Il y a eu une guerre. Bonn a été rayé de la carte, visiblement de manière nucléaire, il y a maintenant quelques décennies. On en a même fait un jeu vidéo. Les différentes nations que compte la Terre sont toujours là et la Guerre Froide ne semble pas finie. Mais de grandes entreprises se sont taillées de grands fiefs, que ce soit dans le monde physique ou dans le cyberspace. Dans le cyberspace agissent des cow-boys, des artistes de la matrice, qui se connectent par l’intermédiaire de consoles et d’électrodes. La connexion n’est d’ailleurs pas sans danger, se mouvoir ou être attaqué dans la matrice peut avoir des effets somatiques.
Case est l’un de ses cow-boys, originaire de la grande conurbation de la côte orientale des Etats-Unis, appelée Conurb. Il vit à Tokyo, ville violente et par endroits délabrés. Il a essayé de doubler son donneur d’ordres précédent, qui s’est vengé en lui inoculant une neurotoxine partiellement innervant qui l’empêche de se connecter. Drogué et alcoolique, il vit de petits expédients. Armitage, un ancien militaire, lui propose un gros coup, bien payé, en plus de l’opération chirurgicale qui lui permettra de se reconnecter. Il accepte et fait équipe avec Molly, une tueuse aux nombreuses modifications corporelles : ses doigts cachent des lames et ses yeux sont protégés par des implants miroirs. Mais Armitage prend lui-même ses ordres de quelqu’un. Case cherche à savoir pour qui il travaille vraiment. Mais cela est peut-être encore plus dangereux que le travail lui-même …
Encore un classique (paru en 1984), mais celui-ci est de plus fondateur : c’est le premier roman cyberpunk de l’histoire de la science-fiction. Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? / Blade Runner, de Philip Dick, avait bien avancé sur la voie mais était resté dans le domaine du roman noir (d’anticipation certes), avec ses manipulations du vivant, ses vamps et ses éléments extrême-orientaux, mais il ne s’était pas aventuré du côté de l’informatique et de ses potentialités. W. Gibson pose ainsi les bases d’un genre qui fera des émules, à l’image de la série Matrix et qui popularisera le terme cyberespace (cyberspace dans la première traduction française), inventé par lui-même dans une nouvelle précédente. Il y a bien sûr aujourd’hui un petit côté daté à la lecture de l’œuvre. Au début des années 80, 32M de RAM c’est du lourd et on peut encore se permettre de penser que l’interface DOS sera à jamais le fin du fin. Mais l’auteur contribue aussi à des questions encore aujourd’hui d’actualité : la place des grandes entreprises (mégacorporations), le crime organisé à l’échelle mondiale, la massification des données, l’intelligence artificielle, le transhumanisme ou les écarts gigantesques de revenus. Le thème de la religion y est connexe sans pour autant être absent et les drogues (un point très documenté) sont centrales dans le récit (un legs de la décennie précédente sans doute). Le livre est parsemé de références culturelles. Certaines renvoient à la science-fiction (rue Jules-Verne p. 121), d’autres cherchent du côté des arts plastiques (La mariée mise à nue par les célibataires, même de M. Duchamps, p. 248).
Malgré ses plus de trente ans, la traduction a bien vieillie, même si elle est peut-être un peu trop gouailleuse par endroits (mais cela semble suivre l’original). Plein de mots, utilisés pour faire moderne, sont restés dans le langage courant. D’autres, comme le verbe watergater (p. 101 par exemple, les années 70 toujours), n’ont pas fait souche. De nombreuses marques technologiques présentes sur le marché dans les années 80 sont citées (renforçant le côté anticipation), ce qui donne aujourd’hui un effet rétro-SF bien involontaire. Qui associe Braun avec l’avenir, de nos jours ? S’il est des moments dans le récit qui sont parfois un peu flous, il nous a semblé que c’était pleinement volontaire. Entre les drogues et le cyberspace …
Mais le roman de W. Gibson, dans ce qu’il décrit sur de nombreux points, a beaucoup à voir avec notre réalité. Notre futur immédiat est-il aussi sombre, violent, décadent et amoral que ce qu’il a imaginé ?
