays presque vingt ans après avoir été chassés du pouvoir. Un échec monumental au vu des milliards qu’ont coûté les opérations militaire sur place après le 11-Septembre, l’accompagnement humanitaire et technique et les milliers de morts et de blessés de toutes parts. Le signal donné était détestable, avec des répercussions géopolitiques dans le monde entier, mais surtout un effondrement de l’économie afghane qui était sous perfusion, un nouvel exode, des populations prises au piège et des Talibans incapables de nourrir convenablement une population de 40 millions d’habitants et une capitale réceptacle d’un exode rural massif depuis 2001.

Pour S. Michailof, ce retentissant échec est le fruit de très nombreuses décisions, tant dans le pays qu’ailleurs en Asie ou aux Etats-Unis. L’auteur est bien placé pour en faire l’analyse, ayant occupé les fonctions de directeur des opérations à l’Agence Française du Développement et été l’un des directeurs de la Banque mondiale. L’objectif étant, comme un leitmotiv tout au long de ce livre de 190 pages, de ne pas refaire les mêmes erreurs au Sahel. C’était avant les développements au Mali et au Niger …

Passé une petite introduction (qui mentionne notamment le grand nombre de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail en Afghanistan et que l’économie ne peut absorber), S. Michailof porte d’abord son regard sur la possibilité d’éviter la guerre en 2001. Sa conclusion est sans appel et se conclut par la négative, entre opinion publique étatsunienne chauffée à blanc qui a tout précipité (à cause du climat) et empêché une négociation et les déclarations diverses sur les objectifs de l’intervention. La conduite de la guerre a ensuite grandement été hypothéquée, entre autres, par la guerre en Irak (prioritaire et qui a drainé les ressources), par l’incompréhension des Talibans, une coordination des troupes confinant à la voltige (deux opérations distinctes, des armées otaniennes avec de nombreux caveats, la rivalité Army/Marines etc.), l’absence de stratégie de sortie et un désintérêt profond dans les premières années pour l’administration de l’Afghanistan, alors qu’il était encore possible de sécuriser le pays. Mais le point le plus important reste le double-jeu pakistanais et ceci dès le début : les Talibans sont leurs créatures. Ils en ont besoin et les protègent donc, en plus de les ravitailler. Les lignes logistiques étatsuniennes passant par le Pakistan, il ne fallait donc pas trop les chatouiller en retour.

Sur place règne la corruption généralisée et s’il n’a jamais été question de « Nation Building », le « State Building » a été très compliqué (p. 82). La police n’a jamais été assainie, la justice jamais réformée, l’armée une illusion en grande partie. La sélection des cadres, hors exceptions, n’a jamais pu se départir du clanisme, du népotisme et des « commandants » locaux. Quand on peut acheter au président un poste de gouverneur de province pour 100 000 dollars alors que le salaire dudit poste est de quelques centaines, c’est qu’il y a moyen de toucher des à-côtés (p. 92) … Le président Karzaï justement, avec toute sa famille, étant une partie du problème.

Le quatrième chapitre se tourne vers l’aide internationale, que l’auteur voit comme faisant partie du problème mais pas comme la première cause de l’échec. Il y en premier lieu un oubli des espaces ruraux, surtout quand le niveau de sécurité permettait d’y travailler. Mais la coordination de l’aide devait se débattre entre volonté de ne pas alimenter la corruption locale et inattention aux besoins locaux, avec des projets trop esseulés. Construire une école c’est visible et rapide, mais s’il n’y a pas de maître (p. 132-134)… L’aide a aussi déréglé le marché du travail afghan en profondeur. Pourquoi travailler dans l’administration locale si des ONG paient cinq fois mieux ? De plus les Afghans qui sont revenus au pays pour l’aider ont été surtout vus par les locaux comme des gêneurs, pas insérés dans les réseaux claniques mais comprenant le système et ont souvent été démotivés et placardisés.

Puis S. Michailof revient plus en détail sur la corruption endémique, où les rares tentatives de contrôle se heurtent aux têtes de réseaux qui se trouvent justement au sommet de l’État afghan. Lutter contre le trafic d’opium quand la famille du président en a fait son activité, et qu’en plus ces derniers sont les obligés de la CIA, même le général Petraeus a renoncé. Le livre s’achève sur douze leçons que dégage l’auteur pour le Sahel. En premier lieu, il s’agit de savoir repartir, de ne pas réformer les forces de sécurité locales en voulant en faire des clones des forces occidentales, de négocier si cela est possible, et de se concentrer sur l’aide au secteur régalien. Mais pour cela, il faut que le gouvernement local le veuille bien, et là …

L’auteur est indéniablement un réaliste. En Afghanistan comme au Sahel, il est de l’avis que seul un pays comme la Belgique peut se gérer sans gouvernement pendant des mois et qu’il ne sert à rien de prétendre que les ethnies ne sont rien et que les pays souhaitent en premier lieu la démocratie (et en cela il rejoint B. Lugan p. 105). Les conseils/leçons sont indéniablement de bon sens mais politiquement pas toujours faciles à mettre en œuvre, entre la volonté d’aider de la puissance intervenante, les opinions publiques (parfois travaillées par des opérations d’influences de tiers …), la volonté de ne pas dire à l’adversaire d’attendre juste que les forces armées soient reparties ou, en premier lieu, l’absence de volonté des gouvernements ayant appelé à l’aide de régler le problème.

