Stiffelio

Musique de Giuseppe Verdi et livret de Francesco Maria Piave.
Production de l’Opéra de Francfort-sur-le-Main.

La saison du barbecue du côté de Salzbourg, c'est de janvier à décembre.
La saison du barbecue du côté de Salzbourg, c’est de janvier à décembre.

Nous avons eu droit à un public assez dissipé ce soir-là … Entre celui qui émet un rôt sonore en début de second acte et celle qui fait la chouette à chaque fin d’air, on a eu droit aux bavards, au téléphone qui sonne pendant de longues minutes et autres manifestations intempestives. Ce ne fut pas le pire public qu’il m’ait été donné de voir dans un théâtre, mais c’était tout de même d’un niveau conséquent. Tout cela pour voir un bon mais pas exceptionnel opéra de jeunesse de G. Verdi, qu’il estimait peu et qu’il a refondu sept ans après la première représentation en un opéra appelé Aroldo (bien aidé par la censure en Italie).

Le pasteur Stiffelio revient de mission et est accueilli par sa femme Lina, le père de cette dernière, les cousins de Lina et le noble Raffaele. Stiffelio raconte que le nocher du château lui a raconté avoir vu un homme et une femme s’échapper au travers d’une fenêtre dudit château, laissant échapper des lettres. Ces mêmes lettres, Stiffelio les a en sa possession mais les brûle par charité. Lino et Raffaele, les deux amants, sont soulagés et conviennent d’un moyen de communiquer, au travers d’un livre de la bibliothèque. Une fois salué par ses amis, Stiffelio remarque l’absence de l’anneau de sa mère au doigt de Lina. Mais Stankar, le père de Lina, les interrompt pour presser Stiffelio à l’accompagner à la fête organisée en son honneur. Lina écrit alors une confession mais son père revient et comprend que sa fille est la femme vue par le nocher. Le père voulant sauvegarder l’honneur familial, lui et sa fille conviennent de garder cela pour eux. Raffaele rentre en scène et place un mot dans un livre mais est vu par Jorg, le collègue de Stiffelio, qui lui dit. Stiffelio constate que le livre est fermé par un cadenas dont Lina aurait la clef. Elle refuse de l’ouvrir mais Stiffelio  réussit néanmoins forcer la serrure en détruisant le livre. Un mot s’en échappe mais Stankar est le plus prompt à s’en emparer. Il déchire le mot, à la grande fureur de Stiffelio.

L’acte suivant a pour cadre le cimetière. Lina se rend sur la tombe de sa mère mais Raffaele la rejoint. Elle lui demande de partir immédiatement. Stankar arrive et propose un duel à Raffaele. Stiffelio arrive à son tour, rappelant qu’ils sont dans un cimetière. Finalement, Stiffelio cherche à convaincre les deux hommes d’arrêter de se battre mais Stankar révèle que Raffaele est l’amant de Lina. Stiffelio souhaite alors se battre contre Raffaele mais l’heure du culte et Jorg stoppent cette tentative.

Le troisième acte démarre avec Stankar seul qui pense au suicide. Il commence à écrire une lettre à Stifelio. Jorg lui apprend que Raffaele va revenir au château et Stankar voit alors le moyen de se venger. Stiffelio rencontre Raffaele et lui demande ce qu’il ferait si Lina était libre. Il ne dit rien et Stiffelio lui demande de se cacher pendant qu’il parlera avec Lina. Stiffelio propose le divorce à Lina qui lui répond par une déclaration d’amour éternel. Stankar entre sur ces entrefaites et annonce qu’il a tué Raffaele, et Jorg rappelle à Stiffelio qu’il doit se rendre à l’église. A l’église, Stiffelio monte en chaire et n’ayant rien préparé il ouvre la Bible au hasard et lit les versets sur la femme adultère et son pardon.

La scène était très dépouillée, avec une maison en forme de croix aux armatures illuminées incluse dans deux cercles mobiles. La maison est relevée pour les scènes au cimetière ou à l’église pour ainsi former une croix érigée. Dans le fond, un mur blanc et lui aussi mobile laisse parfois apparaître une vingtaine de portes. Côté vestimentaire, Lina est en noir (avec des cheveux très long, un peu à la Marie-Madeleine), les hommes en costume. Les couleurs sont assez semblables, à tel point que l’on a pu presque confondre Stiffelio et Stankar. Le chœur est habillé dans des couleurs assez criardes, assez un petit rappel des années 1950.

La mise en scène a choisi de faire croire au public que Lina commet l’adultère à cause de la violence de son père et de son mari. Mis à part cela, le metteur en scène est resté assez classique, même si l’effet de la mort de Raffaele a plus fait rire par son excès que renforcé le tragique. Autre problème, le fait de devoir orienter la maison entre les scènes occasionne des délais qui cassent le rythme de la pièce. C’est particulièrement prégnant juste avant la dernière scène.  La même maison ne cesse par ailleurs de bouger grâce aux deux cercles mobiles, ce qui n’apporte absolument rien. Par contre, les jeux de lumière ont créé d’intéressants effets d’ombre sur le mur blanc, notamment quand la foule s’éparpille façon attaque de zombies dans l’acte II.

