Les monades urbaines

Roman de science-fiction de Robert Silverberg.

Quel est le rapport de cette couverture avec la choucroute ?

Mille étages, 3 000 m de hauteur, 885 000 habitants. Après l’effondrement, l’essentiel des habitants de la Terre s’est rassemblé dans ce type de bâtiments imposants appelés monades, laissant l’agriculture à quelques petites communes fortement robotisées qui alimentent ces mêmes monades. Des points de civilisation dans des déserts entretenus par des robots jardiniers, où personne ne va n’y ne désire aller. Grace à cette organisation, l’Humanité compte 75 milliards d’habitants sur Terre au XXIVe siècle. Pour faire tenir autant de personnes en un espace restreint, une organisation socio-spatiale est impérative. Chaque tour est donc divisée en plusieurs villes de manière verticale, peuplées selon les occupations des habitants. Au sommet, dans Louisville pour ce qui concerne la monade 116 qui est le cadre du roman, vit l’élite dirigeante de la tour.

Soi-disant débarrassée des tabous d’avant l’ère urbmonadale, la monade est dominée par la religion de la reproduction, entre liberté sexuelle obligatoire et drogues. Etrangement, le mariage existe toujours. Et quand la population devient trop importante, une partie de cette dernière est envoyée peupler une nouvelle monade.

C’est dans cet environnement que prennent place plusieurs arcs narratifs, avec des personnages liés entre eux d’une manière ou de l’autre. On suit ainsi (dans de nombreuses saynètes) Charles Mattern le socio-computeur, le musicien Dillon Chrimes, l’ambitieux administrateur Siegmund Kluver et sa magnifique femme Mamelon, les jumeaux Micael et Micaela Statler ou encore l’historien Jason Quevedo. La fiction d’un bonheur intemporel qui serait celui de la monade ne survit pas aux toutes premières pages du roman, quand Charles Mattern reçoit un visiteur venu de Vénus pour étudier la société urbmonadale. Déjà le doute s’insinue dans l’esprit du socio-computeur. Mais qui fait acte de rébellion dans un espace fermé (sans extériorité, c’est à dire une monade au sens de Leibniz) est éliminé séance tenante …

Ce roman est à juste titre un grand classique de la science-fiction urbaine. Il doit beaucoup à son époque de production (première publication en 1971), avec son approche littéralement très « sex, drugs and rock n’roll ». R. Silverberg accole même Mick Jagger à Bach et Wagner (p. 104). Il est critique à la fois de la surpopulation (explicite p. 267 et son corollaire la sururbanisation) qui ne peut que déboucher sur un système au mieux dirigiste, au pire totalitaire (p. 137, reconditionnement mental p. 80) couplé à un certain jeunisme (les soixante-huitards ?) que voit peut-être poindre l’auteur. A la page 182, il est même question de parler politique dans un monde qui en semble dépourvu, parce qu’il s’est privé de temps (un contre-exemple p. 187 ?). R. Silverberg intègre aussi dans son monde le problème de la gestion des sols arables, à un moment où le Club de Rome n’a même pas encore publié son rapport sur les limites de la croissance (1972). En allant plus loin dans cette direction, faut-il voir aussi dans ce roman une aversion pour le littéralisme évangélique (croissez et multipliez) ?

La critique antitotalitaire nous semble cependant rester au premier plan. Malgré la monade, malgré la pression sociale de tous les instants, le bonheur est lui-même obligatoire et l’Homme reste l’Homme : il n’y a pas eu de modification génétique après l’effondrement et la construction des monades, comme le montrent aussi les habitants des communes agricoles. La part animale de l’Homme, tout comme sa curiosité, n’ont pas été effacés par la satisfaction assurée de tous les besoins primaires. Les habitants doivent donc survivre, « se déguiser un peu mieux » (p. 177).

Ces thèmes, que l’on peut estimer trop nombreux pour un seul roman, sont admirablement agencés par R. Silverberg pour donner naissance à cette dystopie. Avec très peu de temps morts, une très belle économie de moyens, des articulations fines et des dialogues efficaces, l’auteur est parvenu à donner naissance à un monde où affleure l’explosion.

Ce roman est resté le classique qu’il était déjà au moment de la première publication française en 1974.

(mais pourquoi s’appelle-t-il Siegmund ? …8,5)

Scarlett et Novak

Nouvelle d’anticipation d’Alain Damasio.

The Enemy Within.

Novak se fait courser. Pourquoi ? Il ne le sait. Pour le tabasser ? Le violer ? Son ordiphone l’aide dans sa fuite, le renseigne sur ses poursuivants, lui indique sa fréquence cardiaque, mais lui demande aussi s’il veut partager son nouveau record de vitesse avec ses amis. Est-ce vraiment le moment ? Ou ses poursuivants en veulent-ils à son ordiphone et à son assistante à la voix veloutée, nantie du nom de Scarlett ? Il doit la protéger.