D’une lecture aisée, avec quelques notes infrapaginales mais sans bibliographie, ce livre demande néanmoins au lecteur quelques bases sur ce que sont les Talibans. Il est un excellent résumé, bien que peut-être trop court, des vingt ans de guerre en Afghanistan au XXIe siècle, d’un praticien à destination d’autres praticiens.

(comme en Irak, toujours cette méconnaissance des usages locaux qui rend tout plus difficile … 7,5)

Les ambitions inavouées

Ce que préparent les grandes puissances
Essai de relations internationales par Thomas Gomart.

Tout n’est pas inavoué !

T. Gomart veut ici réaliser un portrait en creux, celui des défis de la France, en détaillant les contraintes que cette dernière doit prendre en compte. Dans le cas présent, mais bien évidemment sans exclusive, ce sont ici neuf pays qui selon l’auteur vont participer au modelage du futur du pays. Ces neuf pays sont agencés en trois types.

La Terre rassemble la Russie, la Chine et l’Allemagne. Actualité oblige, la Russie est considérée en premier lieu sous le spectre de la guerre en Ukraine. La désillusion des années 1990 a conduit au retour de la compétition avec les Etats-Unis, mais ces derniers sont passés à autre chose. Pour revenir à la parité perdue, il faut reprendre la main sur l’URSS et ses dépendances. Comme d’autres, la France ne voulait pas le voir (aussi par intérêt) et rien ne dit qu’un insuccès en Ukraine éteindrait cette soif d’empire. La Chine, malgré l’expansion vertigineuse de sa marine, reste une puissance terrestre, préoccupée par l’Inde mais aussi soucieuse de ses intérêts sibériens. A la différence de la Russie, son influence en Afrique est bien plus large mais sa direction politique pourrait, par effet du culte grandissant de la personnalité de Xi Jinping, se rigidifier. T. Gomart table néanmoins à l’horizon 2050 sur une poursuite de l’ascension ou une stagnation qui va non seulement avoir des effets dans l’Océan Indien et le Pacifique mais aussi en Europe même. L’Allemagne quant à elle prend de plein fouet l’irruption de la guerre en février 2022.

La Mer est ici le point commun des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Inde. Les Etats-Unis sont au cœur du dispositif sécuritaire de notre pays mais ne doit pas pour autant oublier que les intérêts des Etats-Unis peuvent être très différents de ceux de la France dans le Pacifique comme dans le domaine industriel. Ils sont en terme de projection de puissance très en avance sur leurs concurrents et le resterons encore longtemps. Le Royaume-Uni, partenaire le plus proche géographiquement mais surtout en terme de puissance et d’objectifs, traverse une passe difficile née du Brexit et cherche la stabilité tant politique qu’économique. Dans le cadre d’une vision à l’échelle du monde, le pays veut réduire encore son armée à l’horizon 2030 mais renforcer sa marine et son vaste réseau de bases. Très en pointe dans le soutien à Kiev, T. Gomart voit aussi le Royaume-Uni comme un aiguillon pour les investissements navals de la France. L’Inde, enfin, complète ce second triptyque. Acquéreur de Rafales, puissance nucléaire bientôt la plus peuplée de la planète mais pas membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’Inde multiplie ses partenaires pour ne pas se lier tout en voulant se placer au centre des flux de marchandises. Parallèlement, la concurrence avec la Chine s’aiguise et le fondamentalisme hindou peut conduire à de graves troubles internes. Mais pour T. Gomart, l’Inde est pour la France la possibilité de ne pas s’enfermer dans la rivalité sino-étatsunienne.

Et enfin le Ciel accueille sous lui la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Iran. La Turquie continue sur sa lancée néo-ottomane, son président ayant pu convaincre ce qui reste des militaires kémalistes de la justesse de ses vues avec ses projets d’extension de la sphère d’influence touranienne aux frontières (Syrie) comme outremer (Libye), tout en se plaçant en marge de l’OTAN (mais sans en sortir). Mais l’activité diplomatico-militaire se double d’un politique religieuse (formation d’imams, construction de mosquées), et pas uniquement à destination d’une diaspora nombreuse dans l’Union Européenne. Si la France veut rester active dans le dossier ukrainien mais aussi dans les développements au Caucase, sans parler de la Méditerranée orientale, l’auteur voit ici pour la France la nécessité de se préparer à plusieurs types de conflictualités, au moins tant que R. T. Erdogan sera au pouvoir.

