Histoire romaine I

Des origines à Auguste
Manuel d’histoire romaine sous la direction de François Hinard.

Durera aussi longtemps que la louve.

Il faut parfois rafraîchir ses connaissances. Autant le faire avec ce qui se fait de mieux comme manuel d’histoire romaine francophone en relisant le fameux Hinard. Publié pour la première fois en 2000, il en est actuellement à sa dixième réédition, et comme à l’évidence les ventes étaient appréciables en grand format, la version de poche n’est sortie qu’en 2023. La seconde partie avait aussi pris son temps avec une parution en 2021 (en poche en 2023).

La répartition entre les deux volumes est sans aucune surprise : le second volume s’attache à l’Empire (à partir de 27 av. J.C.) et donc le premier volume additionne les rois et la République. Au sein de ces deux périodes, les quatre auteurs, tous enseignants à la Sorbonne au tournant du millénaire, se répartissent de manière chronologique les chapitres. D. Briquel ouvre le bal avec la période allant de la fondation mythique au IVe siècle, puis G. Brizzi couvre l’expansion romaine jusqu’aux guerres puniques, avant que F. Hinard ne poursuive jusqu’aux guerres civiles du Ier siècle. J.-M. Roddaz ferme la marche pour l’embrasement final à l’échelle de la Méditerranée et au-delà.

L’impression de tour de force à la première lecture est toujours là. En à peine plus de 900 pages, soit environ 1,2 page par année, le lecteur est embarqué avec entrain dans une histoire dont les conséquences sont encore sensible d’une quantité de manières dans notre monde actuel. Et avec une hauteur de vue qui n’est comparable, sur une période plus resserrée, qu’au manuel de J. Heurgon Rome et la Méditerranée occidentale jusqu’aux guerres puniques. La bibliographie elle-même est un monument (malgré sa non actualité), et les cartes et illustrations sont au niveau de l’ensemble. Ce qui cette fois-ci nous a par contre sauté aux yeux, c’est le style particulier des auteurs. J.-M. Roddaz semble, par exemple, aimer les remarques pince sans rire comme à la p. 857 : «  Une chose est claire au moins : une fois qu’Antoine eut quitté Alexandrie à la fin de l’hiver de 40, il demeura quatre ans sans voir Cléopâtre. On a connu des amoureux plus impatients. »Si la coordination a été de haute volée, il n’y a pas eu de nivellement du style. Parfois, cela confine à la beauté et à la concision des auteurs antiques, comme à la p. 819 : « […] un groupe de nobles [envisagea] de tuer le tyran à défaut de penser à supprimer les causes de la tyrannie. »

Ce livre se dévore, il est très compliqué de le reposer.

(Octave n’apparaît pas comme quelqu’un de sympathique dans ce livre … 8,5/9)

The Children of Ash and Elm

A History of the Vikings
Manuel de vikingologie par Neil Price, traduit sous le titre Les Enfants du frêne et de l’orme. Une histoire des Vikings.

Bien plus que des bouts de mêtal en tas.

Hervath, Hjorvath, Hrani, Agantyr !
Je vous réveille tous sous les racines des arbres,
avec casque et cotte de maille, avec épée aiguë,
avec bouclier et harnais, avec lance rougie.
Vous, fils d’Arngrim, violente race,
avez grandement changé depuis l’amoncellement de la terre.
Le Réveil d’Agantyr, cité p. 234

Après avoir produit un des livres les plus excitants dans les études nordiques des dernières décennies, le même auteur décide de produire un manuel sur les Vikings. Comment résister ? Nous n’avons pas pu.

Et grand bien nous fit. Le sujet est certes beaucoup moins resserré que dans The Viking Way mais la sensibilité de l’auteur, sa distance scientifique vis-à-vis de son sujet et la qualité de sa plume sont toujours là. Et s’il y a moins de passages romancés (de petites saynètes apparaissent ci et là) et qu’un seul dessin de Ƿórhallur Ƿráinsson, c’est pour laisser de la place à tout ce qui doit être dit entre le VIe siècle (les conséquences au Nord de la fin de l’Empire romain en Occident) et le XVe siècle (la fin de la colonie groenlandaise). Et ceux qui ont espéré que tout démarre avec la mise à sac du monastère de Lindisfarne (en 793 p. C.) devront attendre 200 pages et la seconde partie de l’ouvrage. Chez N. Price, il y a d’abord une mise en place qui a pour but premier de permettre au lecteur de se faire une juste image des sociétés norroises au VIIIe siècle et de bien être clair sur le fait les Vikings ne sont pas des démons sortis de l’Enfer et que tout le monde sait qui sont ses voisins.

