La logique de l’honneur

Gestion des entreprises et traditions nationales
Essai de sociologie et d’anthropologie culturelle en entreprise de Philippe d’Iribarne.

Il est des choses qui ne se font pas.

Les entreprises ne peuvent être coupées de la société dans laquelle elles sont implantées, même si elles n’y ont pas de clients. Elles ne font pas qu’y baigner, elles sont aussi traversées par elle et les traits culturels qui l’anime, au travers des relations avec l’Etat (même si celui-ci est minimal) et de ses employés. Ces derniers ont des habitudes et des attentes qui peuvent être difficilement cernables par une hiérarchie qui n’arriverait pas s’adapter car, comme dans les exemples du présent livre, venue du pays où la multinationale a son siège. L’homo economicus est universel, mais ce n’est pas le même partout. S’il n’y a pas de dialogue selon les mêmes règles au sein de l’entité, cette dernière ne peut qu’aller mal même si la direction est fermement convaincue que la méthode est la bonne, parce qu’elle est la plus moderne et que d’autres disent l’avoir appliquée avec succès (mais ailleurs).

P. d’Iribarne a pu, au sein d’un même groupe industriel français, comparer trois usines fabriquant la même chose à l’aide des mêmes techniques : l’une en France, l’autre aux Etats-Unis et la dernière aux Pays-Bas. Pour chaque usine, l’auteur présente ses observations et le fruit de ses entretiens avec le personnel, de l’ouvrier au directeur, dans les secteurs de la fabrication et de l’entretien (le commercial et l’administratif sont exclus de l’étude). Puis, pour chaque pays, une fois arrivé à de premières conclusions au niveau de l’usine, l’auteur cherche à dégager ce qui dans l’histoire de chacun des pays, et donc dans sa propre culture, a pu conduire à des visions nationales différenciées en matière de gestion des relations humaines dans l’entreprise et dans la société. Enfin, pour chaque pays, l’auteur détaille les avantages et les inconvénients de chaque système tout en proposant des solutions pour « faire avec » aux personnes en responsabilité.

Le « faire avec » c’est accepter qu’en France, au centre des relations entre personnes se trouve l’honneur, que chacun défend son pré carré (et celui de son ordre, avec des références à Tocqueville p. 74 et Montesquieu p. 77) de toute ingérence en attendant de soi-même une attitude la noblesse (mais des autres aussi, selon leurs statut). La peur c’est de déchoir (devenir ignoble, comme par exemple devenir esclave du gain p. 34-35), de devenir serviteur au lieu de librement rendre service (p. 107). Ni les hérésies ni la Révolution n’ont réussi à faire passer la France d’une Liberté issue des coutumes à une Liberté procédant de la Loi (p. 86-87) …

Aux Etats-Unis, le contrat est central. On travaille librement pour quelqu’un, à l’image des Pères Pèlerins qui établirent leur organisation par contrat. Mais d’un autre côté, l’ancienneté dans l’entreprise joue un rôle premier pour tout un tas de choses (postes en cas de réorganisation, primes) et les rôles sont définis très précisément (rendant l’initiative et la responsabilisation plus compliquée). Direction et syndicat appliquent le contrat triennal. Aux Pays-Bas, c’est la concertation qui est le moteur des relations. Un contremaître y doit consulter toutes les parties, subordonnés comme supérieurs, et recueillir leur assentiment avant d’introduire des changements (ce qui peut être problématique en cas de changement rapide nécessaire). S’il n’y a pas de grève, que l’on élève très rarement la voix, l’opposition se manifeste par l’absentéisme.

Le livre a été écrit en 1989 et cela se sent un peu. Certains termes font un peu vieillis (contremaître déjà, « Silicon Valley » employé sans article défini p. 181) et on est revenu depuis un bon bout de temps de la nippomanie de la fin des années 1980 et du début des années 1990 (et parallèle du début de la déflation dans le pays, duquel il n’est toujours pas sorti). On y parle encore de computer … D’autres éléments n’ont pas perdu de leur force avec les années. La « Me Generation » des années 1970 n’a pas été qu’un bref épisode (p. 197) et la critique du court-termisme par l’auteur n’a pas besoin d’être actualisée pour faire effet en 2021 (p. 183). Il en est de même des gourous entrepreneuriaux (p. 194). On sent bien la présence de l’auteur dans le texte (rien d’anormal pour de l’ethnologie), avec par contre quelques petites redites qui pourraient être prises par moment pour un peu de délayage. Les traductions de l’anglais sont de plus souvent bancales (par exemple p. 193).

Un ouvrage terriblement éclairant sur la société française, la vie en entreprise et ses propres réactions.

(en France, la prédestination du talent couronnée par le concours a remplacé celle du sang, mais c’est toujours de la prédestination p. xxix … 8,5)

Florence Magnin Artbook

Livre d’art sur l’œuvre de Florence Magnin par Chrystelle Camus et Florence Magnin.