(la police de Turing p. 186, ce sont aussi des chasseurs de réplicants ? 8)
En septembre 1940, Paul-Emile, dit Pal, part de Paris pour l’Angleterre. Sur place il est recruté par le SOE (Special Operations Executive), le service britannique chargé de mettre l’Europe sans dessus dessous à l’aide d’agents formés puis envoyés sur le contient occupé. Pal est envoyé plusieurs semaines dans différents camps et bases pour apprendre le maniement des armes et de la radio, les différentes procédures pour les largages de matériel, le sabotage et le parachutage. Il y rencontre d’autres Français appartenant à sa section F du SOE, des Français d’horizons et de professions divers, mais aussi quelques Canadiens et une Anglaise parfaitement francophone. Malgré la dureté de la formation qui voit de nombreux éléments quitter le groupe, Pal et Laura l’Anglaise se rapprochent. Mais ce qui manque le plus à Pal, c’est son père resté à Paris. Très vite, le SOE planifie leurs premières missions, séparant Laura et Pal. Mais en France, et malgré les règles strictes du SOE, Pal cherche à renouer le contact avec son père, utilisant pour cela les réseaux de résistants qu’il aide et organise. Pourra-t-il sauver sa peau assez longtemps pour revoir son père ou rencontrera-t-il les caves de l’Abwehr avant ?
Le SOE n’a pas été en odeur de sainteté parmis les Français Libres : trop britannique, soustrayant des hommes qualifiés aux maquis, aux FFL ou au BCRA. Cette défiance se poursuivra après-guerre : ces gens, hommes et femmes, ne se sont pas battus sous le bon uniforme, même si c’était avec les Alliés. J. Dicker n’évoque pas ces rivalités dans son livre mais se place au niveau des recrues, avec leurs échecs, leurs peurs, leurs espoirs et leurs actes de bravoure. L’auteur nous entraîne donc à la suite des quelques éléments qui ont passé tous les tests pour être envoyés en France, qui reviennent à Londres et s’y retrouvent. Chaque personnage est très distinct des autres (même si tous ne sont pas à égalité dans la description), rendant leurs dialogues très vivants. L’un est séminariste, l’autre est un dur, un autre est passionné par la nourriture. La douceur de Laura est une grande réussite narrative. C’est de plus très bien écrit, avec des transitions magistrales et des moments de grande émotion, mais aussi parfois des trous d’air où affleure l’ennui pour le lecteur.
Le point central du livre, la relation père-fils tourne cependant au masochisme (blessure au cœur). Si Pal agit sans prudence, son père resté à Paris est d’une certaine manière déjà dans la folie : il sait son fils à la guerre et s’agace de ne pas recevoir de lettres pour ses anniversaires. Cette non prise en considération de la guerre (que l’on trouve aussi dans les étranges épisodes de pacifisme dévoyé de Pal) donne un côté irréaliste au récit, alors même que J. Dicker fait beaucoup d’efforts pour peindre, et avec un certain succès, l’Angleterre des années 1940 (même si par moments il récite sa documentation sur le SOE). La multiplication des relations pères-fils rend le propos par trop flou : il y a des pères partout, en tous sens, de toutes sortes. Où veut nous emmener l’auteur ? C’est dommage. Ou J. Dicker souhaite-t-il nous suggérer que la piété filiale ne mène à rien et que l’âge et le veuvage ne conduisent qu’à la folie et à faire de l’instrument de la Fin son propre fils ?
De très belles formes qui conduisent à des interrogations qui durent, mais parfois le fond dissone.
Reflections on the Forgotten Twentieth Century.
Recueil d’articles de Tony Judt.
Un autre recueil d’articles de l’historien Tony Judt, où souvent la recension d’un ouvrage sert de prétexte à une leçon d’histoire percutante et bien tournée.