Commençant avec une introduction générale mais très loin d’être bateau (ou drakkar ?) sur les sources et les intentions de l’auteur, N. Price attaque directement avec le but de l’archéologie cognitive : que pensent les gens qui ont produit les objets que l’on retrouve en terre ? Pour cela, il part de la mythologie nordique pour esquisser le paysage mental des Norrois d’avant la christianisation (et éventuellement de quelques restes après). Comme dans The Viking Way, l’auteur ne se limite pas à un tableau simpliste de dieux mais évoque tous les types d’êtres invisibles avec qui les hommes partagent la Terre (Midgard), mais aussi tout ce qui constitue un humain pour un Norrois (hamr, hugr, hamingja et fylgja).

Puis N. Price entame sa progression chronologique avec le Ve siècle, celui qui voit l’effacement de Rome (une puissance connue en Scandinavie et pas si éloignée si l’on prend pour point de départ le limes en Frise) et les mouvements de populations germaniques. L’éruption du volcan Ilopango au Nicaragua en 536 et 539/540 a de dramatiques suites en Scandinavie de par les conséquences des rejets dans l’atmosphère des deux irruptions sur une agriculture très extensive (sur peut-être 80 ans, avec des différences régionales marquées p. 77). Les structures sociales en sont modifiées et le mythe du long hiver (Fimbulwinter) comme annonciateur du Ragnarǫk y puise peut-être même son origine. La moitié de la population de Scandinavie peut avoir péri.

De ce cataclysme naît la culture de la halle, avec ses bancs, son foyer central et le siège du maître des lieux, le tout destiné à la réception de visiteurs et de poètes (p. 95). C’est « la civilisation, la lumière, la renommée, l’honneur, la mémoire, l’histoire et la joie. Au delà de ses portes, comme dans Beowulf, et dans ce dernier défonçant ces mêmes portes, sont les monstres du chaos et de la nuit » (p. 96). La plus grande de ces halles atteint les 80 mètres de long (à Borg dans les Lofoten), soit un bâtiment aussi long que la cathédrale de Trondheim achevée au XIVe siècle.

L’auteur continue son exploration de la structure sociale du monde scandinave entre la chute de Rome et le VIIIe siècle dans un troisième chapitre qui traite de la ferme comme unité de base (et de tout ce qui fait sa vie quotidienne comme la nourriture), du mariage et de la polygynie, des liens politiques et d’amitié. De manière étonnante, l’habillement (jamais avec des poches p. 135) est bien moins connu que l’on ne le croit, comme ont pu le montrer des découvertes récentes de figurations métalliques (p. 126-132).

Mais il est un fait qu’il ne faut pas oublier, et qui, s’il est bien présent dans les sagas, l’est beaucoup plus rarement dans les ouvrages de vulgarisation, c’est qu’économiquement, tout cela repose sur l’esclavage, à un niveau élevé et pour une grande variété de fonctions. Mais après tout, c’est aussi l’objectif des raids de Vikings par la suite …

Après avoir dans tout un chapitre et de manière très vaste abordé la question du genre dans la société norroise (Odin le queer p. 173, un grand paradoxe), N. Price propose une nouvelle brique dans sa construction avec l’organisation politique des différentes entités scandinaves, entre roitelets et assemblées législatives et judiciaires, ce qui conduit à la question de l’alphabétisation (pas négligeable p. 192) mais aussi à celle des bateaux et des changements de types dans les mers septentrionales. La voile fait son apparition vers 750 en Baltique et le dessin évolue dans le sens d’une meilleure tenue à la mer, pour pouvoir affronter les océans. Le septième chapitre explore ensuite un autre versant des nouvelles élites nées au Ve-VIe siècles, celle de la fonction sacrée (avec certaines fusions entre halle et temple (p. 211), mais aussi plus généralement comment les populations norroises rencontrent les autres habitants invisibles de la Terre. Sacrifices, magie, mises en scène, les moyens sont innombrables. Tout comme les modes d’inhumations (du moins ceux visibles p. 226) que N. Price détaille du simple trous dans le sol au grand style qui classe son homme : le bateau-tombe. Mais ce grand homme peut aussi être une femme, comme à Oseberg. L’auteur détaille aussi les difficultés de la crémation, qui nécessite des personnes spécialisées (p. 230) et où seule une partie, voire une toute petite partie, de ce qu’il reste du corps est enseveli (p. 231-232).

Puis, à ce point du livre, après 270 pages de ce qui pourrait être une introduction s’il l’on a mauvais esprit, arrive pour le lecteur le premier chapitre sur le phénomène viking (pour commencer cette seconde partie). Et tout semble plutôt commencer dans la Baltique vers 750, avant de toucher la Mer du Nord dans le cadre de changements politiques et commerciaux locaux (les marchés en Europe et en Scandinavie) mais aussi avec des incitations personnelles comme la gloire, la richesse, l’acquisition de partenaires sexuels et les ordres des Rois de la Mer (saekonungr p. 300 : un chef, une armée, pas de terres, des pirates donc), sans plan d’ensemble (p. 333).