Autre puissance idéologique, le royaume d’Arabie saoudite a connu en 2017 le second saut générationnel de son histoire en voyant la nomination d’un prince héritier de 32 ans qui a pris le contrôle des leviers du pouvoir. Auréolé d’une image de modernisateur, Mohamed Ben Salman ne délaisse pas pour autant les canaux de l’influence religieuse sur tous les continents, assise sur la légitimité des lieux saints et des revenus pétroliers. La politique extérieure saoudite est même devenue beaucoup plus active avec la guerre au Yémen avec toujours pour objectif de limiter la puissance iranienne et l’influence des Frères Musulmans. Pétrole dans un sens, armes dans l’autre, mais maintenant aussi une influence grandissante en France par les investissements économiques et le prosélytisme religieux dans le but de se préparer à une confrontation contre l’Iran. L’Iran est justement le dernier pays abordé dans ce livre. Il est évident que si l’Iran se dotait d’armes nucléaires, la France en sentirait les conséquences sur divers plans. Elle avait déjà eu à maille à partir avec l’expansionnisme régional à coloration chiite de la jeune république islamique dans les années 1980, et comme l’attentat déjoué de 2018 l’a montré, il n’y a eu aucun renoncement à agir avec violence sur le territoire national. Cinq Français servent encore d’otages en Iran à l’heure actuelle mais l’espoir d’une ouverture du pays reste, entre diplomatie et révoltes contre l’appareil militaro-religieux où les Pasdarans ont pris un ascendant certains.

A la présentation des ambitions de chaque pays s’ajoute dans chaque chapitre un thème secondaire, comme par exemple celui de l’énergie avec le Royaume-Uni, ce qui permet de s’échapper d’une logique trop étatique. Les perspectives sont historiques et les simplifications sont dues à la rapidité du propos, nécessaire pour faire entrer le tout dans 290 pages de texte. Il règne donc un esprit « note de synthèse » mais le style est par moment trop télégraphique, heurtant les transitions ou ne prenant pas le temps de discuter des citations. Cependant cette approche permet aussi une approche pratique, avec des préconisations pour la France à la fin de chaque chapitre, bien qu’un peu courtes. Il y a peu de notes mais la bibliographie indicative est très fournie. On regrettera la rareté des cartes, au demeurant pas extrêmement lisibles. L’auteur est très présent dans son propos, citant beaucoup d’expériences personnelles (le livre commence même ainsi).

Ce livre ne révolutionnera pas le genre mais il est une bonne actualisation de l’environnement géostratégique de la France, avec une présentation très équilibrée de chaque pays.

(non, V. Poutine n’a pas forgé la Nation ukrainienne p. 281 … 7)

Game of Rome

L’Antiquité vidéoludique
Essai de philosophie esthétique appliquée à la représentation de l’Antiquité dans les jeux vidéo par Laury-Nuria André.

Vous verrez du paysage.

Les versions vidéoludiques, étrangement proches des modalités de réécritures post-homériques, ne nous placeraient-elles pas, avatars du jeu, dans la même position de spectateur pris à parti, investi, happé dans l’espace fallacieux que celle d’Enée [voyant Andromaque invoquer le fantôme d’Hector dans l’Enéide de Virgile, III, 301-355], contraints que nous serions, entre fascination pour le double et nostalgie de l’Antique, à voir le vrai dans le faux et à reconnaître à tout prix l’Antique, même dans une version tout-à-fait autre ? p. 44

L’Antiquité a disparu mais est toujours là. Tout comme le Moyen-Age tout entier est convoqué avec un château fort conséquent et un chevalier en cotte de mailles, il suffit de peu pour faire débarquer l’Antiquité. Quelques colonnes, et pas ruinées . Et comme d’autres médias, et plus encore avec son développement dans les quatre dernières décennies, le jeu vidéo n’est pas exempt de ses représentations et de son utilisation.

Cette figure du désir et de l’absence dans les jeux vidéo est l’objet de ce livre qui aborde le problème par le versant de l’esthétique. Doté de cent pages de texte et des deux carnets d’illustrations en couleurs, il se veut explorer en quatre chapitres plusieurs aspects de la relation entre Antiquité (très grecque dans ses exemples) et le médium vidéoludique.

L’introït définit l’ambition de ce livre, entre altérité et copie, avant qu’au lecteur ne soit proposé une analyse du jeu Rise of the Argonauts du point de vue de la mimêsis vis à vis d’Apollonios de Rhodes (qui conte justement l’histoire des Argonautes). Le second chapitre se concentre sur les paysages et comment ils sont utilisés dans les jeux vidéo. Le premier est le paysage épique, la plaine entre plage et ville comme dans l’Iliade et le second est le paysage sacro-idyllique, souvent avec un temple en pleine nature. Le troisième paysage évoqué est celui de la ville-monde, typiquement Rome, qui accentue les effets de dégradations (couleurs passées, maison devenant rapidement une ruine dans une simulation urbanistique p. 54).

