L’Odyssée

Roman d’aventure par un collectif d’auteurs grecs, dont au moins un aveugle.

C’est ton destin.

Les suites sont moins bonnes, c’est une loi d’airain. Après avoir fait un premier long poème sur le thème de la bouderie, le même collectif HObonneMERE nous propose un second poème sur la vengeance. Mais avant que le héros puisse assouvir sa soif de sang et de cervelle éparpillée dans son palais, il lui faut revenir à la maison. Chose peu aisée, qui lui prend dix années, dont la majorité en captivité chez deux femmes, Circée et Calypso. Faire entrer un cheval en bois dans une citadelle ça va, prendre congé après une rencontre c’est plus difficile. Il faut noter qu’à Ithaque, Télémaque ne reste pas inactif et cherche des renseignements sur le sort de son père une fois qu’il est assez grand. Pour cela, il rend visite à deux anciens combattants de la guerre de Troie, Nestor à Pylos et Ménélas à Lacédémone, avec le soutien très actif d’Athéna qui le protège des projets meurtriers de ceux qui courtisent sa mère. Ulysse visite les Enfers, rencontre les Lotophages, perd son équipage petit à petit, mais arrive finalement chez les Phéaciens. Ces derniers, après avoir écouté le récit de ses aventures, lui font de somptueux cadeaux et le ramènent sur Ithaque. Mais instruit par le devin Tirésias en la Maison d’Hadès, il prend ses renseignements incognito (mais toujours avec l’aide constante d’Athéna), se fait passer pour un mendiant avant de finalement faire l’aumône dans son propre palais. Après quelques jours durant lesquels il doit faire appel à tout son self-control, Pénélope propose en fin, de guerre lasse, un concours dont elle épousera le vainqueur : bander l’arc d’Ulysse, puis faire passer une flèche au travers de douze haches. La promesse d’un final à la Tarantino. Qui ne sera pas la fin …

Deux salles deux ambiances chez Homère. L’Iliade, c’est beaucoup de combat dans une ambiance de film de sabres japonais. L’Odyssée fait plus dans les vacances au soleil qui tournent mal : accidents, bagages perdus, compagnons qui font des conneries et disparaissent, beuveries aux conséquences navrantes, locaux antipathiques ou apathiques, chanteurs en cheville avec des naufrageurs … Mais il y a aussi un double voyage, l’un vers sa demeure, l’autre vers la sortie de l’enfance, ce qui est justement à quoi à servi ce texte durant au moins un millénaire. Plusieurs points saillent après cette lecture, toujours dans l’édition de 1961 (Meunier/Sulliger, comme l’Iliade). Ulysse n’est pas toujours d’une folle gratitude (chant XIII, quand les Phéaciens l’ont ramené chez lui et qu’il les soupçonne de ne pas tout avoir débarqué ce qui lui a été donné) et qu’il n’hésite pas dans la justice expéditive : les servantes qui se sont acoquinées avec les prétendants en l’absence du maître sont immédiatement pendues et un berger torturé. Et il raconte des mensonges jusqu’au bout, y compris à son vieux père, avant de réaliser que cela ne sert à rien (ce qui est dramatiquement fort néanmoins). Enfin Pénélope est placée sur le plan de la sagesse au même niveau qu’Ulysse quand les deux se retrouvent. Du côté du texte, on reste dans une traduction datée mais qui a eu l’effet positif de nous apprendre des mots comme « au pourchas » (la poursuite, qui donne pourchasser) ou ce que sont des « ais » (planches). Le choix du mot haruspice pour devin remplit peut-être une fonction métrique dans le texte mais est très déplacé dans le contexte mycénien (p. 859). Mais il y a un rythme et une excellente montée en tension avec les prétendants, sans que tout soit joué ni facile pour Ulysse ou Télémaque. Sans Athéna aux yeux pers …

(Ulysse est déjà de retour à Ithaque à la moitié du livre, au chant XIII …8)

L’Iliade

Epopée par un collectif d’auteurs grecs, dont au moins un aveugle.

Pas dans le livre …

Atride ! quelle parole a fui la barrière de tes dents ? IV, 344

Gilles (à prononcer de manière germanique, ‘Chill) est un chef de bande de Myrmidons à qui un chef de bande plus puissant a repris un cadeau (parce qu’il avait dû contraint et forcé rendre le sien …). Donner c’est donner, reprendre c’est voler, se dit Gilles, et il en conçoit une très grande colère et veut ravoir sa fille aux jolies joues. En conséquence, lui et ses amis restent chez eux et ne participent plus aux algarades qui opposent les bandes de Danaens aux bandes troyennes. Mais comme Gilles est de loin le meilleur combattant (et bénéficiant d’appuis politiques au plus haut niveau politique olympique), lesdits Danaens se retrouvent vite en fâcheuses postures et presque expulsés de leur territoire en bord de mer (du côté d’Antalya). La méchante bouderie ne prend fin que quand son second est tué avec ses armes (cela arrive normalement plus tôt dans un bon scénario) et que le grand boss lui rend son cadeau. Et c’est le chef des bandes troyennes qui trinque à la fin.

Classique des classiques, fondement de la culture grecque et par là donc, méditerranéenne, l’Iliade est une lecture imposée à tout historien antiquisant. Et puis de temps en temps, une petite relecture … Le « de temps en temps » a été un brin long, il nous faut l’avouer. Mais le hasard nous a envoyé un petit rappel, avec la découverte fortuite en pleine rue, à l’étranger, d’un volume en papier bible d’une édition de 1961 réunissant l’Iliade et l’Odyssée. L’occasion de juger de la traduction dans une édition (M. Meunier à la traduction et J. Sulliger pour l’introduction) qui n’a pas été faite pour gagner de nouveaux lecteurs en leur fournissant des explications une fois dépassée une introduction de bon aloi, mais courte. La traduction en elle-même est parfois incompréhensible (Arès qualifié d’«évaporé ») mais elle n’est finalement pas plus mauvaise que d’autres, avec ses tournures déjà datées en 1961. La traduction de Leconte de l’Isle (1886) avec sa mise à distance par les noms propres (Aias, Hèktôr …) ne nous semble pas supérieure.

Quelques éléments nous ont cette fois-ci particulièrement marqué. Le premier est la forte particularité graphique et cinématographique des blessures. Il est même dit que le talon de la lance tremble au rythme des battements de cœur (XIII, 438) ! Le second est la scène du chant VI avec Andromaque, Hector et leur fils Astyanax, scène touchante et intemporelle où Hector enlève son casque pour embrasser son fils apeuré. Troisièmement, la brièveté du combat entre Achille et Hector (surtout si on le compare au passage sur les jeux funèbres de Patrocle). Patrocle aussi, quatrièmement, que l’on ne prend jamais pour Achille (à l’encontre de nos souvenirs) quand il porte ses armes.

Il y a une suite. Nous savons comment sont les suites.

(ah ce beau « fleureter » de la page 456 ! … 8)