Mais avec le temps, les forces commencent à collaborer entre elles, comme coalescent les pouvoirs politiques en Scandinavie même. Ce se sont plus des raids de quelques jours avec un seul bateau, ce sont plusieurs équipages, qui finissent par rester plus longtemps parce qu’ils ne sont pas chassés (mais toute expédition n’est pas un succès non plus …). En 865 débute la conquête et la colonisation de l’Angleterre par la « Grande Armée Païenne » (qui se déplace avec femmes et enfants). La Francie (coût astronomique des rançons p.351), l’Irlande puis jusqu’en Méditerranée et à Madère (p. 377), Ladoga, Kiev, Alexandrie et Constantinople de l’autre, mais N. Price n’oublie évidemment pas les Feroés, l’Islande (où les hommes sont scandinaves mais beaucoup de femmes irlandaises, p. 380-381), le Groenland et l’énigmatique Vinland (avec souvent les mêmes gens à l’Est comme à l’Ouest). Parallèlement naissent des royaumes au Nord et la christianisation progresse (les petits marteaux de Thor en pendentifs semblent être une réaction à la croix).

En 1408 est célébré le dernier mariage connu au Groenland. La colonie locale a presque disparu et c’est ainsi que pour l’auteur prend fin la période viking (relation ahurissante du 600e anniversaire avec un descendant p. 501-502).

Que ce manuel fera date est l’évidence même. Tout y est : érudition historique, articulation entre les différents types de sources, qualité littéraire très au dessus du lot, facilité de lecture. Alors certes, la présentation des références n’étanche pas la soif de précision du spécialiste mais cette présentation des références/notes s’étend sur 60 pages et est aussi bien écrit que le reste. Les illustrations, assez nombreuses pour ce type de production, sont intelligemment choisies. Mais surtout ce livre est l’incarnation de ce que doit montrer l’archéologie : les gens derrière l’artefact. Et c’est tout particulièrement le cas, dans un mode presque émotionnel, avec des objets simples, comme ces moufles d’enfants reliés par un fil trouvés en Islande (p. 135-136), mais sans jamais oublier que l’auteur est un scientifique.

Au moins une gemme par page, un éblouissement continu.

The Vikings were back the following year, and they knew what they liked : isolated, undefended, but very rich monastic houses. (p. 282)

(et qui donc était conseiller historique de la série télévisée Vikings ? …9)

Les quatre guerres de Poutine

Recueil de chroniques sur la Russie entre 2015 et 2018 de Serguei Medvedev.

Sic. Saignement oculaire.

Les dernières initiatives des législateurs russes s’inscrivent dans la droite ligne idéologique de la tradition politique nationale où l’histoire est servante du pouvoir, une ressource de plus à la disposition de l’État, au côté du blé, des fourrures, du pétrole et d’une population résignée. Comme on dit, le passé de la Russie est imprévisible. p. 283

Il est difficile de savoir qui lit ou peut lire en Russie les chroniques de S. Medvedev qui sont rassemblées dans ce livre (et peut-être initialement parues dans le média en ligne Radio Svoboda). Par contre on sait que l’auteur n’écrit plus depuis la Russie. Parce que au vu des propos peu amènes, il est fort à parier que S. Medvedev n’y habite plus à l’heure actuelle, vu qu’il est encore libre. Mais il y vivait encore en 2018 quand ce livre est paru pour la première fois et a pu observer son pays après la conquête de la Crimée. Historien spécialiste de l’époque post-soviétique, S. Medevedev est très bien placé tant par son expérience personnelle que par ses connaissances pour décrire la trajectoire de la Russie depuis la fin de l’URSS.

Et cette trajectoire est définie par quatre axes qui forment une partie importante de la politique de V. Poutine depuis au moins quinze ans (le discours fondateur de 2007 à Munich a acquis une autre résonance encore depuis février 2022) : le premier est territorial, le second se situe dans l’ordre du symbolique, le troisième est biopolitique (au sens de M. Foucault) et enfin le dernier se concentre sur le champ mémoriel, celui où même le passé n’est plus sûr.

Avec ce livre, S. Medevedev décrit une Russie toujours malade de l’URSS, un pays qui n’arrive pas à tourner la page des années 1980. Son personnel politique actuel en vient en ligne directe il faut dire. Mais c’est aussi une Russie qui n’a pas accepté la fin des colonies. Ce qui a aidé la France, en comparaison, pour passer le cap au début des années 1960, c’est qu’elle n’était pas une puissance nucléaire forte de milliers de têtes en compétition directe avec les Etats-Unis. Et donc depuis, une bonne partie de la population et de la classe politique russe vit dans le souvenir, une obsession qui pousse même à se comparer défavorablement à l’une d’elles, l’Ukraine, ce qu’aucune ancienne grande puissance colonisatrice n’avait jamais fait (p. 338). La politique territoriale est étroitement lié au champ symbolique, puisqu’il faut ajouter des terres à l’empire tout en montrant son exceptionnalisme au monde. Sur ce point, le culte de la Victoire contre le nazisme (excellente description p. 129) joue un rôle de premier plan, notamment dans la qualification de l’ennemi. En vérité, qui n’est pas aligné sur la Russie est forcément héritier du nazisme. Une réécriture de l’histoire est forcément nécessaire dans cette optique, couplée à une recherche obsessionnelle de l’exemple étatsunien sur lequel se baser : pourquoi les Américains et pas nous (p. 75, p. 79 sur la conduite de la guerre technocentrée en Syrie) ?