La troisième chapitre analyse ce que l’auteur appelle le « syndrome Acropole », à savoir la rencontre entre la stéréotypie et l’hyperbole, et le « symptôme ornement », qui est la fusion du vase et du paysage dans le jeu Apotheon. Enfin, le dernier chapitre traite de la nostalgie de l’antique au XXIe siècle à travers l’insularisation de la Delphes antique dans le jeu Rise of the Argonauts répondant à celle figurant chez Apollonios. Précédant une bibliographie indicative, la conclusion devient sur le frottement (la tribologie) entre sciences de l’antiquité et médium vidéoludique.

Le livre est peut-être court, sa lecture en est inversement compliquée. C’est bel et bien de la philosophie esthétique, mais une expression très obscure. Certes on retrouve le paysage troyen, celui qui est aussi attribué à Pise (voir ici) mais on subit une avalanche continue de concepts que l’auteur rapproche d’un nombre d’exemples finalement très limités qui conduisent à se demander quelle validité ont les conclusions proposées. C’est parfois lourdement orienté politiquement (p. 16-18 en notes), pas forcément toujours de bonne foi (fort utile ce mythe de la statuaire grecque monochrome que nous allons glorieusement combattre p. 16) et semble méconnaître que le choix des ancêtres ne se limite pas à l’époque contemporaine (p. 18). Quand à la condescendance envers les « petites villes de province » (p. 53) … Finalement, de bonnes choses mais la forme rend le propos peu discernable.

(le jeu vidéo n’est pas une mimêsis mais une empreinte, un type, à l’égal des réécritures tardives …6)

Dune

Exploration scientifique et culturelle d’une planète-univers
Recueil d’articles sur une approche scientifico-culturelle du cycle de Dune, sous la direction de Roland Lehoucq.

Ce poignard est une insulte québecoise.

La sortie d’une nouvelle adaptation filmée du roman de F. Herbert a bien entendu fait éclore de nombreux projets éditoriaux, comme nous avons déjà pu le voir plus haut dans ces lignes avec le Mook. Et ce livre a justement beaucoup à voir avec ce dernier (paru après lui). Déjà (au-delà des thèmes analogues) des dix auteurs présents ici, cinq ont contribué aussi au Mook. Mais surtout, les articles de ces mêmes cinq auteurs semblent être les versions longues de ce qu’ils ont écrit dans le Mook. Certains passages sont mêmes identiques. Il y a donc clairement des chevauchements, mais cela n’entame en rien l’intérêt de ce livre qui offre des points de vue et des informations qu’il ne nous semble pas avoir lus ailleurs.

Comme Dune est un cycle prenant place principalement sur la planète Arrakis, c’est avec l’astrophysique que le tour d’horizon commence. Avec les indications données par F. Herbert, il est possible d’estimer quelles devraient être les relations des principales planètes avec leur étoile, les conditions au sol et les possibilités d’existence de tels corps célestes. Qui dit planètes dit aussi distances à parcourir, la solidité de l’Empire reposant en premier lieu sur des temps de voyages très réduits. L’on passe ainsi naturellement à la question très épineuse du voyage spatial à très grandes distances, que F. Herbert a résolu en faisant contracter l’espace aux Navigateurs de la Guilde.

Le lecteur est ensuite amené sur la surface d’Arrakis pour d’abord parler biologie (et F. Herbert semble très au fait des derniers développements des années 1960, p. 63), c’est-à-dire du Ver et de son rapport à la planète, puis ensuite de l’épice en s’interrogeant sur ses caractéristiques et sa composition probable. Peut-être est-elle, dans une certaine mesure, reproductible sur Terre ?

La question de l’énergie est-elle aussi divisée en deux articles. Le premier aborde la question de manière générale en la passant au tamis du trilemme sécurité/équité/durabilité puis l’on passe à un cas plus pratique avec le distille, concentré de recyclage circulaire mais qui nécessite lui-aussi une source d’énergie. Produit purement local, il permet aussi dans un article très théorique qui lui fait suite de s’interroger comment est pensée l’innovation sur la planète désertique.

 Après l’environnement et la technologie qui en est la conséquence, le lecteur est ensuite envoyé vers les habitants d’Arrakis. Il est d’abord considéré l’exotisme de la planète (et de l’univers lui-même, sa capacité d’émerveillement) au travers du langage puis ce sont les femmes du Bene Gesserit vues en tant que cyborgs qui sont mises en lumière (un article fort stimulant, cependant trop politique et limité au premier roman). Reprenant de l’altitude, le livre passe dans l’article suivant à la géopolitique de l’Imperium et quitte à ce moment-là le monde physique pour le monde des idées et dans un premier temps la question des religions dans le monde de Dune et les syncrétismes modelés par F. Herbert (très belle mise en ordre). Le rapport entre la science et la prescience prend la suite, avant de passer à la Mémoire Seconde du Bene Gesserit vue comme une possession (par les ancêtres, sur un modèle africain).