Cette très courte nouvelle d’Alain Damasio (50 pages avec beaucoup de mise en page) est à ranger dans ses œuvres d’anticipation, de très courte anticipation. Elle partage quelques caractéristiques avec nombre de ses autres écrits et s’en démarque par d’autres. Première grosse différence, le texte est moins ciselé. Mais ce ne signifie pas pour autant que ce n’est pas aussi bien écrit que ses autres écrits aux temps de maturation plus long. Pas de formules marquantes cette fois-ci. Au rayon des ressemblances, on retrouvera un monde proche des Furtifs, entre méga-corporations, hyperconnexion, bagues de données et privatisation de la ville. La paternité, thème central des Furtifs, est évoquée dans le poème en fin de volume (Une vie passée à caresser une vitre). Comme souvent encore, la forme rejoint le fond avec un tournage de pages frénétique qui rend très bien l’idée de course.

Quelques habiles références parsèment le texte, renvoyant à d’autres œuvres sur le même thème (Scarlett, pour la voix du film Her sorti en 2013), interloquant le lecteur (pourquoi un personnage s’appelle-t-il donc Davor Suker ?) en cherchant même sa confusion, ou encore faisant référence au premier lieu de publication de la nouvelle (01Darknet pour le site internet 01net, mais avec des modifications dans la version papier, comme à la p. 14).

Un bonbon très agréable, qui veut montrer que la réversibilité n’est pas impossible.

(est-ce que les locuteurs d’une même langue ne peuvent même plus se comprendre à cause de l’envahissante béquille technologique ? … 8)

VALIS

Roman de science-fiction autofictionnelle de Philip Dick.
Existe en français sous le titre SIVA.

Garanti avec chimie.

« But that’s why I started on drugs », Gloria said.
« Because of the Grateful Dead ? »
« Because », Gloria said, » everyone wanted me to do it. I’m tired of doing what other people want me to do ». p. 13

La citation ici mise en exergue résume bien le livre et illustre pleinement l’ambiance du livre : le lecteur ne baignera pas dans le naturalisme. Cela n’a jamais vraiment été le crédo de P. Dick dans toute sa carrière. Mais dans ce livre, l’auteur lui-même est un personnage.

Horselover Fat, auteur de science-fiction, a de gros problèmes psychologiques qu’il essaie peut-être de contrôler grâce aux drogues. Très fortement affecté par la mort par suicide de son amie Gloria, il est gagné par les idées suicidaires qu’il finit par mettre en œuvre. Survivant à sa tentative de suicide, il pense progressivement avoir fait une rencontre avec la divinité, une théophanie, au travers d’un laser rose envoyé par un satellite extraterrestre en orbite autour de la Terre dénommé VALIS. Fat se reconstruit au travers d’une recherche mystique, concluant que le monde est irrationnel et une illusion. Sa vision est corroborée par un film que lui et ses amis vont voir et qui conte comment R. Nixon est remplacé à la présidence des Etats-Unis d’Amérique par VALIS. Qui donc a fait ce film et serait-ce possible que ceux-ci soient en lien avec VALIS ?

Avec toujours la question de savoir si l’auteur endosse ce qu’il écrit, ce roman est, comme parfois dans la science-fiction, un véhicule philosophique. C’est assez crédible (renforcé par la transcription du « traité » écrit par Fat en fin de volume) même si nous ne pouvons juger de l’articulation de tout ce qui est écrit sur les écrits gnostiques de Nag Hammadi, Parménide, de la mystique rhénane ou Boudha. C’est très touffu et pas toujours facile à suivre. Le roman ne se caractérise pas par un scénario magnifiquement agencé mais c’est dialogué de très belle manière, conduisant à une lecture très plaisante. L’irrationalité, un des thèmes centraux du roman (selon Fat, Dieu est l’irruption de la Raison dans un monde irréel et irrationnel p. 81-82), est très bien rendue tout comme les aspects psychologiques (le lien narrateurs/auteur p. 43 ou p. 168 ou la prise en charge des patients en psychiatrie par exemple). D’une certaine manière tous les personnages du roman sont fous et presque tous drogués …

Pour ce qui concerne la caractérisation de l’œuvre, l’autofiction est avérée, au vu des nombreuses autocitations et des notes renvoyant à des œuvres de P. Dick. Pour la science-fiction, c’est plus complexe. Il est certes question d’un satellite venant d’un autre système solaire mais les personnages ne sont pas assurés de son existence dans le roman. De manière intéressante, les théories de Fat reprennent des idées sur les siècles inventés, un rallongement artificiel de la chronologie (p. 182), mais ici ce ne sont pas que les siècles du Moyen-Age qui ont été ajoutés (comme dans la théorie récentiste) puisque l’on serait au début des années 1980 encore dans les temps apostoliques.

Un livre particulier, sur un auteur des années 1960 et ses préoccupations qui débarquent en 1980.

