Roman onirique d’Italo Calvino. Traduit en français sous le titre Les Villes invisibles.

I futuri non realizzati sono solo rami del passato : rami secchi. p. 35
Marco Polo, émissaire du Grand Kahn des Mongols Kubilaï Kahn, décrit à son maître dans le palais impérial les villes de l’empire. Les a-t-il vues toutes ? N’a-t-il fait que d’en entendre parler ? Kubilaï Kahn doute. Marco Polo aussi. Entre les descriptions de longueurs variables, les deux protagonistes devisent des apparences, de ce que Polo omet, de ce qu’il considère comme implicite ou de ce qu’il pense être la réalité.
Parmi ces villes aux noms féminins, il y a celle qui a son double avec les morts, celle qui est aux confins de deux déserts, maritime et sablonneux, celle des canaux et des rues superposés, celle toute en hauteurs ou encore celle où toutes choses sont neuves chaque matin (mais qui s’étend pour pouvoir créer des décharges). Au final, elles baignent dans une intemporalité qui n’est pas forcément médiévale, une suspension qui permet à chaque lecteur d’associer l’aspect saillant de la ville décrite à une autre ville de sa connaissance. Eventuellement.
S’il est beaucoup question du pouvoir du dire et de la mémoire (celle de Polo, celle du Kahn, celles des citadins), la notre avait été aussi mise à contribution, et ce à double détente. Depuis une quinzaine d’années, l’ouvrage vivait en tournant en rond dans notre tête et c’est U. Eco qui lui a ouvert les portes avec son Vertige de la liste. Liste rassemblant des listes, ce roman très fantasy (urbaine) par certains aspects, mais sans dragon, alterne les rythmes pour créer une poésie particulière, propulsée par la liberté du lecteur.
(ce qui commande au récit n’est pas la voix, c’est l’oreille dit l’auteur p. 143, mais tel n’est pas l’avis des spécialistes du développement du langage … 7,5)