Belle alchimie.

Le format mis en œuvre pour John Howe est de nouveau mis à contribution, cette fois-ci au profit de Florence Magnin. Illustratrice depuis plus de 40 années, F. Magnin s’est fait connaître au milieu des années 1980 par ses illustrations pour le magazine de jeux de rôle Casus Belli, pour ses couvertures de romans tant fantasy que SF, mais surtout pour sa mise en images de l’univers d’Ambre (et son très fameux tarot reprenant les personnages du double cycle de R. Zelazny). Mais ce n’est de loin pas la totalité de son œuvre, comme le montre très bien ce livre.

L’ouvrage s’ouvre sur quatorze pages d’entretien, sur les débuts dans le dessin et comment il devient un métier, les premières commandes, les rencontres déterminantes, les méthodes, le style, les influences … Tout annonce de manière chronologique ce que l’on verra par la suite de manière thématique.  Suit un recueil d’œuvres classées par thème et commentées brièvement par l’artiste. Le thème assez général de la fantasy ouvre le bal, comprennent beaucoup de couvertures de romans, puis suivent celles pour des œuvres de science-fiction. La section sur les Cycles d’Ambre ne manque évidemment pas à l’appel (avec Tir Na Nogh’t en double page). Le très fameux Tarot d’Ambre (renvoyant à celui du roman) est présent dans toute sa majesté. F. Magnin a aussi illustré la série Rêve de dragon et son versant ludique. Sa proximité avec le jeu de rôle n’est pas une découverte, mais la diversité des commandes ne cesse d’étonner (réjouissante affiche publicitaire La Petite Boutique). La partie cartes revient avec d’autres tarots, voir même des jeux « classiques » à thèmes folkloriques ou des jeux de société (Citadelles, un jeu de l’oie), mais nous ignorions que l’artiste avait aussi approché le jeu vidéo. Quant à ces planches de personnages historiques à découper …

Des productions à destination de la jeunesse, sur Halloween et Noel, font un petit intermède avant de parvenir à un autre pôle de la production de F. Magnin : la bande dessinée. L’artiste ne cache pas que tout ne va pas souvent aussi vite que l’on le voudrait pour produire des centaines de pages et que la technique idoine a mis des années à être trouvée. Le volume (plus de 200 pages, avec plus de 600 illustrations) s’achève avec quelques commandes inclassables, des crayonnés, des œuvres au feutre, des essais avec d’autres techniques comme l’huile et l’aquarelle (dont l’intrigant Le Reflet p. 189) avant de passer à ce qui est la spécialité première de F. Magnin (et qui l’a conduite au monde des cartes) : la miniature.

Ouvrage très dense, avec des commentaires d’une grande sincérité (déboires, espoirs), il ravira les fans et tous les amoureux des illustrations de fantasy. Un livre qu’il faut par contre lire avec une lumière adéquate, sous peine de passer à côté de nombreux détails qui sont justement le sel de F. Magnin. Ce livre a aussi les quelques défauts que l’on avait déjà rencontrés dans le volume consacré à John Howe par la même maison d’édition : certaines informations sur les œuvres manquent (ce n’est donc toujours pas un catalogue, ce qui serait ici encore plus compliqué, avec ce qui semble être une masse bien plus grande d’œuvres), et c’est criant pour les œuvres qui entrelardent l’entretien du début. Il a aussi été fait le choix de ne pas inclure d’œuvres destinées à un public plus adulte, mais le lecteur peut tout de même comprendre dans certaines pages que cela existe aussi. Toujours des choix et des contraintes de place mais in fine un panorama très complet et du plaisir à chaque page, qu’il ait son origine dans les références subtiles (Piranèse ou Böcklin par exemple), l’étrangeté (les scènes subaquatiques), une interprétation innovante d’une œuvre écrite, une mise en page ou un agencement permettant l’évasion ou encore tout simplement la nostalgie et le rappel de plaisirs anciens.

(la fête chez F. Magnin a toujours son revers inquiétant … 7,5)

 

The Greeks Overseas

Their Early Colonies and Trade
Essai d’archéologie et d’histoire grecque de John Boardman.

Ils vont de ville en ville.

Cet ouvrage écrit par J. Boardman en 1964 est resté un classique pour tout ce qui touche à la colonisation grecque sur une bonne partie du pourtour méditerranéen, de la Propontide et de la Mer Noire. Dans la quatrième édition de 1999, l’auteur a ajouté un épilogue qui évalue sa production de 1964, tous les autres chapitres ayant été repris à l’identique (y compris les mentions de Léningrad comme lieu de conservation de certains artefacts). La période visée est identique aux livres de Robin Lane Fox (en 2010) et A.J. Graham (en 2011) que nous avions déjà croisés dans ces lignes et va du VIIIe au VIe siècle avant notre ère (des derniers feux de la période géométrique au début de la période classique).