Le dernier article fait office de conclusion en faisant ressortir différents éléments historiques (Empire ottoman et T.E. Lawrence par exemple), politiques (les Kennedy comme pouvoir charismatique et familial) et romanesques (la Beat Generation) qui forment en un savant mélange un cycle romanesque intemporel.

Après la lecture de ce livre, le lecteur sera convaincu que, contrairement aux apparences, F. Herbert a écrit un roman de Hard-SF, ou qui du moins ne peut se limiter à son aspect féodal dans l’espace. Le lecteur en sera convaincu aussi parce que les auteurs savent de quoi ils parlent, de première main. Certes, on peut discuter de certains arguments (très injuste sur T.E. Lawrence p. 215), de certaines affirmations (certains problèmes de logique dans le chapitre sur les cyborgs, la pédophilie de V. Harkonnen qui devient de l’homosexualité p. 322 ou encore une Baie des Cochons très simpliste p. 325) qui même parfois sont en contradiction avec ce que dit le roman (Mohiam est bien la mère de Jessica p. 199, Ix faisant des machines pensantes p. 256). Très solidement sourcé, le livre est aussi très dynamique avec des chapitres courts, rythmés et bien entendu bourrés d’informations. L’origine de l’adjectif « butlérien », faisant référence à Samuel Butler, auteur en 1863 d’une théorie de l’évolution des machines conduisant à l’extinction de l’humanité, ne nous était par exemple pas connue (p. 141). On pourra regretter, mais tout en sachant que cela s’éloignerait du but du livre, un article replaçant Dune parmi la production de F. Herbert. Il n’y en a qu’une ébauche p. 283 et ce serait sans doute une excellente idée pour un éventuel second tome, de même qu’une comparaison de la prise de pouvoir de Paul Atréides avec la Grande Révolution Française.

(étonnante cette idée de grumeaux narratifs p. 172 … 8)

Prisoners of Geography

Essai de vulgarisation géopolitique de Tim Marshall.

Des continents de mots.

Le titre peut laisser penser (et cela dure une bonne partie du livre tout de même …) que tout est décidé une fois pour toute par la géographie dans les relations entre groupes humains, que ces derniers ne peuvent avoir de volonté et que leurs décisions politiques n’auraient aucune conséquence. Mais une fois dépassé ce titre qui ne rend pas justice au contenu, ce livre se révèle être un bon livre de vulgarisation qui ne vise pas à l’exhaustivité mais balaie de manière large, jusqu’à des thèmes que l’on ne peut pas qualifier d’inédits mais qui ne semblent pas toujours évidents. Mais l’objectif nous semble clair : il ne faut pas oublier la géographie dans la géopolitique, qui ne peut pas être annihilée par le second terme.

L’auteur, journaliste spécialisée dans les questions internationales depuis plusieurs décennies, propose dix thèmes pour autant de chapitres. Les trois premiers sont des pays : Russie, Chine et Etats-Unis. Les suivants sont des zones regroupant plusieurs pays : Europe de l’Ouest, Afrique, Moyen-Orient, Inde et Pakistan, Corée et Japon, Amérique latine et, enfin, l’Arctique. Fatalement, on ne peut pas traiter la géopolitique de la Russie comme on analyse celle d’un continent aussi immense et divers que l’Afrique …

Commençons par les points positifs. T. Marshall n’est pas du genre à masquer son avis, et il peut allier cela à un peu d’humour qui rend son propos intelligible et agréable (p. 171 par exemple). Il est très synthétique sur la Mésopotamie, et de manière générale, le chapitre sur le Moyen-Orient est de très haute tenue. On sent très bien l’expérience de terrain dans un livre assez chiche en références (même la bibliographie). Sa remarque sur la géographie incomprise de l’Afrique – qui prend naissance dans la projection de Mercator à partir de laquelle sont faites de nombreuses cartes – est on ne peut plus vraie (p. 118).

D’un autre côté … On a tout de même beaucoup de raccourcis, que ce soit sur la centralisation française qui aurait débutée avec Napoléon (p. 96), la nécessité de la Manche pour l’accès de la France à la mer (p. 108), la colonisation belge au Congo simplifiée au point de devenir fausse (p. 126) et le chapitre sur l’Afrique est l’occasion de passages discutables, notamment sur le Rouanda ou la question des frontières qui ont peu été modifiées depuis 1960.

Les cartes sont assez sommaires, avec finalement peu d’informations et toutes les frontières disputées n’y sont pas indiquées contrairement à ce que voudraient faire penser les légendes.

