Roman policier/thriller de Johana Gustawsson.
La Suède : ses lacs, ses exportations à base de bois, sa boulange et ses tueurs en série sadiques. C’est un peu ceux à quoi nous invite Johana Gustawsson dans ce roman qui ne prend pas de pincettes.
Une actrice connue qui disparaît à Londres et voilà qu’un tueur en série sadique refait surface. Tout son mode opératoire y est, rendant son identification certaine. Seul problème : il a été arrêté il y a dix ans et est toujours dans un hôpital-prison. Le pire c’est que le criminel se déplace, puisqu’un corps mutilé selon le même rituel, avec les mêmes détails, est retrouvé sur les bords d’un lac en Suède. L’enquête va donc être conjointe, entre la Suède et l’Angleterre. Mais que cherche-t-on ? Est-ce le même tueur, avec un innocent en prison ? Un imitateur qui aurait eu accès à des données connues de la seule police ? Un complice qui ne s’était pas fait pincer à l’époque mais qui, fait rare, reproduit exactement les mêmes exactions sans son acolyte de l’époque ? La profileuse canadienne Emily Roy est dépêchée en Suède par Scotland Yard et l’écrivain française Alexis Castells, dont le compagnon a été tué par le tueur en série, est contrainte de se replonger dans son passé.
Le polar nordique a tout emporté sur son passage, avec Millenium comme tête de proue, et le succès ne se dément pas. Mais le style n’est pas réservé aux seuls écrivains dont les noms finissent en –son. C’est ici le cas mais l’auteur est française (dotée d’un pseudonyme admirativo-commercial ?), marseillaise de surcroit (ou même ciotadenne ?), et vit avec un Suédois à Londres. Les ambiances découlent donc directement de son expérience personnelle, avec l’apport français en plus (le personnage de Alexis Castells, française en diable, avec son côté alter-ego). Mais on sent la volonté de montrer ce parcours de vie : le lecteur doit comprendre qu’elle connaît la Suède et Londres, avec à l’appui de nombreuses références culturelles qui ont pour but de crédibiliser le récit mais qui font trop appuyées quand on les ajoute aux placements de produits (c’est dans le cahier des charges du genre ? c’est enseigné dans les cours d’écriture ? l’auteur attend-t-il une rétribution ?). Le récit, parallèle à l’enquête, d’épisodes de la vie d’une immigrée suédoise à Londres dans les années 1880 a la bonne idée de mettre en scène cette immigration peu connue et de rappeler que la Scandinavie n’a pas toujours été cette zone économiquement bien portante. Cependant, l’auteur décrit une ambiance dickensienne surdéveloppée qui pourrait faire penser que le crime naît de la seule misère.
Au-delà de ça, que l’on dirige le lecteur vers l’histoire de Jack l’Eventreur est d’une gênante transparence (p. 25). Quand p. 142 Sade est expressément cité, on se demande s’il n’y aurait pas derrière ce roman l’envie d’imiter cette grande figure, mais en ajoutant aux excentricités sexuelles une couche de gore qui prend la place du noyau de philosophie.
Plus gênant encore, il n’y a aucune réaction mesurée. Toutes les émotions sont passées à l’amplificateur, potentiomètre sur 12 (p. 75 par exemple). Le côté marseillais ? Les paroles « giflent » constamment, et de nombreux personnages sont toujours au bord de défaillir à la moindre remarque ou allusion. Ces personnages, dont chacun a au moins une demi-douzaine de traumatismes (anciens et nouveaux), sont parfois difficiles à différencier. A tel point que Emily Roy et Alexis Castells pourraient être finalement le même personnage. La profileuse tient bien évidemment de la voyante extralucide et la criminologue suédoise, avec son syndrome d’Asperger, est bien sûr l’impertinence personnifiée. Cela dit, les autres policiers du roman sont aussi à ranger dans la catégorie « je me contrefous de la hiérarchie ». La fin du roman est cependant bien construite, avec un bon rythme qui fait monter la tension avec doigté mais abouti sur un dénouement à notre sens assez tarabiscoté et qui réintroduit des longueurs.
(c’est sympathiquement amené et peut-être vécu le coup de la suédoise qui se moque de l’accent français d’une personnage parlant anglais p. 259-261 …4,5)