Livret de Friedrich Wilhelm Riese (modifié à de nombreux endroits) sur une musique de Friedrich von Flotow.
Production de l’Opéra de Francfort-sur-le-Main.
La production avait pourtant été chamboulée avec la maladie de la chanteuse en charge du rôle de Nancy. Mais la solution retenue a fait plus que colmater les brèches. Une chanteuse de remplacement a pu être trouvée et le metteur en scène, une femme, a pris sa place d’actrice. A l’arrivée, un plaisir intact.
L’histoire est bâtie autour d’un quiproquo assez classique. Lady Harriet s’ennuie et refuse pourtant toutes les idées de sa servante Nancy et de son cousin Lord Tristan. Entendant les voix des servantes se rendant à la foire de Richmond, elle décide d’y aller. Pour ce faire, tous trois se griment. Sur place, les différentes servantes vantent leurs talents, avant qu’un propriétaire fasse une offre de rémunération. Un juge (un bailli dans le texte original) certifie les contrats, qui ont une durée d’un an, si les deux parties se tapent dans la main. Deux paysans, dont l’un d’origine inconnue, cherchent de la main d’œuvre et causent avec les deux femmes. Ils concluent ensemble un contrat, mais quand Nancy et Harriet pensent mettre fin à leur petite escapade costumée, les paysans et le public présent leur rappellent la loi. Elles doivent donc suivre les deux agriculteurs chez eux …
Dans la ferme, les deux femmes démontrent leur incapacité à être d’une quelconque aide mais Lyonel, le paysan qui semble avoir des manières au-dessus de sa condition, n’en a cure et fait même une déclaration d’amour à Harriet, qui s’est donné Martha pour nom. La nuit venue, les deux femmes s’enfuient de la ferme avec l’aide de Lord Tristan. Lyonel est dévasté et son frère Plunkett organise les recherches.
Lyonel finit par arriver dans une forêt où il s’endort. Il est réveillé par la voix d’Harriet qui participe à une partie de chasse. Il l’a reconnait, elle nie, et, encore désespéré mais conseillé par Plunkett qui les a rejoint, il lui confie l’anneau que son père lui a laissé avant de le laisser dans sa famille d’adoption (et qu’il devait user en cas de très grand besoin). Harriet porte l’anneau à la reine Anne puis retourne à la ferme pour annoncer à Lyonel qui est en réalité de comte Darby. Après un petit temps, les deux se réconcilient, puis Plunkett et Nancy se trouvent aussi des atomes crochus. La scène finale à lieu à Richmond, où les deux couples finalisent leurs contrats respectifs.
Quelle belle soirée, tout de même ! La distribution vocale était d’une grande homogénéité, à un très bon niveau, dans une pièce où les habits font les moines. Aucune faiblesse, beaucoup d’émotion, ont rempli d’aise, et parfois de rires, une salle comble. Le metteur en scène a bien tenu son rôle, sur un plateau où l’on a nouveau utilisé ses capacités de mobilité circulaire pour en faire une sorte de carrousel sur lequel se succède les éléments de décor et les personnages. En fond, des murs en papier peint et en boiseries dotés de portes. Les costumes oscillent entre le dirndl et le kitch (avec des pompon-boys sous acide), avec une pincée de queer (renforçant donc fatalement le côté comédie aux dépens du romantisme). L’orchestre a été d’une grande agilité pour proposer avec une grande force romantique (de goût français semblerait-il) la partition d’un von Flotow que R. Wagner admira sans pour autant imiter, au vu des ornementations vocales qui foisonnent dans Martha. Nous ne sommes de loin pas favorables aux changements de livrets non autorisés par les auteurs, mais il faut avouer que les dégâts sont ici minimes, servis par une mise en scène inventive, joyeuse, proposant une retranscription au XXIe siècle, et dans son environnement social surtout, un thème du XIXe.
Pourra-t-on un jour voir sur scène l’un des nombreux autres opéras de von Flotow ? Hélas, rien ne semble moins sûr tant il semble peu donné …
(la reine Anne qui descend du ciel dans une gigantesque boîte illuminée, un grand moment de cette année à l’opéra … 8,5)