C’est un point d’entrée convenable, agréable à lire, d’une veine réaliste et où le lecteur apprendra toujours quelque chose. Mais comment faire mieux avec un sujet aussi vaste en 280 pages ?

(des Chrétiens mésopotamiens et des Chaldéens p. 162 ? … 6,5/7)

Station Metropolis Direction Coruscant

Essai de géographie de la ville du futur par Alain Musset.

Etemenanki !

Il y a peu d’œuvres de science-fiction sans une présence massive de l’élément urbain. Dune compte peut-être parmi les grandes œuvres où la ville est de peu d’importance, mais que l’on pense à Coruscant, la planète-ville de la Guerre des Etoiles, à Trantor chez Asimov ou Los Angeles dans Blade Runner/Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, et chez chacun des images viennent en tête. Cependant, l’image qui est en donnée est rarement méliorative (les Cavernes d’Acier chez Asimov peut-être) : le délabrement peut régner, la plus grande richesse côtoyer la plus extrême pauvreté, la violence peut être présente à chaque coin de rue et il y a des pénuries d’air ou d’eau, on est le plus généralement dans le contre-mythe arcadien.

Alain Musset (géographe à l’EHESS) nous faire voir ici toutes les facettes de la ville telle que décrite dans la science-fiction, quel que soit le média (roman, film, bande dessinée, jeu vidéo). De courtes pages sur le contexte culturel occidental de défiance envers la ville (la Babylone biblique, le romantisme) ouvrent ensuite sur quatre parties contenant à chaque fois trois chapitres.

La première partie s’intitule « De la mégalopole à la monstruopole » et le premier chapitre commence par la première caractéristique de la ville de science-fiction : son gigantisme. Dans la SF, le processus d’urbanisation est souvent arrivé à son point le plus extrême. Parfois même, comme à Coruscant, il n’y a plus rien de naturel sur la surface de la planète. Plus de mer, de montagne. Tout est recouvert par la ville, et on parle en centaines de milliards d’habitants. Et par conséquence, la ville prend de la hauteur (second chapitre), là encore de manière astronomique. Les tours font très vite plusieurs kilomètres de haut et peuvent abriter des millions d’habitants (seulement des centaines de mille dans des Monades urbaines de R. Silverberg). La tour babylonienne de Metropolis est ici iconique (et est en couverture). Mais si l’énergie vient à manquer à ces tours ? Alors tout se dérègle (troisième chapitre). La surpopulation règne, tout comme souvent la faim et la soif, avec un maximum de pollution en sus. Les déchets forment des montagnes … De ces images est née l’arcologie, qui a pour but de marier écologie et habitat. Mais est-ce, là encore, utopique ?

La seconde partie s’intéresse aux structures sociales dans la ville de science-fiction, principalement sous le prisme des classes sociales et des castes. La ville SF est le royaume des inégalités (ceux qui mangent des fruits et de la viande dans Soleil vert et ceux qui mangent le pâté vert p.82). De manière assez inattendue, de nombreux romans de l’univers de la Guerre des Etoiles sont de ce point de vue très critiques (p. 85-88). L’inégalité ne concerne pas que l’argent mais peut aussi prendre la forme du temps, de l’eau ou de l’air. Les plus basses classes sociales urbaines sont le thème du chapitre suivant. La robotisation ou la numérisation des processus de productions sont les premières causes de déclassement. Mais tout n’est pas figé de toute éternité et les beaux quartiers peuvent aussi être atteints par la ruine ou une nature qui reprend ses droits. Avec de telles disparités sociales, la dialectique haut / bas est très présente dans les environnements urbains de science-fiction (sixième chapitre). Léonard de Vinci déjà imaginait une ville sur deux niveaux, l’un pour la noblesse et l’autre pour le reste du peuple (p. 120)

La partie suivante poursuit dans l’exploration des bas-fonds, et de leur matérialisation : les bidonvilles. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas forcément sur la terre ferme, comme c’est déjà le cas à Bangkok (p. 146). Qui dit bas-fond dit aussi criminalité, comme on peut le voir dans Robocop, avec son lot de violence. Le dernier chapitre de cette partie concerne les murs à l’intérieur de la ville. Il y a dans la SF de nombreuses reprises du thème des quartiers privés (ou résidences privées), nés aux Etats-Unis dans les années 50. Vient à l’esprit la Zone du dehors de A. Damasio.

La dernière partie propose au lecteur de voir la ville sous l’angle du contrôle, avec en premier lieu le centre commercial (très bon jeu de mot en titre avec « L’ombre du mall » p. 189). Qui dit univers dit consommation de masse. Et donc centre commercial, avec son architecture spécifique qui doit encourager l’acte d’achat. Dans le second chapitre de cette partie, l’auteur discute de la ville dans son rapport au totalitarisme et à la dictature. Mais il ne faut pas non plus oublier les transnationales (ou parfois mégacorporations). Certains portent comme nom de famille le nom de leur employeur (p. 217). L’ordinateur n’est bien sûr pas absent de ces jeux de pouvoir. Le dernier chapitre a pour objet la ville en tant que panoptique. Big Brother, le Cerclon de A. Damasio, le Truman Show mais aussi le puçage et la ville virtuelle sont abordés par A. Musset.