(l’eucharistie chocolat chaud/hot dog, c’est tout de même difficilement interprétable … 8)

Florence Magnin Artbook

Livre d’art sur l’œuvre de Florence Magnin par Chrystelle Camus et Florence Magnin.

Belle alchimie.

Le format mis en œuvre pour John Howe est de nouveau mis à contribution, cette fois-ci au profit de Florence Magnin. Illustratrice depuis plus de 40 années, F. Magnin s’est fait connaître au milieu des années 1980 par ses illustrations pour le magazine de jeux de rôle Casus Belli, pour ses couvertures de romans tant fantasy que SF, mais surtout pour sa mise en images de l’univers d’Ambre (et son très fameux tarot reprenant les personnages du double cycle de R. Zelazny). Mais ce n’est de loin pas la totalité de son œuvre, comme le montre très bien ce livre.

L’ouvrage s’ouvre sur quatorze pages d’entretien, sur les débuts dans le dessin et comment il devient un métier, les premières commandes, les rencontres déterminantes, les méthodes, le style, les influences … Tout annonce de manière chronologique ce que l’on verra par la suite de manière thématique.  Suit un recueil d’œuvres classées par thème et commentées brièvement par l’artiste. Le thème assez général de la fantasy ouvre le bal, comprennent beaucoup de couvertures de romans, puis suivent celles pour des œuvres de science-fiction. La section sur les Cycles d’Ambre ne manque évidemment pas à l’appel (avec Tir Na Nogh’t en double page). Le très fameux Tarot d’Ambre (renvoyant à celui du roman) est présent dans toute sa majesté. F. Magnin a aussi illustré la série Rêve de dragon et son versant ludique. Sa proximité avec le jeu de rôle n’est pas une découverte, mais la diversité des commandes ne cesse d’étonner (réjouissante affiche publicitaire La Petite Boutique). La partie cartes revient avec d’autres tarots, voir même des jeux « classiques » à thèmes folkloriques ou des jeux de société (Citadelles, un jeu de l’oie), mais nous ignorions que l’artiste avait aussi approché le jeu vidéo. Quant à ces planches de personnages historiques à découper …

Des productions à destination de la jeunesse, sur Halloween et Noel, font un petit intermède avant de parvenir à un autre pôle de la production de F. Magnin : la bande dessinée. L’artiste ne cache pas que tout ne va pas souvent aussi vite que l’on le voudrait pour produire des centaines de pages et que la technique idoine a mis des années à être trouvée. Le volume (plus de 200 pages, avec plus de 600 illustrations) s’achève avec quelques commandes inclassables, des crayonnés, des œuvres au feutre, des essais avec d’autres techniques comme l’huile et l’aquarelle (dont l’intrigant Le Reflet p. 189) avant de passer à ce qui est la spécialité première de F. Magnin (et qui l’a conduite au monde des cartes) : la miniature.

Ouvrage très dense, avec des commentaires d’une grande sincérité (déboires, espoirs), il ravira les fans et tous les amoureux des illustrations de fantasy. Un livre qu’il faut par contre lire avec une lumière adéquate, sous peine de passer à côté de nombreux détails qui sont justement le sel de F. Magnin. Ce livre a aussi les quelques défauts que l’on avait déjà rencontrés dans le volume consacré à John Howe par la même maison d’édition : certaines informations sur les œuvres manquent (ce n’est donc toujours pas un catalogue, ce qui serait ici encore plus compliqué, avec ce qui semble être une masse bien plus grande d’œuvres), et c’est criant pour les œuvres qui entrelardent l’entretien du début. Il a aussi été fait le choix de ne pas inclure d’œuvres destinées à un public plus adulte, mais le lecteur peut tout de même comprendre dans certaines pages que cela existe aussi. Toujours des choix et des contraintes de place mais in fine un panorama très complet et du plaisir à chaque page, qu’il ait son origine dans les références subtiles (Piranèse ou Böcklin par exemple), l’étrangeté (les scènes subaquatiques), une interprétation innovante d’une œuvre écrite, une mise en page ou un agencement permettant l’évasion ou encore tout simplement la nostalgie et le rappel de plaisirs anciens.

(la fête chez F. Magnin a toujours son revers inquiétant … 7,5)

 

Dune, le Mook

Livre magazine sur l’univers du cycle de Dune sous la direction de Lloyd Chéry.

Pratique pour lire la nuit.

A mi-chemin entre le livre et le magazine (un mook donc), l’ouvrage rassemble 78 articles sur l’univers de Dune à l’occasion de ce qui devait être la sortie d’un nouveau film issu du roman de Frank Herbert à la fin 2020. Mais le coronavirus est passé par là, la sortie du film a été repoussée. Le projet cependant a été mené à son terme avec des auteurs de grande qualité et a donc pu rejoindre nos mains. Les aspects abordés semblent presque exhaustifs tellement le spectre est large : la vie de l’auteur, les personnages, la musique des jeux vidéo, la tentative Jodorowsky, la chimie du Mélange, une interview du réalisateur Denis Villeneuve … Un foisonnement dense, multicolore, érudit et surprenant.