Enfin, du côté de la musique, Stiffelio a eu quelques problèmes de diction (dans des parties pas toujours faciles il est vrai) et personne ne sort vraiment du lot. Malgré un orchestre bien en place et une exécution très très plaisante de cette partition éminemment italienne, les chanteurs n’ont pas réussi à transmettre les émotions que leurs personnages sont sensés éprouver (sauf Lina, une fois). Il y a des soirées comme ça …

Il a donc été plaisant de connaître cet opéra, pas aimé de son auteur et redécouvert en 1968, et qui maintenant est plus connu et plus joué que sa version refondue. Mais des fois on attend plus d’un opéra.

(la scène de résurrection dans le cimetière … bon … 6,5)

Der Fliegende Holländer

Livret et musique de Richard Wagner.
Production de l’Opéra de Francfort.

Bikers et bière de contrebande.

Voici une histoire, reprise par R. Wagner, qui appartient à la catégorie de celles qui ont encore droit de cité dans la culture commune, en grande partie grâce aux métaphores sportives (mais très rarement marines). On ne peut en dire autant de Lohengrin ou de Tannhäuser, eux aussi objets et héros wagnériens.

Echappant à une violente tempête, le bateau du capitaine Daland se réfugie dans une baie, loin de son village qu’il pensait encore atteindre. Le capitaine va se coucher et laisse la veille à son timonier, qui a tôt fait de s’endormir. Arrive le Hollandais Volant, navire dont le capitaine est affligé d’une malédiction qui ne lui permet de toucher terre que tous les sept ans, pour une seule journée. Si une femme l’aime jusque dans la mort, alors la malédiction sera levée sur lui et son équipage. Le capitaine, réveillé, revient sur le pont et sermonne son timonier qui ne lui a pas signalé l’arrivée de l’étrange navire. Puis il parle avec le Hollandais, qui lui demande s’il n’aurait pas une fille. Convaincu par les richesses que lui fait voir le Hollandais, le capitaine Daland promet à ce dernier la main de sa fille. Les vents étant à nouveau favorables, les deux bateaux voguent vers le village de Daland.

A terre, les femmes du village filent la laine. L’une d’elle, Mary, la nourrice de Senta (la fille de Daland) refuse de chanter la complainte du Hollandais volant, arguant qu’elle attire le malheur. Mais Senta la chante de manière exaltée puis se jure d’être celle qui sauvera le maudit. Erik, le fiancé de Senta, annonce l’arrivée de deux navires et supplie Senta d’abandonner son rêve fantastique. Arrivent Daland et le Hollandais à la maison du capitaine. Senta et Hollandais ne disent mot, puis le capitaine les laissent seuls. Très vite, Senta et le Hollandais se jurent un amour éternel.

Le soir venu, l’équipage fête son arrivée à terre avec les femmes du village. Ils essaient d’inviter l’équipage fantôme à se joindre à eux et constatent leur état de non-mort, ce qui déclenche une panique. Erik, hanté par un rêve affreux où tout le village périt, veut convaincre Senta de renoncer à ses projets mais le Hollandais les surprend et, se méprenant sur la situation, décide de repartir en mer, maudissant par la même l’infidèle Senta. Cette dernière se jette dans la mer, ce qui a pour but de délivrer le Hollandais volant de sa malédiction (rendu cependant de manière très implicite dans la mise en scène de cette production).

L’œuvre étant donnée sans pause, le décor doit pouvoir s’adapter aux différentes scènes (le rideau tombe néanmoins une fois, entre le premier et le second acte. Le premier acte donne à voir un décor de navire, avec voiles et bouts. Ces derniers sont tirés vers le haut quand vient le bateau fantôme et laissent apparaître des nœuds coulants, en même temps qu’une hélice tournante descend des cimaises.
Les scènes au village font plus penser à l’Indonésie ou aux Philippines, avec un petit côté quartier chaud à Manille. Des poteaux électriques surplombent une sorte de rue avec des cartons et des caisses où filent les femmes en attente des marins et où se transpose aussi ce qui est censé être la maison du capitaine Daland. La scène finale, qui voit la destruction de l’environnement urbain et le retour des gigantesques pales de l’hélice (enflammées pour l’occasion), y prend donc aussi place, ce qui à notre sens amoindrit la compréhension du spectateur, voire même annihile la volonté de l’auteur, car il difficile d’y voir l’idée de rédemption que ce dernier voulait y placer.
D’autres décisions de mise en scène changent aussi de manière substantielle la teneur de l’histoire (le timonier emmené par l’équipage fantôme, peut-être comme capitaine de remplacement, un prêté pour un rendu, quand le Hollandais se croît délivré de la malédiction).

Du point de vue des costumes, Daland et ses marins sont habillés en marins (la couleur bleue, la casquette), tandis que le Hollandais est en noir avec un long manteau et ses marins sont des bikers (avec des patchs Flying Dutchman) armés de couteaux et qui chevauchent des motos dont certaines sont dotées d’hélices mouvantes. Les villageoises sont habillées de robes de grands-mères des années 80. Pour ce qui est des voix, le Hollandais a été très bon, assez abyssal, Senta et Daland ont bien tenu leur rang, Mary était assez transparente (avec une présence scénique du même tonneau) et Erik plutôt quelconque. L’orchestre aurait pu être plus puissant (mais c’est peut-être lié au contexte de la création de l’œuvre) mais a très bien servi une partition qui laisse des traces encore de longues heures après le baisser de rideau.

(l’utilisation de la lampe de poche, très bien inscrite dans la mise en scène … 8)