Le tout dernier chapitre forme la conclusion de l’ouvrage, rappelant que seule une minorité de villes ne sont pas dystopiques dans la SF. La dystopie a ici clairement vaincu l’utopie.

Mitigée est notre réaction une fois refermé ce livre de 250 pages (plus une longue bibliographie). Nous nous attendions à plus de géographie et d’urbanisme, alors que la partie sciences sociales domine outrageusement. Un problème d’équilibre, par rapport à nos attentes. Corollaire de ce déséquilibre, le propos est assez marqué politiquement, avec un peu d’autocritique (p. 62). Cette teinte politique conduit à des erreurs factuelles, comme par exemple ce qui peut se dire sur la responsabilité de Goldman Sachs en Grèce et lors de la crise dite des subprimes (p. 86). Le libéralisme indéfini est l’accusé facile de tous les mots, c’est presque la faute au destin (p. 167 par exemple ou p. 191 avec « l’ultralibéraliste » M. Friedman). Quant à la sortie sur D. Trump (p. 184), elle confine à l’inutilité. Les excursions hors du sujet sont périlleuses tant quand il est question d’Ovide soi-disant contempteur des villes (il ne cesse pourtant, de son exil au bord de la Mer Noire, de vouloir revenir à Rome p.13) que quand on parle démocrature dans le onzième chapitre. Reste, au final, une forte impression de délayage. Ce livre aurait pu être plus court et moins saucissonner les thèmes. A. Musset, auteur d’autres géofictions ayant attrait à la SF, veut semble-t-il aussi faire le pont entre ses différentes aires de recherche.

D’un autre côté, A. Musset fait découvrir des auteurs oubliés, surtout français (p. 99-100, l’Age d’Or de la SF étatsunienne a recouvert beaucoup de choses). Il annexe un peu de la fantasy urbaine (Miéville p. 145), mais cela n’est pas sans justification. L’aspect physique du livre, avec ses très belles illustrations et les photos dans le texte, est une grande réussite, déjà annoncée par une couverture de grande classe.

A mi-chemin donc, tant pour la forme que pour le fond.

(les Pinçon-Charlot ou la sociologie la plus éloignée possible de la science p. 112 … 6,5)

No society

La fin de la classe moyenne occidentale
Essai de géographie polémique de Christophe Guilluy.

No future !

Dans la suite de ces précédents livres, le géographe Christophe Guilluy continue dans cet ouvrage la description géographique d’une société qu’il voit comme au bord de la rupture. Mais ici, on élargit encore l’image. Il n’est plus question de quartiers en déshérence et de campagnes s’enfonçant dans la pauvreté, ni des classes supérieures comme dans les deux précédents ouvrages de l’auteur mais de la classe moyenne. La classe moyenne pour C. Guilluy (qu’il ne définit pas avec autant de précision que Louis Chauvel comme on l’a vu ici), c’est le pivot de la démocratie et la part de la société qui a le plus profité des Trente Glorieuses et de la démocratisation de l’après 1945. Il souhaite démontrer que la classe moyenne s’effondre, se désagrège, grignotée par la précarisation, tandis que les classes supérieures se sont mondialisées et séparées sur reste de la société.

La phrase d’ouverture atteint son objectif : le choc. En reprenant Margaret Thatcher déclarant en 1987 « There is no society », C. Guilluy veut montrer que la sécession des classes supérieures n’est pas une idée du XXIe siècle, tandis que le Premier Ministre britannique voyait plus la nécessité de limiter la redistribution. Mais par la même occasion, il signifie au lecteur que les sociétés sont mortelles, elles aussi avant d’annoncer sa conclusion, moins pessimiste que l’on pourrait le croire après cette première phrase.

Le premier chapitre résume d’une certaine manières la thèse de l’auteur sur les espaces périphériques, français en premier lieu, mais qui peut aussi désigner des territoires en Allemagne ou aux Etats-Unis (p. 33). C. Guilluy décrit aussi la montée du populisme, fruit de la non prise en compte par les élites des intérêts de la majorité que constitue les classes moyennes (occultation ou minimisation p.39). La prise de conscience de ce désintérêt vient de ce que la crise de l’emploi ouvrier, en Lorraine ou dans le Nord par exemple, commencée dans les années 60, a fini par atteindre la classe moyenne : dépeuplement des petites villes rurales, crise commerciale (disparition des commerces en centres-villes), évaporation des services publiques, raréfaction des grands pourvoyeurs d’emplois publiques (caserne, hôpitaux etc.), précarisation. De fait, la classe moyenne occidentale est la seule à ne pas profiter de la croissance mondiale (p. 51).