Le livre se découpe en quatre parties, centrées chacune autour d’une thématique : le totalitarisme, l’engagement des intellectuels, lieux et mémoires et enfin pour finir, le (demi-)siècle étatsunien. Mais avant cela, dans une introduction caractéristique des dernières publications de T. Judt (dont on retrouve bien entendu de nombreux éléments dans ces autres livres, particulièrement son « testament politique » et son autre recueil d’articles, comme la place de l’Etat p. 8-10), ce dernier entretient le lecteur de ce qui n’est plus en notre début de XXIe siècle : la mémorialisation qui remplace la mémoire, les irréconciliables visions du XXe siècle des deux côtés de l’Atlantique, sur la perte temporaire de pouvoir du politique face à l’économique et le retour de la peur comme facteur politique en Occident. Son aversion pour le victimisme et le présentéisme est plus que palpable (p. 4).
La première partie permet à T. Judt de se concentrer sur plusieurs figures de l’engagement politique d’intellectuels à différents moments dans le XXe siècle : Arthur Koestler, Primo Levi, Manès Sperber et Hannah Arendt. Dans le premier article, l’auteur n’est pas tendre du tout avec l’auteur du livre qu’il critique (p. 30). Dans le second article, au ton plus doux, T. Judt revient entre autres choses sur la réception de l’œuvre de Primo Levi (p. 46-47). Publié pour la première fois en Italie en 1946, Si c’est un homme ne parait en France qu’en 1961 sous un titre qui change son sens (J’étais un homme), mais le succès ne vient vraiment qu’après la mort de l’auteur en 1986.
Autre homme du XIXe siècle, cosmopolite comme A. Koestler, Manès Sperber est aussi un de ceux qui transforme les obligations religieuses juives en une volonté de changer le monde (p. 70) et qui grâce à ses mémoires (comme S. Zweig par exemple), permet de comprendre une époque où l’expérience de la Galicie multilingue conduit à s’intéresser au futur du prolétariat allemand (p. 72). Le dernier article de cette partie est l’occasion de parler du rapport à la germanité et au sionisme de Hannah Arendt. T. Judt revient aussi sur ce que pense H. Arendt des Conseils Juifs dans les ghettos durant la Seconde Guerre Mondiale, penchant en faveur des contradicteurs de la philosophe. On sort de la lecture de cet article avec une image différente de la philosophe : l’auteur est convaincant quand il argumente sur l’absence de systématisation chez H. Arendt. Mais T. Judt insiste aussi sur son apport à la critique de la contemporanéité.
La seconde partie est elle aussi dominée par de grandes personnalités, dont certaines connues personnellement de l’auteur. On commence avec le grand héros de T. Judt, Albert Camus, à l’occasion de la réédition en France de Le premier homme (en 1994). L’article (très court) porte essentiellement sur les parallèles que l’on peut trouver entre A. Camus et son personnage Jacques Cormery. La suite porte la lumière sur Louis Althusser, dont T. Judt a suivi le cours à l’ENS. La rencontre n’est pas décrite à l’avantage du professeur français. T. Judt, élevé dans le marxisme, n’adhère pas du tout à la présentation, toute déconstruite, qui lui en est faite (p. 107). L’article est donc une tentative de présenter la vision althusserienne du marxisme (dans une tentative de donner un sens à sa propre vie selon T. Judt p. 113), avec quelques lignes sur ses épigones (et D. Eribon prend cher p. 114 !). C’est féroce. Avec justesse, T. Judt se demande à la fin de l’article comment un tel homme peut avoir autant attiré à lui les intelligences, excluant l’hypothèse du chartlatanisme mais regrettant son influence encore vivace aux Etats-Unis (associée aux « gender studies »).
Autre figure mondialement connue, Eric Hobsbawm est le sujet d’un article. T. Judt loue ses qualités d’écrivain, ses immenses connaissances et détaille son parcours entre Alexandrie, Vienne, Berlin, Londres et Cambridge. La place du communisme dans sa vie, jamais remise en cause, est auscultée avec précision. Ais c’est le communisme britannique, bien différent cependant de ce qu’il avait vécu en 1933 à Berlin avec le KPD (p. 120) … T. Judt est plus acerbe quand il explore l’attrait des universitaires communistes pour le mandarinat : le pouvoir à ceux qui savent ce qui est bon (p. 121). Mais pour T. Judt, E. Hobsbawm est aussi un romantique, qui voit l’URSS et les partisans italiens de cette manière et dévoile dans ses mémoires un faible pour la RDA. Et à partir de là, l’auteur formule des critiques plus dures devant ce qu’il considère plus comme des faiblesses de la jeunesse ou l’ignorance du moment (p. 123 sur la stratégie du KPD dictée par Moscou, contre les sociaux-démocrates et ignorants les Nazis en 1932). Il y a une sorte de colère chez l’auteur à la fin de l’article, confronté à ce que E. Hobsbawm dit de l’Europe centrale après 1945. Pour lui, il a dormi pendant l’époque de terreur et de honte (p. 126). Un portrait tout en nuances de gris.