Les articles sont organisés en cinq parties. La première est logiquement consacrée à Frank Herbert, comment il en vînt à Dune, quelle fut la réception du roman aux Etats-Unis et en France. L’éditeur Gérard Klein, le traducteur Michel Demuth et l’iconique illustrateur Wojtek Siudmak sont interviewés. La seconde partie essaie de caractériser le roman, avec la question linguistique, la place de l’épice, à la fois comme métaphore du pétrole mais aussi comme drogue, la géopolitique dans l’Impérium, la condition de mentat, le réalisme des créations herbertiennes et la place des Fremen dans l’œuvre.

La partie suivante rassemble les études des personnages du roman, de manière très fouillée. La diversité des auteurs est ici moindre que dans les autres parties, mais l’analyse est de haut vol. La partie suivante se concentre sur la postérité du roman, hors du cycle de Frank Herbert lui-même. Il y a donc les films (avec leurs mythes, les musiques originales et les litiges qu’ils ont pu faire naître), les bandes dessinées, les jeux, les séries et les jeux vidéo. C’est cette partie qui contient le seul texte de fiction du recueil, sur ce qu’aurait pu être la réception du film de A. Jodorowsky.

La dernière partie rassemble des réflexions thématiques sur le roman. La génétique, le féminisme, la spiritualité, l’écologie, les relations avec la Guerre des Etoiles et le Trône de Fer, la classification du roman dans la SF, voici quelques thèmes parmi d’autres abordés dans une partie qui se ferme avec un article de l’auteur R. Hobb.

Il y a là un très gros travail, tant du côté du contenu que de la forme. Côté articles, la diversité est de mise, avec des auteurs bien choisis et un intéressant panachage entre actualité et extraits de productions d’époque (l’entretien avec A. Jodorowsky par exemple). L’ouvrage a un a priori favorable pour le film non encore sorti de D. Villeneuve mais ce n’est pas l’eau tiède qui règne sur l’Imperium. Conséquence du format adopté (et nous y reviendrons), beaucoup d’articles paraissent cependant bien courts. Les auteurs n’ont pas été brimés dans leurs critiques et si Brian Herbert a été interviewé, il n’est pas épargné par les récriminations à d’autres endroits. Aucun contributeur ne semble en dessous du lot ou déplacé et chaque nouvelle page tournée apporte son lot de découvertes. Et s’il faut vraiment faire ressortir quelques articles qui nous ont le plus marqué, ceux sur les mentats et la guerre (M. Goya), sur la biophysique du ver (J.-S. Steyer), sur la planétologie (R. Lehoucq), sur les jeux vidéo et sur la comparaison avec la Guerre des Etoiles ont en font assurément partie.

Pour ce qui est de la forme, le pari de produire un objet situé entre le livre et le magazine est pleinement réussi (sur 250 pages). Effet positif premier, cela permet de placer un nombre très important d’illustrations en couleur, de varier la pagination, d’accorder fond et forme (la couleur sable de la police quand il est question de ver ou d’épice). Conséquence éventuellement négative de cette mise en forme, la lecture de certains articles peut être rendue pénible sous certains types d’éclairage (la couleur sable justement).

Toutes les illustrations ne proviennent pas du film de D. Lynch mais d’autres sources, là encore nombreuses et variées, ont été mises à contribution. La présentation des auteurs pour chaque partie, sur une double page, avec leurs portraits est une contribution bienvenue à leur seule (petite) notice biographique. La reliure de type « suisse », très surprenante au premier abord, permet une lecture à plat qui est un vrai luxe pour apprécier au mieux ce que cet ouvrage de passionnés (pour passionnés) propose. Un objet très soigné, en symbiose avec le texte (une seule coquille repérée).

Un bel objet, support d’une analyse très plaisante et approfondie.

(nous sommes moins convaincus par la revanche des sorcières que représenterait le Bene Gesserit p. 64 … 8/8,5)

Ravage

Roman de science-fiction de René Barjavel.

Pas que le lait qui finit par terre.

Elle avait ces traits reposés et cet âge indéfini des femmes à qui les satisfactions de l’amour conservent longtemps la trentaine. p. 12

Paris, 2052. La ville a d’une certaine manière appliqué le plan Voisin (p. 23). Entourée d’autoroutes, desservie par des bus aériens, munie de lignes de métro sur cinq niveaux, d’énormes tours ont été de plus construites, sur le modèle corbuséen. La ville a absorbé tout son environnement, les cimetières ont été remplacés par des conservatoires domestiques des morts. Elle est ceinturée de jardins et de fermes, mais au-delà, c’est le désert, ou plus exactement une savane jaunie par une température caniculaire. De l’autre côté de cette savane, une autre ville et ainsi de suite. Il n’y a quasiment plus de campagne, rien que des villes, congestionnées de voitures, minérales et étouffantes.

