Mais qui donc est Laure Diebold-Mutschler ?
Biographie de Anne-Marie Wimmer.
Il n’y eut que six femmes faites Compagnon de la Libération, et parmi celle-ci, quatre le furent à titre posthume. A vrai dire, pour Laure Diebold-Mutschler, ce n’est pas passé loin : elle était portée disparue, en déportation, lorsqu’elle fut élevée à la dignité. Mais elle revint miraculeusement de Ravensbrück pour reprendre la vie tranquille et discrète qui était la sienne avant 1940 avant de s’éteindre en 1965.
Anne-Marie Wimmer (écrivain de profession) raconte au début de ce livre comment elle en vint à écrire sur quelqu’un qui est alors une quasi inconnue dans sa commune de naissance. Interloquée par ce manque de reconnaissance, elle se lance avec enthousiasme dans une quête personnelle, retracer la vie de Laure Diebold pour lui rendre la place qui lui revient dans la mémoire collective. Elle commence son enquête par quelques rencontres en Alsace et à Paris (seconde partie), avant grâce aux différents documents qui lui parviennent et aux témoignages qu’elle recueille, de pouvoir écrire la biographie de cette héroïne. Cette biographie est découpée en trois parties. La première tente de décrire la jeunesse de Laure Diebold, guerre y compris. Née en 1915, elle est secrétaire quand éclate la guerre. Elle intègre très vite un réseau de passeurs dans les Vosges avant de rejoindre son mari à Lyon, où elle intègre le réseau Mithridate, et de devenir agent de liaison et la secrétaire de Jean Moulin. Arrêtée, torturée, elle est déportée.
La quatrième partie du livre traite des années d’après-guerre de Laure Diebold, au service du futur SDECE, à Lyon et dans le Territoire de Belfort. Toujours proche de ses anciens compagnons de lutte, elle devient bibliothécaire dans une entreprise lyonnaise avant de travailler avec son mari dans les tissages. Elle s’éteint en 1965 et ses funérailles ont lieu à la primatiale de Lyon (en présence de très nombreuses personnalités) avant que sa dépouille ne rejoigne l’Alsace. La partie suivante s’intéresse à la postérité de la Compagnon de la Libération. On en apprend plus sur son mari, sur ses amis, sur ce qui est dit d’elle dans les décennies qui suivirent sa disparition, jusqu’aux années 2010. La dernière partie est une sorte de post-scriptum, sur les dernières informations parvenues à l’auteur à l’été 2010 (qui fait atteindre les 250 pages au volume), qui s’achève sur une exhortation.
L’auteur ne le cache pas : elle n’est pas historienne, et non seulement elle le dit expressément (p. 85), mais ses prises de positions tranchées le rappellent assez souvent (p. 37, p 39 par exemple). Elle n’hésite pas non plus à malmener ses interlocuteurs (p. 44 contre l’archiviste ou p. 86 contre Daniel Cordier, par exemple). Ne minimisons cependant pas le travail d’enquête, dont l’auteur explique l’incomplétude, qui eut à se débattre dans les difficultés classiques de l’historien : des sources éparses, souvent contradictoires, des refus de collaborer (ou des interlocuteurs moins enthousiastes), des témoins décédés, et bien sûr, le manque de temps. Cependant, la lecture pâtit d’un style très (voir trop) oral qui rend très bien l’enthousiasme débordant et l’admiration de l’auteur mais beaucoup moins le travail d’enquête. Il reste quelques erreurs typographiques, mais qui n’induisent pas le lecteur en erreur. On ne déplore qu’une seule grosse incohérence : que l’association Rhin et Danube soit présentée comme celle des anciens de la 2e DB (p. 68), alors que c’est celle de la 1er Armée (comme c’est corrigé à la p. 179).
Mais l’objectif du livre est atteint : Laure Diebold-Mutschler est moins inconnue qu’avant.
(tout est un peu trop souvent décrit comme « très français » … 6)