La biopolitique quant à elle se retrouve sous plusieurs aspects dans les chroniques de S. Medevedev. Le premier est la tentative de redressement démographique de la Russie, avec son corollaire de discrimination à l’encontre des homosexuels. Mais font aussi partie du panel l’utilisation des athlètes (le dopage d’État et sa découverte) et la représentation corporelle du président Poutine. L’auteur y voit un signe de l’état de la Russie : il faut démontrer sa vigueur et l’inquiétude se fait jour en cas d’absence du président (ou d’absence de communication). Comme au Moyen-Age, le corps est nécessaire au fonctionnement de l’État mais c’est aussi une ressource, comme le montre très clairement la guerre en Ukraine et la mobilisation partielle. Avec le passé comme horizon, la politique mémorielle est centrale. Le révisionnisme règne en maître, mais l’inertie aussi (p. 294, avec le botox du président). Ainsi, le goulag n’existe presque plus, la Grande Purge se réduit à des blagues … La fin du libre, d’une grande qualité littéraire comme beaucoup des chroniques, est emblématique : un officier révolutionnaire décembriste de 1825 revient en décembre 2015 à Moscou pour être arrêté par la police anti-émeute et être renvoyé en Sibérie …

Très plaisant à lire, le livre souffre cependant d’une traduction pas toujours parfaite même si les notes de l’éditrice sont d’un grand secours pour expliquer les allusions à la politique intérieure russe où à l’histoire que distille l’auteur. Le style est très mordant et c’en est jouissif et pas au détriment d’informations étayées, même si l’auteur ne peut pas être non plus dans la parfaite objectivité. En creux et de manière involontaire, il montre aussi certains éléments culturels russes qui peuvent exercer un appel sur le public français, comme par exemple la question linguistique (p. 175-179).

Y a-t-il quelque chose à retrancher en 2023 de ce que S. Medvedev a observé entre 2015 et 2018 ?

(en 2015, la charia orthodoxe à Donetsk p. 51 dans une comparaison juste et folle … 8,5)

The Greeks Overseas

Their Early Colonies and Trade
Essai d’archéologie et d’histoire grecque de John Boardman.

Ils vont de ville en ville.

Cet ouvrage écrit par J. Boardman en 1964 est resté un classique pour tout ce qui touche à la colonisation grecque sur une bonne partie du pourtour méditerranéen, de la Propontide et de la Mer Noire. Dans la quatrième édition de 1999, l’auteur a ajouté un épilogue qui évalue sa production de 1964, tous les autres chapitres ayant été repris à l’identique (y compris les mentions de Léningrad comme lieu de conservation de certains artefacts). La période visée est identique aux livres de Robin Lane Fox (en 2010) et A.J. Graham (en 2011) que nous avions déjà croisés dans ces lignes et va du VIIIe au VIe siècle avant notre ère (des derniers feux de la période géométrique au début de la période classique).

Une très petite préface présente cette quatrième édition avant de passer au premier chapitre, tout de méthodologie des sources, suivi d’un chapitre sur le contexte, sur ce qui se passe entre la fin des grands centres mycéniens et le début de la colonisation. Le troisième chapitre est consacré à la présence grecque sur la côte levantine et son arrière-pays, avec une place spéciale pour la colonie d’Al-Mina, située dans l’estuaire de l’Oronte. Cette dernière serait à l’origine de l’orientalisation de l’art grec au VIIIe siècle. Autant dire que les liens entre la Grèce et la côte levantine sont constants et très importants, mais pas uniquement dans le sens Est-Ouest. La Lydie, la Phrygie (l’influence en matière de musique se retrouve encore aujourd’hui dans des noms de gammes) et la Perse ne sont pas en reste.