François Deschamps et Blanche Rouget, deux amis d’enfance, viennent d’un de ces endroits reculés en Provence, éloignés de tout, où l’on cultive encore à l’ancienne, dans la terre et pas dans ces usines agroalimentaires qui pourvoient à tous les besoins des villes. François étudie à Paris pour devenir ingénieur agronome (et est peintre amateur) et Blanche y poursuit aussi sa scolarité (ménagère). Mais Blanche a été sélectionnée pour devenir la prochaine vedette de la station de télévision Radio-300, tout en éveillant l’intérêt du directeur Jérôme Seita, un homme richissime et influent. Ce dernier, sentant que François est un danger pour ses plans concernant Blanche, fait capoter l’admission de François et couper l’eau et l’électricité de son logement déjà spartiate (très bohême par ailleurs).

Au moment où doit débuter la soirée qui doit lancer la nouvelle vedette, une panne d’électricité générale arrête l’activité citadine, démagnétise les aimants (qui garnissent aussi de nombreux habits) et rend inutilisables les objets ferreux … Plus rien ne fonctionne et plus rien ne se remet en marche. Plus de locomotion, plus de télécommunication, plus d’eau courante, plus d’usine d’alimentation … La catabase commence.
François part retrouver Blanche pour la sauver du cataclysme qui engloutit inexorablement la civilisation quand les besoins primaires ne peuvent plus être assouvis dans une ville moloch.

Le thème de ce livre est maintenant à la mode et il est assez étonnant que personne n’ait déjà fait un film avec un tel scénario, alliant la science-fiction à quelques éléments fantastiques. La classification de l’œuvre elle-même peut varier dans le temps : en 1943, c’est clairement de la science-fiction mais en 2021, on peut voir un glissement vers l’anticipation (liseuses dans les trains p. 20, parmi d’innombrables exemples). Plein d’inventions de 2052, sans doute étonnantes au moment de l’écriture, nous sont déjà connues mais surtout l’aspect climatique est aujourd’hui moins rocambolesque.

Au niveau de l’écriture, on est dans un récit cru, un peu manichéen dans certaines oppositions (François et Jérôme), parfois sans trop d’épaisseur dans les personnages (Blanche perd beaucoup de temps d’action au cours du livre par exemple, disparaît presque une fois partie de Paris) et avec un héros qui se révèle du jour au lendemain, passant du gentil garçon provincial (et vieux moraliste p. 70) au survivant parfait logisticien et prêt à tout, jusqu’au meurtre de sang-froid, pour parvenir en Provence (et s’échapper de Sodome et Gomorrhe, p. 175-176 ?).

Le texte est parsemé de références plaisantes, tout en ironie. Les artistes et les médecins n’évitent pas les piques (p. 25-26 par exemple) et quand on parle de vivre dans « l’ère de Raison » (p. 16), on sait que cela va mal tourner ! On a quelques petits moments absurdes (une photographie du cuirassé Strasbourg dans la chambre de Blanche p. 37, même si au vu du contexte on peut aussi interpréter différemment ce motif). L’expression est poétique, mais beaucoup moins que dans L’Aube des temps (voire ici), mais c’est aussi 25 ans d’expérience qui entrent en jeu chez l’auteur. Des « défauts » de jeunesse que l’on peut aussi voir à notre sens dans quelques trous d’air du récit, qui ne font pas tourner les pages aussi vite que l’on pourrait le vouloir.

L’influence de mai-juin 1940 semble immense dans ce roman, avec par réfraction, celle de 1918. La fin d’un monde, c’est clairement ce qui est vécu en France et à Paris à l’été 1940. L’exode, la privation, l’abandon, l’ensauvagement, tous sont d’actualité à des degrés divers trois ans avant la parution de ce livre, avec son corolaire du retour à la campagne, voire à la terre. Est-ce pour autant un livre pétainiste ? Certes, l’auteur est très féroce avec le gouvernement (ses ministres baroques, son chaos, son incompétence, ses militaires archaïques p. 186) dans lequel on pourrait reconnaître une Troisième République (vue par les collaborationnistes ?). Mais l’alternative proposée, une fois la cendre retombée, n’est pas non plus une Arcadie hors du temps. Si l’on pousse un peu et que l’on met de côté l’antimachinisme, on pourrait presque y voir quelques bouts de Führerprinzip (p. 299-300) … On ne peut pas dire que la réapparition d’un roi-prêtre à la mode mésopotamienne après la tabula rasa soit auréolée de la préférence de l’auteur (dans le traitement ironique de la nouvelle organisation sociale, dans ce retour à l’Age de Bronze p. 298-299). A lui aussi, son pouvoir est limité et la fin de l’histoire n’est qu’une illusion. Mais nous racontons déjà bien trop de la fin du roman, tout en désirant en dire beaucoup plus sur ce roman plein de pépites (le bon temps de 1939, p.86).

Ce que R. Heinlein craint dans Waldo en 1942 se réalise la même année dans Ravage.