A l’insécurité économique s’ajoute une insécurité culturelle : la classe moyenne n’est plus la référence culturelle (p. 78). Elles ne sont plus le pôle d’attraction pour les immigrés, surtout parce que personne ne veut intégrer l’équipe des perdants (p. 80-82). Pour l’auteur, il est ainsi paradoxal de se plaindre de la communautarisation quand on a patiemment détruit les conditions de l’intégration en ostracisant le groupe social qui l’assure (ici, Canal + est très nommément visé p. 87). Pour l’auteur, on assiste à une racisation des minorités comme des « petits Blancs », conduisant vers une a-société.

La seconde partie du livre décrit le processus de repli de la bourgeoisie, qui ne se sent plus d’obligations envers le reste de la société. Cette mise a distance sous couvert d’ouverture et « d’antifascisme d’opérette » (p. 125), rêvée par de nombreuses bourgeoisies dans les siècles précédents, a pu se réaliser sans violence (p. 103). C. Guilluy analyse ensuite l’élection de E. Macron comme l’alliance des bourgeoisies de gauche et de droite, en plus des retraités (qui sont ceux qui sont les plus proches de voter ailleurs la prochaine fois), malgré les paradoxes. L’auteur défend son concept de France périphérique (pas synonyme de périphéries) et cite plusieurs fois Christopher Lasch (l’auteur de La révolte des élites). Déjà observable à Londres au moment du Brexit ou à Barcelone, il y a dans les métropoles gentrifiées la tentation de s’ériger en cité-Etat (mais les parallèles de l’auteur avec l’Antiquité sont ici malhabiles, la cité grecque, par exemple, ne se sépare pas de sa campagne). C. Guilluy poursuit ensuite sa démonstration en mettant en relief ce qui pour lui caractérise l’amenuisement de la recherche du bien commun. Et pour l’auteur cela commence avec la mise en état d’impuissance des services publics, une relativisation générale, avec un chaos tranquille, sans révolution grâce à une fuite en avant économique et sociétale caractérisée par l’égoïsme (p. 157).

Dans la troisième et dernière partie, C. Guilluy s’écarte de son sujet de départ pour développer son idée de soft power des classes populaires. Et ce soft power, c’est le populisme ou « la volonté de sortir de la démocratie sans le peuple » (p. 177, citation de J. Julliard). L’auteur avance même que c’est par ce biais la fin de l’hégémonie culturelle du monde d’en haut (dans une comparaison malvenue avec le Heartland géopolitique de H. McKinder p. 187) qui occupe la place laissée vacante par l’amenuisement de la classe moyenne occidentale. Les demandes populistes (parmi lesquelles les frontières te le protectionnisme), plébiscitées par les classes populaires, ont pour but de préserver le collectif (p. 195). Pour l’auteur, cela va à l’encontre du déni des cultures (qui réifie les humains, transportables partout).

Le livre s’achève sur un plaidoyer pour l’intégration. Plus exactement, pour la réintégration des élites dans la société et à reprendre le chemin de l’Histoire, sans un retour à la mendicité pour les classes populaires (p. 231). Il est possible que la métropolisation soit elle-même déjà en crise.

Ce livre, qui navigue on l’a vu entre les sujets (ou plus positivement, veut apporter une conclusion à un cycle) semble avoir été écrit un peu hâtivement. La lecture en est laborieuse, avec des endroits où l’auteur délaye même carrément (p. 39). C’est dommage, puisque l’auteur donne une vision géographique des sociétés occidentales (et française en particulier), une manière d’aborder les choses qui ne se voit pas beaucoup dans l’édition grand public ou les médias. Il y a donc des cartes en cahier central, qui auraient pu être cependant plus grandes. La fougue fait aussi perdre de vue à C. Guilluy certains ordres de grandeur, en qualifiant d’oripeaux les 20% de F. Fillon en 1017 (p. 106). C’est oublier les 19% de J. Chirac en 2002. Il a ensuite été élu.

Mais les critiques que l’on peut formuler sur la forme, assez lourdes, sont rejointes par des erreurs sur le fond, dues à des raccourcis faciles. C’est le cas avec A. Smith p. 122 où l’auteur prétend que la théorie dite du ruissellement est une actualisation de la main invisible du marché. On a déjà vu plus haut que la situation des cités antiques lui était étrangère.

Riche en données, cet ouvrage aurait gagné à bénéficier d’une forme plus aboutie, peut-être moins proche de l’oralité. Il reprend des pistes déjà explorées par l’auteur, qu’il voit confirmées par les élections des années 2016 et 2017 en Occident. Mais est-ce que le mouvement dit des Gilets Jaunes, dans sa diversité, infirme ses thèses ?

(contre le happyendisme p. 37 ! … 6,5)