Le chapitre suivant nous transporte plus au sud encore, en Egypte. L’Egypte n’est pas une terre de colonisation, mais les rois locaux ont permis l’installation de quelques établissements habités par des Grecs (certains sont des camps de mercenaires) dont le plus célèbre est la ville commerçante de Naucratis (fondée vers 600 a.C., comparable à Shanghai d’avant la Deuxième Guerre Mondiale p. 132), entreprise conjointe de plusieurs cités dans l’Ouest du delta du Nil, à 70 km de la mer. L’influence égyptienne en matière d’architecture monumentale et de statuaire de grande taille n’est plus à démontrer, mais l’auteur rappelle que cette influence peut aussi se voir à Délos avec l’allée de lions renvoyant directement à celles des sphynx menant à certains temples égyptiens (p. 145). Le chapitre se poursuit ensuite plus à l’Ouest, avec la Lybie et la Cyrénaïque, le domaine de colons plus tournés vers la terre que le commerce.

Le cinquième chapitre est celui consacré aux fondations en Italie du Sud et en Sicile. Les Eubéens sont là encore parmi les premiers à envoyer des colons vers l’Ouest. Vers 770 a.C., Pithekussai est fondée face à la côte campanienne, juste avant Cûmes et les colonies qui contrôlent le détroit de Sicile. Doriens, Rhodiens et Crétois suivent en Sicile, précédant les Achéens et des Spartiates tout au Sud de la péninsule. Syracuse (fondée par les Corinthiens en 734 a.C. selon Thucydide) poursuit le mouvement en fondant elle-même des colonies sur une bonne partie de la côte sicilienne. Des cités d’Asie Mineure achèvent le maillage colonial à la fin du VIe siècle avant notre ère. Mais si les Grecs s’installent en Campanie, ce n’est pas seulement pour la richesse des terres, c’est aussi pour les marchés intéressants qui s’offrent à eux (les Eubéens ne sont pas à Ischia pour le vin et les hôtels nous dit l’auteur p. 168). Chez les Etrusques par exemple, ils obtiennent du minerai en échange de leurs productions de céramiques (souvent produites spécialement). Les Phéniciens sont présents en Sicile et en Espagne, et avec eux aussi les échanges sont soutenus, avec des étapes dans le Sud de la France. Marseille est fondée vers 600, mais a sans doute été précédée par une fondation rhodienne non loin (p. 217).

Le chapitre suivant revient vers l’Est pour se diriger vers la côte thrace en passant par les îles de l’Adriatique et atterrir dans la Propontide et la Mer Noire. Il y a là encore un essaimage, sur tout le pourtour, jusqu’au fin fond de la Mer d’Azov. Les Samiens et les Milésiens sont à la manœuvre, mais Athènes aussi finit par lancer quelques entreprises à destinées stratégiques. La rencontre avec les Scythes est pleine de fruits que l’on peut retrouver jusqu’en Europe centrale. L’ouvrage s’achève sur la destinée des colonies du Pont devant l’avancée perse de la fin du VIe siècle, et l’on voit que l’on peut faire un parallèle entre Vercingétorix et Miltiade (en tant qu’Athénien exilé à Sigée). Les deux sont un temps au service de leur futur adversaire (p. 266).

Dans l’épilogue J. Boardman revient, 35 ans après la première parution, sur ce qu’il a écrit pour corriger certaines affirmations. Depuis 1964, non seulement de nombreuses choses ont été publiée (c’est la non-publication qu’il fustige déjà p. 11, pire que les pilleurs) mais surtout la fin de l’URSS a permis une communication bien plus aisée avec de nombreux chercheurs en plus de l’accès à de nombreux artefacts. Exercice d’humilité par toujours évident avec un chercheur de ce calibre, mais ce dernier ne sape pas l’œuvre de sa vie. Il prend acte de l’état des connaissances en 1999 (et nul doute qu’une nouvelle édition en 2021 verrait un second épilogue du même tonn… amphore).

De ce fait, une bonne partie des critiques que l’on peut faire à ce livre fondamental sur la question (à l’amplitude géographique ahurissante, aux illustrations par centaines et écrit sans les moyens de communication du XXIe siècle) tombe avec cette dernière partie. Nous ne suivrons pas l’auteur sur l’uniformité du statut de colonie vis-à-vis de sa métropole (p. 163, en suivant A.J. Graham), ni sur les Grecs comme seules sources artistiques des Etrusques pour la période orientalisante (p. 199). Sur ces mêmes, J. Boardman est partisan en 1964 du fait qu’ils ne comprennent pas les mythes grecs (p. 200), ce en quoi nous disconvenons (en suivant N. Thomson de Grummond). Il corrige dans l’épilogue sa vision des villes côtières étrusques sur l’Adriatique et la Mer Tyrrhénienne (mais pas son analyse erronée de la plaque Campana de la p. 206).

Des détails sur les fondations auraient été appréciables, mais l’axe est très archéologique et ajouter du texte sur chacune des colonies déjà décrites aurait alourdit de beaucoup. Pour ses seules parties sur la méthodologie et les changements historiographiques entre 1964 et 1999 (sur les Phéniciens toujours plus sexy que les Syriens p. 273 au sujet d’Al Mina, sur l’influence assyro-lydienne en architecture p. 278, sur les dangers du structuralisme et de l’abus d’analogie p. 282), au début de l’ouvrage ainsi qu’à la toute fin, ce livre vaut d’être ouvert.