(l’auteur fait détruire sa propre ville de naissance p. 296 … 6,5)

Isabel des feuilles mortes

Nouvelle de science-fiction de Ian MacLeod.

Un phare à éons.

Le monde de Gezira a subi un terrible conflit, la Guerre des Lys. Beaucoup des survivantes, puisque ce monde semble majoritairement féminin, sont recueillies par des cultes en les sortant de la mendicité pour les y intégrer comme acolytes.
Isabel est de celles-ci, intègre l’Eglise de l’Aube et elle devient Chanteuse de l’Aube après son noviciat. Ni laide ni moche, ni intelligente ni bête, elle se fond dans le décor. Rien ne la distingue. A tel point, alors que pourtant sa fonction demande un aveuglement, elle conserve la vue sans que personne ne le remarque. Jeune Chanteuse, elle a en charge le fonctionnement d’un phare à déflecteur sur une île isolée, devant grâce à ses miroirs (et comme partout sur cette planète à l’éternel été) apporter la lumière du soleil dans une vallée.

Son phare jouxte la Cathédrale du Mot, et dans la cour de celle-ci, aperçoit-elle en contrebas une danseuse le jour où un de ses miroirs a un défaut d’alignement. Voulant s’excuser du désagrément causé par la baisse de l’intensité lumineuse, elle descend et rencontre Genya, l’une des Bibliothécaires de cette grande bibliothèque qu’est la Cathédrale. Les deux jeunes femmes vont faire découvrir l’un l’autre leur univers (avec une suggestion de plus) sans penser que leurs deux églises gardent très jalousement leurs secrets … Un châtiment terrible s’abat sur chacune des deux femmes mais leur rencontre, légendaire depuis, a peut-être engendré du changement sur Gezira.

Cette très courte nouvelle de 37 pages ne semble avoir d’autre objectif que de compléter un peu le monde qu’utilise l’auteur dans deux autres œuvres, plus grosses. Et par son côté apéritif, cette nouvelle prend naturellement place dans un livre hors-série qui se déclare promotionnel : la seconde partie, sensiblement égale à la première en nombre de pages, est entièrement consacré à la présentation du catalogue de la collection. La qualité du texte, inédit, n’en est pourtant pas amoindri et quelques mots suffisent à mettre en place ce conte dans un monde aveuglé de lumière et accablé de chaleur, clairement orientalisant (minaret, chant à l’aube, langue arabe etc.), propice à la poésie. Cette histoire est-elle peuplée d’allégories ? Notre sentiment est que justement c’est l’inverse qui est l’objectif visé et que I. MacLeod veut mettre en scène le non-remarquable, tout en permettant de penser qu’une relation forte (de quelque type que ce fut), interdite à cause de son implication sur la bonne marche du monde, peut avoir une influence. Ou alors que c’est la punition qui fait changer le monde, et non pas la relation, au travers de l’acceptation par les autres qu’emporte l’exemple fait ?

(l’auteur aime donc la lumière … 7)

24 vues du Mont Fuji, par Hokusai

Roman de science-fiction de Roger Zelazny.

Brumes et encre de chine.

Encore un petit retour auprès d’un auteur que l’on n’avait pas eu le plaisir de côtoyer depuis très longtemps. R. Zelazny propose ici un roman qui base sa structure sur vingt-quatre estampes de Hokusai, chacune d’elles représentant un paysage comprenant le mont Fuji (parmi les 46 que compte la série). Ce sont ces estampes, ainsi que le fantôme du peintre, qui accompagnent l’héroïne dans son voyage. Mari, l’héroïne en question, accompli une sorte de pèlerinage autour du mont Fuji pour retrouver où s’est tenu le peintre. Ainsi, elle se prépare à rencontrer son ancien époux, pas vraiment mort puisqu’il s’est transféré dans le réseau et y bénéficie de pouvoirs divins. Le trépassé sait se faire pressant et envoie de fréquents rappels. Il l’a décidé, elle doit le rejoindre. Toujours en vue du Fuji, à pied ou dans une barque de pêcheurs, Mari se remémore des pans de sa vie, se prépare à l’inéluctable rencontre puisqu’il y a des réseaux partout, même dans les lieux les plus retirés.

Superbe idée que de se baser sur la plus internationale des productions iconographiques japonaises du début du XIXe siècle pour écrire un roman qui se déplace lentement, à pied, sujet aux éléments et aux rencontres. La poésie, centrale et puissante, ne se limite pas au registre champêtre et la bruine néonisée a une odeur de Blade Runner. Les références (allusives ou directes et qui sont sans doute aussi un peu celles de l’auteur) font plus qu’abonder, elles déferlent. Mais c’est précisément le but, le trop-plein avant l’absence. Le changement d’ère. Quelques mots en japonais achèvent de transporter le lecteur, qui pour une fois n’est pas à Seattle, mais pas non plus dans un Japon de préjugés. On attend finalement très longtemps avant de savoir quel est l’état d’avancée technologique du monde, avec ce qui permet au livre d’atteindre l’intemporalité.