Leszek Kołakowski, le sujet du huitième chapitre, est encore un intellectuel britannique né ailleurs. Polonais, dissident, catholique et philosophe, L. Kołakowski a été exilé en 1968 et a trouvé refuge à Oxford. T. Judt rappelle ses apports à la philosophie et à l’histoire, principalement celle des sectes paléochrétienne et du marxisme (Histoire du marxisme est paru en 1976). C’est aussi un rappel sur l’attrait qu’a eu le marxisme pour les intellectuels au XXe siècle (p. 137-140), tout en rappelant les distinctions qu’il y a à faire entre marxisme et ce qu’en firent les Bolchéviques (p. 133), tout en mettant en exergue la vision polonaise de L. Kołakowski, teintée par son expérience personnelle du communisme.
Pour rester en Pologne, T. Judt entretient ensuite le lecteur de sa vision de Jean-Paul II. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur n’a pas aimé le livre qu’il se propose de recenser. Il y critique en détail la présentation des années 80 qui y est faite, explorant la manière dont agit intellectuellement Jean-Paul II et insistant sur son côté polonais. Le chapitre suivant nous envoie du côté d’Edward Said, l’intellectuel palestinien connu essentiellement pour son livre L’Orientalisme. Il a été un grand critique des accords d’Oslo comme des pourparlers de Camp David, et, sur ce point, T. Judt rejoint son jugement : Camp David n’aurait rien réglé (p. 170). Après avoir montré que le mouvement palestinien s’est construit en miroir du sionisme (expulsion, résurrection, volonté de retour etc. p. 172), il en appelle à la responsabilité des Etats-Unis dans le règlement du conflit.
La section suivante débute avec un chapitre sur la chute de la France en 1940. Ca a été un combat de chaque instant pour faire comprendre au public anglo-saxon, et surtout étasunien, que la fin de la IIIe République en 1940 est un évènement important du XXe siècle, et que les semaines de combats furent très loin d’une promenade de santé et que tout n’était pas écrit d’avance, y compris au 10 mai 1940. On peut cependant lui reprocher d’utiliser le terme d’ennemi héréditaire (la France a bien plus été confrontée à l’Angleterre, p. 183), tout comme nuancer le peu de renseignements qu’auraient eu les Français (p. 187, comme le montre les carnets du chef du Service de Renseignement français, le général Rivet). T. Judt reproche au livre qu’il critique un abus du « what if » qui conduit à perdre de vue les documents et la réalité (p. 189).
Le chapitre suivant analyse la publication en anglais des Lieux de mémoire, la fameuse série dirigée par Pierre Nora. Il remarque qu’il n’y est jamais question d’urbanisme, pas plus que des Napoléons. Il est peut-être excessif quand il parle des changements en France entre 1956 et 1981 : on peut avoir l’impression qu’il n’y a plus aucune constante. Le treizième chapitre ramène T. Judt vers l’Angleterre, dans un article où il critique durement Tony Blair (« Blair l’inauthentique pour un pays inauthentique » p. 224). C’est l’occasion de parler trains et de la privatisation ratée du rail britannique (un livre de T. Judt sans train ? Impossible !). On revient sur le continent, en Belgique, dans le chapitre suivant et T. Judt livre un portait très complet du pays. La Roumanie bénéficie du même traitement.
T. Judt se revient vers le Levant avec un article sur la Guerre des Six Jours, le début de l’éloignement d’un règlement en Terre Sainte, suivi par un autre sur les colonies.