Le reste, et quel reste, c’est déjà du bonus, signé par le plus grand céramologue hellénisant vivant.

(il est toujours plaisant de réentendre parler de Tiglath-Pileser III p. 44 …8)

 

Pourquoi perd-on la guerre ?

Un nouvel art occidental
Essai de géopolitique de Gérard Chaliand.

Encore des pièces de jeu d’échecs …

L’objet de ce livre est de trouver des explications au fait que les Etats occidentaux perdent les guerres qu’ils déclenchent depuis 1945. Mais pour comprendre pourquoi l’Irak et l’Afghanistan sont des échecs (le livre sort en 2016), l’auteur revient sur la période de la seconde d’expansion coloniale à partir du XVe siècle et la conquête britannique de l’Inde. Ces guerres coloniales sont des conflits asymétriques, où des Occidentaux bien mieux armés mais très peu nombreux rencontrent des armées bien plus nombreuses. Et malgré quelques défaites, la victoire finale est toujours revenue aux Occidentaux, comme en atteste la carte du monde en 1939. Et une fois la conquête achevée (or cas très rares), cette minorité reste très grande : 70 000 Britanniques gèrent tout le Raj indien à la fin du XIXe siècle (p. 37).

Quelles sont alors les raisons du succès (second chapitre) ? Pour l’auteur, il y a d’abord la méconnaissance des conquis, même ceux qui étaient en contact avec eux avant la Révolution Industrielle. En plus de cela, les divisions des colonisés sont nombreuses face à des troupes ramassées. En cas de résistance asymétriques, les guérillas n’ont ni aide extérieure ni sanctuaire où elles pourraient se regénérer, ce qui les mène au désastre. Les armés d’invasion ont le temps pour eux et les opinions publiques sont très loin et très peu informées, le tout combiné à une démographie vigoureuse (qui est donc moins sensible aux pertes). Les pertes ennemies et les dommages collatéraux ne sont pas un problème (la terre brûlée p. 48).

Mais en trois générations, les vaincus ont appris de leurs vainqueurs, ont compris qui ils étaient, se sont mis à leur école. C’est d’une certaine manière le cas en Turquie et en Indochine, la Première Guerre Mondiale étant un tournant, les années 1930 en étant un autre (contestation du fait colonial en Europe). La remise en cause de l’ordre établi par le Japon en Asie achève de convaincre les peuples colonisés qu’il est possible de renverser la table. Une idéologie mobilisatrice va fournir le carburant des guérillas puis des guerres révolutionnaires : le communisme. La Malaisie est le seul exemple de contre-insurrection victorieuse, mais les Britanniques avaient promis l’indépendance s’ils étaient victorieux (p.93). Pour l’auteur, avec la guerre du Viêt-Nam, l’affaire est entendue : les Occidentaux ne peuvent plus gagner, parce qu’ils ne le veulent plus. Ils sont sans volonté impérialiste, « l’asymétrie majeure est idéologique » (p. 99).

Suivent deux études de cas : L’Afghanistan et l’Irak. Pour l’Afghanistan, G. Chaliand rappelle l’influence saoudienne, la révolution iranienne, l’échec soviétique, l’arrivée au pouvoir des Talibans et les facilités qu’ils procurent à Al-Qaida, pour finalement traiter très rapidement les évènements postérieurs à septembre 2001. L’Irak procure un intermède, avec les erreurs commises par les faucons du gouvernement étatsunien (abolition de l’administration, utilisation des exilés, les sociétés militaires privées en roue libre). La guerre en Irak empêche de mener à bien les opérations en Afghanistan où la situation se bloque, entre retour des Talibans et jeu trouble du Pakistan. L’échec irakien va nourrir la guerre civile syrienne qui commence en 2011. Toutes les puissances y mettent leur grain de sel (et la Russie ne fut pas la dernière) et les médias occidentaux se font les auxiliaires de l’Etat Islamique en diffusant en continu sa propagande (p. 156).

La conclusion résume le propos du livre avant de passer à quelques perspectives d’évolution, qui se révèlent plutôt justes en 2021 (moins la présidente étatsunienne à partir de 2017 …). Contrairement aux prévisions (p. 164), les Kurdes sont bien allés jusqu’à Mossoul. S’ils ont été payés de retour est une autre question …

