Essai de sur le pouvoir de Robert Greene.
Paru en français en 2009 sous le titre Power, les 48 lois du pouvoir.
Nous n’avons pas acheté ce livre, et nous n’avions pas eu l’idée de le lire. Nous connaissions seulement son existence. Et malgré cette absence d’intérêt et d’acte conscient d’achat, nous avons reçu ce même livre dans notre boîte aux lettres à la fin du mois de février 2016. Et donc nous l’avons lu ! Robert Greene, son auteur, a étudié les humanités et est aussi l’auteur de quatre autres livres (dont un manuel de séduction, ce qui n’est pas fait pour rassurer …).
Le présent livre est structuré, comme son nom le laisse penser, en 48 chapitres. Chaque chapitre est formé des sous-parties suivantes : résumé de la loi (« le jugement »), application de la loi, non-application de la loi, interprétation (« clefs du pouvoir »), une citation (celle d’un « praticien », souvent le philosophe jésuite espagnol du XVIIe siècle Baltasar Gracian que R. Greene présente p. xii comme un courtisan, ce qu’il n’était pas), une image illustrant la loi (une description allégorique, pas une représentation figurée) et pour finir le danger à suivre cette loi (« revers »). L’image est souvent présentée sous forme de calligrammes.
De nombreux exemples historiques nourrissent chaque chapitre, sans pour autant éviter les redites (avec Bertolt Brecht par exemple, p. 166 et p. 323). Enfin, des citations très variées et normalement en rapport avec ladite loi garnissent les marges. Une bibliographie indicative de deux pages, un index et le premier chapitre du dernier livre de R. Greene complètent ce livre qui a bien sûr commencé par une préface.
A l’issue de la lecture, on a quelques difficultés à comprendre comment ce livre a pu se vendre à plus d’un million d’exemplaire. Cela dit, c’est vraiment beaucoup pour un recueil de citations. Les citations justement ont le malheur de ne pas être sourcées, comme tout ce qu’affirme l’auteur par ailleurs. Le lecteur, s’il n’avait pas déjà plus ou moins compris au vu de l’absence complète de notes, constate assez vite que l’auteur, malgré son diplôme, n’est en rien historien. Passons sur la fausse citation de Louis XIV, erreur très commune (« L’Etat c’est moi », p. 34), qui accompagne une image de Louis XIV extrêmement déformée. Quand on en vient à qualifier Talleyrand de démocrate ou à décrire Napoléon comme un paysan (p. 81), c’est qu’il manque énormément de choses au bagage historique nécessaire à l’écriture d’un tel livre, alors que justement R. Greene insiste sur le fait que l’Histoire doit être celle qui enseigne aux gens de pouvoir et à ceux qui veulent l’étudier …
Le but même du livre n’est pas clair. L’auteur veut-il faire démonstration de cynisme poussé à son extrême ? Souhaite-t-il faire œuvre de pédagogie pour montrer l’envers du décor, les ressorts cachés du pouvoir pour aider à s’en prémunir ? Tout au long du livre, on n’en saura jamais rien.
Mais admettons que l’auteur ait quelques difficultés avec les périodes les plus récentes, en plus d’avoir lu des choses visiblement très datées (quoique que l’intérêt de R. Greene pour le Japon et la Chine est assez marqué et apporte un brin de fraîcheur). Nous nous abstiendrons de plus d’infliger ici une liste, longe comme un jour sans pain, des erreurs rencontrées lors de la lecture (pour le plaisir cependant, un Tokugawa empereur du Japon p. 266 …). Mais même quand il cherche des exemples dans l’Antiquité grecque, l’auteur affirme des contrevérités suffocantes. La victoire spartiate des Thermopyles (p. 420), c’est tout de même ahurissant !
On comprendra avec ceci que la lecture des 430 pages de texte, malgré le côté plaisant de l’esthétisme déployé dans la typographie (les calligrammes), n’a pas été d’un grand plaisir, loin de là. Ce n’est pas mal écrit, même assez pédagogique, avec des choses que l’on apprend sur le XIXe siècle étatsunien (enfin, si c’est vrai …) mais comme en plus les lois peuvent se contredire, il en ressort un très gros fatras et en rien un système que le mot « loi » induit pourtant. Nous avons eu les pires difficultés à le finir.
Le chapitre du dernier opus de R. Greene offert à la fin du volume m’a convaincu de ne surtout pas le lire.
(p. 83, une page entière de n’importe-quoi … 2,5)