Inconscient urbain
Essai sur le métropolitain parisien de Luka Novak.
Dans ce tout petit livre de 75 pages, Luka Novak (auteur, éditeur, politicien et homme de médias slovène) décrit le métro, un moyen de transport sans lequel il n’y aurait selon lui pas d’urbanisme.
L’auteur tire en partie le propos de son livre de son expérience, ayant passé une partie de sa jeunesse dans les années 70 à Paris. Mais il est très loin de s’en contenter, avec quelques apports plus intellectuels que sensoriels à chercher parmi les penseurs du langage, par exemple.
Passée l’introduction sur la place du métro dans le cinéma, l’auteur décrit son expérience au début des années 70 à Paris, à la découverte de nouvelles lignes, de nouveaux tunnels, de nouvelles rames, à l’affut de fentes dans les tunnels. Dans le second chapitre, l’auteur compare le métro parisien à l’édification d’une autoroute au-dessus du Bronx à New-York dont l’effet a été ségrégationniste, séparant la population enjambée du reste de la ville (qui ne possède pas de vrai réseau de métro selon l’auteur, car sans connexions entre les lignes). Au contraire (troisième chapitre), à Paris, le métro est un système de transport démocratique, desservant chaque quartier et structurant son inconscient en termes lacaniens (p.28).
Dans le chapitre suivant, l’auteur veut démontrer que le métro parisien n’est pas fonctionnaliste (à la différence du londonien, p. 33 ou du tokyoïte, p. 40). L. Novak fait ensuite un retour au sens, avec l’odorat. Jeune il appréciait beaucoup l’odeur du caoutchouc et de la vieille terre des tunnels, réfutant l’idée de puanteur. Pour l’auteur, les passages (à Paris ou à Milan par exemple) sont les ancêtres du métro (il s’appuie sur ce point sur W. Benjamin, p. 49). Mais pour L. Novak, le métro n’est pas seulement un inconscient, il est aussi un langage au sens de Wittgenstein. Il a révélé le sens de la ville (p. 61), son auto-réflexion. Le métro a abolit le hasard (p. 62).
Il n’y a donc (dernier chapitre) pour l’auteur pas de vraie ville sans métro ou sans tramway. L’économie mondiale en est même fortement dépendante (les traders doivent bien rejoindre Manhattan).
Le livre aurait mérité des développements plus amples, mais les idées maîtresses surnagent sans difficulté : sans réseau structurant de transports en commun, pas de métropole et le sous-sol révèle la surface. Ce livre montre aussi l’instruction de l’auteur, familier de la philosophie du XXe siècle et du cinéma (d’où sont tirés de nombreux exemples). Le problème c’est que le concept vole en escadrille et que du coup on s’approche dangereusement d’un alignement de noms, et si certaines phrases sont percutantes, le lecteur continue de s’interroger sur leur validité. La quatrième de couverture nous annonçait de l’humour, mais nous ne l’avons pas vu …
Néanmoins ce livre garde de l’intérêt dans ce qu’il permet au lecteur, sans aller jusqu’au structuralisme, de se faire une idée de comment les infrastructures de transport sont pensées et quels sont leurs effets sur la ville.
(le métro et Sigmund Freud … bien bien bien … 6,5)