L’intérêt du présent ouvrage vient principalement des expériences personnelles que l’auteur y fait passer. G. Chaliand n’a jamais arrêté d’être un baroudeur (depuis 1954) et les deux cas étudiés en détail à la fin sont nourris par ses voyages sur place, où il peut jeter un regard expert sur les forces en présence (p. 137). Quand on a connu Amilcar Cabral, le Viêt Minh, la Colombie, le Haut Karabagh et le Kurdistan iranien, on peut avoir un avis sur les guérillas contemporaines. La forme est plus problématique, entre italiques agressifs et certaines phrases mal relues (la ponctuation incompréhensible p. 82). Le texte est très oral, on entend littéralement l’auteur parler et cela conduit parfois à des phrases bancales.  Cela participe néanmoins à l’objectif vulgarisateur du livre. L’adjectif « humilié » est un peu trop souvent accolé à la Chine par ailleurs. Sans appareil scientifique, l’ouvrage est globalement plaisant à lire et offre un très bon condensé sur le pourquoi de la relative inefficacité occidentale, sur l’état actuel de l’Afghanistan et sur la zone géographique qui va de la Méditerranée à l’Iran. Grand changement depuis 2016 et la parution du livre, le gouvernement de Damas a maintenant les choses bien en main en Syrie.

(J.F.C. Fuller comme auteur récent p. 49, c’est relatif … 6,5)

Une histoire de la Nouvelle-France

Français et Amérindiens au XVIe siècle
Essai d’histoire culturelle française et orientalo-canadienne au début de la période moderne par Laurier Turgeon.

Et finalement si peu de gens …

La fondation de Québec en 1608 peut sembler être la première étape de la colonisation française en Amérique du Nord. Mais c’est faire fi des 80 années qui séparent cette importante fondation des voyages de Jean de Verrazane et Jacques Cartier, qui ne furent pas que tournées vers les conflits européens. Et même avant 1524, qui peut dire où naviguèrent les pêcheurs bretons, normands et basques quand ils cinglèrent vers le Nord-Ouest …  Des navires firent voile vers les terres nouvellement découvertes, pour y pêcher et incidemment rencontrer les habitants des lieux. Tout comme en Europe, les rencontres ne sont pas toutes pacifiques, mais après des objets, les deux groupes échangent bientôt des mots.

Pour conduire son étude, Laurier Turgeon a choisi quatre biens qui sont échangés (ou prélevés sans opposition) par les Français et les Amérindiens (de groupes divers, sur la façade atlantique comme plus à l’intérieur des terres) : la morue, la peau de castor, le chaudron en cuivre et les perles de verre.

L’introduction est un modèle du genre, avec une claire énonciation des buts du livre : les Amérindiens ont aussi des objectifs au travers du commerce et ne voient pas les objets échangés de la même manière que les Français (ou les Européens de manière générale). Ici, l’auteur veut faire voir les conséquences de l’échange dans les deux cultures (p. 13), ce qui lui semble beaucoup trop rarement fait. Ces « biographies des objets » ne sont possibles qu’en utilisant les sources écrites et archéologiques provenant des deux côtés de l’Atlantique. Ce qui importe pour l’auteur c’est l’appropriation, la consommation (au sens physique, celui fortifiant le corps), la réattribution de fonction et la domination qui en découle. Mais ceci pour les deux groupes.

Ainsi en premier lieu la morue. Au XVIe siècle, elle est importée en grande quantités en France alors qu’elle n’est consommée que très marginalement au Moyen-Age. Comme ce poisson ne rentre pas vraiment dans le régime de la plupart des groupes indiens de la côte, il n’y a pas de concurrence avec les pêcheurs européens. Profitant de plusieurs voyages exploratoires anglais et portugais de la fin du XVe siècle, des Normands vont faire des repérages à Terre-Neuve dès 1506. Puis en 1508, le premier navire dieppois est armé pour la pêche et deux ans plus tard on a la première mention dans les archives d’un navire breton vendant sa cargaison à Rouen. En 1517, on en a la mention à Bordeaux et les Basques se mettent de la partie eux aussi, à partir de 1512. Le nombre de bateaux impliqué augmente rapidement pour atteindre la centaine dans les années 1520, de même que les différents ports d’attache. En 1580, il y aurait 500 navires français pêchant la morue de Terre-Neuve (p. 36).

Très loin d’être un espace marginal, Terre-Neuve est un pôle qui fait jeu égal avec les Antilles et qui représente le double de la mobilisation en hommes et en navires de l’Amérique du Sud. Pour pouvoir sécher le poisson et extraire la graisse, les pêcheurs s’installent à terre et bientôt naissent des établissements saisonniers (on ne pêche que l’été), puis permanents. Une activité proto-industrielle s’y déploie pour vider, découper, saler et sécher le poisson (un seul pêcheur peut en prendre jusque 400 dans la journée, p. 41). Mais la pêche à la morue verte se pratique tout entière à bord du navire, pendant 12 semaines. Tout ceci exige un capital très important, avec des réseaux de financement complexes. Le produit de la pêche est distribué dans tout le royaume, et toutes les couches de la population mangent de la morue (mais pas les mêmes parties. Son exotisme est partie intégrante de la valeur qu’on lui prête et elle participe au système des denrées coloniales, principalement vivrières, qui asservissent le Nouveau Monde.