Est-ce que ce livre aurait gagné à comprendre des reproductions des estampes citées ? Au-delà du coût de production (et des objectifs de la collection), il est difficile de trancher la question. Il est probable que les descriptions et comparaisons faites par le narrateur perdraient ainsi leur force et, d’un autre côté, le réseau peut justement y pourvoir …

Court, efficace, inspiré. Et donc justement détenteur du Prix Hugo 1986.

(ah cette odeur de poisson, de vieux prêtre et d’île sortant de l’eau que l’on peut sentir de loin p. 50-53 et qui finit dans le kawaï … 8,5)

Waldo

Roman de science-fiction de Robert Heinlein.

Téléphone maison !

Il y a de nombreuses années qu’une œuvre de R. Heinlein ne nous soit pas passée sous les yeux. Celle-ci date de 1942, ce qui au vu du contenu, démontre une clarté de vision étonnante. Nantie d’un prix Hugo Retro, elle est pour la première fois traduite en français.

Dans ce monde, l’énergie est distribuée sans fil. Mais pour l’entreprise distributrice, la North-American Power Air, les orages noirs s’accumulent depuis que des moteurs tombent en panne sans explication. Si jamais cela arrive aux machines qui gèrent l’énergie des villes, ce sera la catastrophe. Pour résoudre ce problème épineux, il n’y a plus qu’une solution : faire appel à Waldo Forthingwaite-Jones, génie parmi les ingénieurs. Parmi ses innombrables inventions et brevets figurent les mains télécommandées, que leurs utilisateurs appellent par son nom, des waldos. Waldo, lui, vit en orbite à cause d’une myasthénie, loin des Hommes qu’il méprise. James Stevens (peut-être le frère de Jean-Pierre) est envoyé parlementer avec Waldo. Parlementer, parce que Waldo considère que la North-American Power Air lui a volé des brevets il y a quelques années et qu’il a la dent dure. Autant dire que cela démarre mal pour Stevens, qui bénéficie néanmoins de l’appui du seul ami de Waldo, son médecin et oncle de substitution Augustus Grimes. Convaincu par ce dernier (et par la démonstration de sa dépendance envers la Terre, puisqu’en matière spatiale le bas tient le haut), Waldo accepte de se pencher sur le problème. Il est beaucoup moins simple qu’il n’y parait, Mais un vieil homme dans le Middle-West pourrait avoir trouvé une solution pour refaire démarrer un moteur tombé en panne …

Détail très intéressant du roman, le médecin Grimes s’inquiète de radiations qui affaiblissent les Hommes. Ce faisant, R. Heinlein prend de l’avance sur les thématiques nucléaires qui parcourront la science-fiction des années 50 et 60. Avant cela, même si l’on connaît avec Marie Curie les effets négatifs que peut avoir la radioactivité, on a un regard très positif sur ce phénomène naturel. On fait des cures de bains radioactifs … Le roman est de plus un mélange d’éléments un peu vieillis (le style, bien rendu par la traduction, un léger racisme p. 130) avec d’autres qui n’ont pas pris une ride, ou si peu, comme la vie en apesanteur (difficultés pour les animaux) et le difficile retour sur Terre après un long séjour spatial. Comme souvent chez Asimov, les logements sont souterrains. Mais il est ici difficile de dire que c’est à cause d’une trop grande pollution en surface ou pour préserver la nature. On peut même penser que c’est pour améliorer la circulation … Le personnage principal étant un handicapé, c’est là un élément plus inhabituel. Par contre, le traitement qui est fait de ce trait peut poser question, puisque finalement on pourrait penser que, dans le futur, ce pourrait être la faute des malades s’ils ne sont pas danseurs et neurochirurgiens.

Pour finir, une chose bien vue, c’est que le développement des sciences engendre un développement de la magie (ou de la pensée magique). R. Heinlein n’est pas qu’un observateur du développement technique, il a aussi de belles intuitions psychologiques. Quiconque recherche sur internet des documentaires sur les pyramides (où qu’elles soient) en conviendra.

(une société de fatigue chronique p. 28 … 7)

Comment parle un robot ?

Les machines à langage dans la science-fiction
Essai de linguistique computationelle de Frédéric Landragin.

Certains sont même bavards !

F. Landragin nous avait déjà défriché la théorie de la communication avec les extraterrestres. Ici l’auteur se retrouve au plus près de son activité professionnelle (qui n’est donc étrangement pas la communication avec les Ewoks …) : faire parler des machines. Dans la science-fiction, quelque soit le média, il est de très nombreux exemples de machines (souvent des robots) parlantes, entre l’obséquiosité irritante de Z-6PO (alias C-3PO) et le laconisme brutal de Terminator. Mais comment ces robots ont-ils appris à communiquer ? Peuvent les robots que nous produisons aujourd’hui atteindre le niveau que les auteurs de SF proposent ?