La dernière partie de ce volume de 430 pages de texte se déplace vers le Etats-Unis. Il y est question de l’affaire Alger Hiss, de la crise de Cuba (dans un magnifique et éclairant article qui démontre que Kennedy et Khrouchtchev ne jouaient pas aux échecs mais au poker p. 335), de Henry Kissinger, de la Guerre Froide (avec démontage en règle du livre chroniqué) et de l’éclipse de la Gauche aux Etats-Unis. Le dernier chapitre est un comparatif lumineux entre les Etats-Unis et l’Europe.
La conclusion aborde le retour de la question sociale, centrale au XIXe siècle, avec parfois des approximations (pas de Front National en 1978 ? p. 412) ou des attaques moins bien fondées (sur Giscard d’Estaing p. 406). Cela ne transpire pas l’optimisme …
La diversité des thèmes est très plaisante, avec toujours une grande qualité d’écriture et une agilité intellectuelles remarquable. Une pointe d’acidité britannique vient de temps en temps mettre un coup de fouet au lecteur. Si sa connaissance de l’Europe avait été amplement démontrée, celle de l’histoire de Etats-Unis manquaient encore d’exemple. C’est fait avec ce recueil qui ravira les aficionados de T. Judt.
(«Blair made London and Britain great again », ça rappelle quelque chose p. 222 … 8)
C’est le plus grand des hasards qui a porté ce très grand classique de la littérature de l’imaginaire devant nos yeux. On s’était imaginé l’œuvre un peu plus grosse … Mais non, en à peine 120 pages et plus de 150 ans plus tard, Lewis Carroll est encore aujourd’hui une référence connue de presque tous (avec des images Disney en prime dans chaque cerveau qui aident à sa renommée).
Alice et sa sœur sont au bord d’un cours d’eau et Alice s’ennuie. Passe un lapin en redingote, qui sort sa montre gousset et s’affole de son retard. Alice, intriguée, suit ce lapin dans un terrier et entame à sa suite une chute interminable … Qui se finit bien, mais devant un couloir aux portes fermées. Seule une porte semble pouvoir s’ouvrir mais Alice est bien trop grande pour pouvoir passer à travers. Une bouteille lui demande de la boire, alors elle s’exécute …
Alice, dans ce pays merveilleux, confronte ainsi sa logique à celle de son entourage, prenant souvent la forme d‘une critique de la société victorienne. Les pastiches de comptines (très anglaises) sont de ce point de vue emblématiques. Mais cette absence de logique, cette folie par instants (c’est bien l’adjectif accompagnant le Chapelier) dans laquelle se meut une Alice toujours calme et polie, cette folie touche au cauchemar. Si certains personnages désamorcent en fin de tableaux certaines situations, la violence affleure, venant de toutes les couches de la société (la Reine, la cuisinière) ou de la Nature elle-même. Alice a bien du mal à comprendre la Souris et son rapport aux chats et aux chiens, et cela montre peut-être un changement de rapport des populations urbaines (Oxford) à la Nature par Lewis Carroll (ou seulement la naïveté enfantine, versant alors vers le roman d’apprentissage ?).
La présentation et les notes du traducteur J.-P. Berman sont d’un très grand intérêt, replaçant le roman dans la vie de son auteur, sa fascination pour les jeunes filles (qui lui font perdre son bégaiement selon sa biographie p. 13), son œuvre de photographe, d’inventeur de jeux (de cartes aussi, bien entendu !) et de mathématicien. Les notes sont bien sûr primordiales dans l’explication des allusions aux amis de L. Carroll, aux parodies de poèmes et à l’histoire anglaise mais elles aident aussi à comprendre les difficultés de la traduction d’un tel livre (et la connaissance de la production littéraire du XIXe siècle que possède le traducteur).
Un livre compact, agréable, fascinant et léger, mais cette clochette tinte encore très bien et son écho a déjà visité d’innombrables contrées. La fantasy doit décidément beaucoup aux universitaires anglais !
(le traducteur se sent obligé de décrire ce qu’est un jeu de croquet… tristesse…. 8)