Avec le castor, les rapports avec les Amérindiens sont forcément moins fortuits ou épisodiques. Le castor n’est pas inconnu en Europe, on l’appelle bièvre au Moyen-Age (mot gaulois et latin, en allemand Bieber et en anglais beaver) mais à partir de 1587, le mot grec castor le remplace en français (p. 147). Plus intellectuel, et devant dénommer une nouvelle réalité exotique. Largement consommé par les Indiens (viande et peau), il est échangé avec les Français pour se procurer des objets métalliques (haches, couteaux, chaudrons etc.) et des perles de verre. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le commerce des peaux passe d’occasionnel lors de la pêche (commerce dit de pacotille, c’est-à-dire hors contrat d’armement, p. 94) à organisé. Les « conquêtes » du castor et de la morue (terme d’époque, révélateur de la colonisation pour l’auteur p. 141) sont étroitement liées, souvent combinées en une expédition de plusieurs navires (p. 125). Si avec le castor, on échange d’autres peaux (orignal, cerf, caribou, loutre et martre), la part du castor est prépondérante et est transformée en France pour assouvir la formidable demande en chapeaux, manteaux, doublures et manchons. En miroir de son usage au Canada …

La fin du chapitre porte de manière très intéressante sur le castor utilisé comme métaphore politique au XVIIIe siècle, dans une discussion sur les mérites de la république et de la monarchie (p. 153-158).

Le troisième chapitre traite des chaudrons de cuivre échangés contre les peaux (mais on en exporte aussi en grandes quantités en Afrique p. 165). Le cuivre vient de toute l’Europe pour la fabrication des chaudrons, mais d’objet usuel banal en Europe, il se pare d’un statut tout autre arrivé dans les mains indiennes, rituel (p. 179-182), et chasse le cuivre produit localement (p. 168). Les chaudrons servent lors des grandes occasions (« faire chaudière ») mais aussi pour des inhumations. Certains sont découpés pour en faire des bijoux mais continuent de signifier la collectivité.

Dernier chapitre et dernier objet, les perles de verre. Là encore, cette production n’est pas extrêmement valorisée en France et ces perles ne se retrouvent que dans les couches basses de la population. Comme pour les chaudrons, du fait de leur exotisme, leur statut est diamétralement opposé parmi les Indiens d’Amérique du Nord, avec une autre utilisation (moins sur les habits, plus près du corps et avec des significations complexes). De fait, ces mêmes Indiens voulaient ces perles et considéraient ces échanges comme justes (vue hémiplégique p. 162). Les perles de verre sont très recherchées, mais celles en coquillages ne le sont pas moins et la très grande majorité de celles retrouvées dans les fouilles sont d’origine européennes (p. 194). L. Turgeon établit un parallèle entre Europe et Canada, où pierres précieuses et perles de verre sont investies des mêmes significations et d’une même valorisation des origines lointaines (p. 218).

La conclusion sacrifie aux thèmes actuels de restitutions d’artefacts par les musées et l’auteur parle de la réappropriation par les institutions « euro-canadiennes » (archéologues, gouvernements) des artefacts retrouvés lors de fouilles, dans une « resacralisation muséale » (p. 223-224). Mais il donne tout de même quelques éléments sur la naissance de l’intérêt pour l’archéologie des Peuples Premiers. Suivent les notes, conséquentes, et une bibliographie.

Nous avons eu du mal avec certains concepts utilisés par l’auteur, notamment celui de l’appropriation de l’espace par la nourriture (p. 62), mais pour un lecteur très novice dans les choses septentrionales des Amériques, ce livre est excellent en plus d’être d’une grande clarté. Sa facilité de lecture doit grandement au talent de L. Turgeon pour passer d’un sujet à l’autre sans à-coups à l’intérieur des chapitres. Avec quelques petites redites inévitables, les quatre chapitres se veulent assez autonomes et permettent une lecture séquencée (p. 113). On apprend bien évidemment une quantité astronomique de choses, comme la présence d’Indiens en France dès les années 1540 (p. 130) qui permettront le dialogue une fois revenus mais aussi que c’est le contact avec les Européens qui crée les contacts entre tribus indiennes (p. 201) pour l’échange des biens européens.

La relecture a connu quelques ratés négligeables (p. 164 par exemple) et, point plus embêtant, un index manque à ce volume.

Une belle fenêtre sur les relations entre deux groupes qui se connaissent de plus en plus, jusqu’à que les Français deviennent une tribu comme les autres au Canada au début du XVIIIe siècle, au travers de la Grande Paix de Montréal en 1701. Une poignée de gens aventureux et qui resteront peu nombreux dans un territoire immense.

(les objets européens font vite des milliers de kilomètres, on en retrouve très vite dans l’Ontario p. 129 … 8,5)