Avant les cinq chapitres de ce livre, l’auteur veut clarifier ce qui distingue l’Intelligence Artificielle (IA) du Traitement Automatique des Langues (TAL). Le TAL est tout simplement une partie de l’IA (elle-même des quantités de règles sur une base probabiliste, avec plusieurs manières d’y arriver p. 29-30), c’est la rencontre de la linguistique et de l’informatique.

Le premier chapitre veut faire comprendre au lecteur ce qu’est une intelligence artificielle parlante. Avant tout, il faut s’entendre sur ce qu’est l’intelligence, dont l’acception est très liée à la capacité langagière. Après, il faut pouvoir l’évaluer. Les tests de Turing et de Winograd viennent ici remplacer les tests de QI et de QE (p. 55). Et on voit dans la comparaison entre Skynet (l’IA de Terminator) et DART (l’outil de gestion logistique de l’Armée de Terre étatsunienne, qui a quelques besoins de ce côté-là avec des centaines de bases de par le monde) que la réalité est loin de la SF (p.56). AlphaGo bat des humains au jeu de go (après avoir perfectionné son jeu grâce à des milliers de parties) mais est incapable de planifier un itinéraire. Dans la réalité, l’ultra spécialisation règne.

Le TAL s’appuie sur la linguistique, le thème du second chapitre. Après quelques définitions et quelques évocations de querelles historiographiques, F. Landragin passe en revue les différents aspects ou axes d’approche : lexical, syntaxique, sémantique, détection des entités nommées (les noms propres) et ce qui est au-delà de la phrase. A chaque fois, des exemples très pédagogiques, généraux et tirés de la SF, illustrent ces concepts. La répétition et la question de la mémoire (à quoi se rapportent les pronoms et les articles ?) dans le texte sont en effet des phénomènes très compliqués à rendre au niveau informatique (en indexation par exemple).

Dans le chapitre suivant, on sort de l’écrit pour aborder la reconnaissance vocale, la question des émotions, de la cognition, des inférences (comment gérer l’expression d’une sous-conséquence, p. 142, c’est-à-dire quand dans une conversation une ou plusieurs étapes logiques sont sautées) et la question de l’omniscience des machines (qui n’ont pas d’esprit critique p. 147, puisque si c’est dans la base de donnée c’est forcément vrai). Puis dans le quatrième chapitre, il est question du traducteur universel, un artefact assez présent dans la SF. Dans le traducteur universel (non-organique), c’est bien sûr de la linguistique mais aussi de la statistique que l’on utilise. Là encore, la réalité est loin de la fiction et l’auteur liste ce que les possibilités actuelles permettent et ne permettent pas. Il est évident que la traduction automatique de La disparition de G. Perec est très très loin des capacités contemporaines (p. 169).

Dans le dernier chapitre, F. Landragin aborde le dialogue humains-machines, en commençant par les différents modes de communication (texte, voix, indications, etc.). Les machines sont très parlantes dans la SF mais tous les problèmes théoriques n’ont pas été utilisés dans les scénarios, selon l’auteur (il n’y aurait aucun scénario prenant pour argument principal un problème de contextualisation p. 200). La conclusion se veut prospective, avec comment des robots peuvent apprendre une langue naturelle. Les notes, la bibliographie et un index des notions complètent ce livre avec grand intérêt.

Comme nous avions déjà pu le voir quand l’auteur s’intéressait à la communication avec les aliens, F. Landragin a un bagage très sérieux en ce qui concerne la SF, quel que soit le média (et L. Besson n’est pas en odeur de sainteté p. 49). Malgré certains aspects techniques pointus, l’auteur essaie toujours d’être pédagogue et réussi à l’être. La page 159, qui vise à expliquer une difficulté rencontrée par la machine, est exemplaire de ce point de vue : les mots « petite », « brise » et « glace » sont-ils des noms, des verbes ou des adjectifs ? Comment traduire dans ce cas « la petite brise la glace » ? Une petite fille qui sur un lac veut atteindre l’eau ou un vent qui la refroidit ? C’est en arrière-plan la question du « bon sens » et comment on peut l’enseigner à une machine, c’est-à-dire comment faire intégrer la culture, la cosmogonie, sur laquelle est appuyée la langue. C’est déjà très compliqué avec les humains …

Ce livre permet aussi de mieux comprendre comment fonctionnent les traducteurs aujourd’hui accessibles sur internet et quel est l’origine de leur corpus d’apprentissage (les traductions juridiques multilingues et normées de l’Union Européenne par exemple, p. 80). Les questions de l’indexation et du résumé sont aussi facilement appréhendables par le lecteur qui utilise des résultats de ces processus chaque jour quand il est sur internet.

Un très bon livre, pour s’y retrouver entre le petit robot Nao, la voix du film Her et les assistants domestiques.

(ne surtout pas confier l’éducation d’un chatbot à des internautes … 8)