Une très petite préface présente cette quatrième édition avant de passer au premier chapitre, tout de méthodologie des sources, suivi d’un chapitre sur le contexte, sur ce qui se passe entre la fin des grands centres mycéniens et le début de la colonisation. Le troisième chapitre est consacré à la présence grecque sur la côte levantine et son arrière-pays, avec une place spéciale pour la colonie d’Al-Mina, située dans l’estuaire de l’Oronte. Cette dernière serait à l’origine de l’orientalisation de l’art grec au VIIIe siècle. Autant dire que les liens entre la Grèce et la côte levantine sont constants et très importants, mais pas uniquement dans le sens Est-Ouest. La Lydie, la Phrygie (l’influence en matière de musique se retrouve encore aujourd’hui dans des noms de gammes) et la Perse ne sont pas en reste.

Le chapitre suivant nous transporte plus au sud encore, en Egypte. L’Egypte n’est pas une terre de colonisation, mais les rois locaux ont permis l’installation de quelques établissements habités par des Grecs (certains sont des camps de mercenaires) dont le plus célèbre est la ville commerçante de Naucratis (fondée vers 600 a.C., comparable à Shanghai d’avant la Deuxième Guerre Mondiale p. 132), entreprise conjointe de plusieurs cités dans l’Ouest du delta du Nil, à 70 km de la mer. L’influence égyptienne en matière d’architecture monumentale et de statuaire de grande taille n’est plus à démontrer, mais l’auteur rappelle que cette influence peut aussi se voir à Délos avec l’allée de lions renvoyant directement à celles des sphynx menant à certains temples égyptiens (p. 145). Le chapitre se poursuit ensuite plus à l’Ouest, avec la Lybie et la Cyrénaïque, le domaine de colons plus tournés vers la terre que le commerce.

Le cinquième chapitre est celui consacré aux fondations en Italie du Sud et en Sicile. Les Eubéens sont là encore parmi les premiers à envoyer des colons vers l’Ouest. Vers 770 a.C., Pithekussai est fondée face à la côte campanienne, juste avant Cûmes et les colonies qui contrôlent le détroit de Sicile. Doriens, Rhodiens et Crétois suivent en Sicile, précédant les Achéens et des Spartiates tout au Sud de la péninsule. Syracuse (fondée par les Corinthiens en 734 a.C. selon Thucydide) poursuit le mouvement en fondant elle-même des colonies sur une bonne partie de la côte sicilienne. Des cités d’Asie Mineure achèvent le maillage colonial à la fin du VIe siècle avant notre ère. Mais si les Grecs s’installent en Campanie, ce n’est pas seulement pour la richesse des terres, c’est aussi pour les marchés intéressants qui s’offrent à eux (les Eubéens ne sont pas à Ischia pour le vin et les hôtels nous dit l’auteur p. 168). Chez les Etrusques par exemple, ils obtiennent du minerai en échange de leurs productions de céramiques (souvent produites spécialement). Les Phéniciens sont présents en Sicile et en Espagne, et avec eux aussi les échanges sont soutenus, avec des étapes dans le Sud de la France. Marseille est fondée vers 600, mais a sans doute été précédée par une fondation rhodienne non loin (p. 217).

Le chapitre suivant revient vers l’Est pour se diriger vers la côte thrace en passant par les îles de l’Adriatique et atterrir dans la Propontide et la Mer Noire. Il y a là encore un essaimage, sur tout le pourtour, jusqu’au fin fond de la Mer d’Azov. Les Samiens et les Milésiens sont à la manœuvre, mais Athènes aussi finit par lancer quelques entreprises à destinées stratégiques. La rencontre avec les Scythes est pleine de fruits que l’on peut retrouver jusqu’en Europe centrale. L’ouvrage s’achève sur la destinée des colonies du Pont devant l’avancée perse de la fin du VIe siècle, et l’on voit que l’on peut faire un parallèle entre Vercingétorix et Miltiade (en tant qu’Athénien exilé à Sigée). Les deux sont un temps au service de leur futur adversaire (p. 266).

Dans l’épilogue J. Boardman revient, 35 ans après la première parution, sur ce qu’il a écrit pour corriger certaines affirmations. Depuis 1964, non seulement de nombreuses choses ont été publiée (c’est la non-publication qu’il fustige déjà p. 11, pire que les pilleurs) mais surtout la fin de l’URSS a permis une communication bien plus aisée avec de nombreux chercheurs en plus de l’accès à de nombreux artefacts. Exercice d’humilité par toujours évident avec un chercheur de ce calibre, mais ce dernier ne sape pas l’œuvre de sa vie. Il prend acte de l’état des connaissances en 1999 (et nul doute qu’une nouvelle édition en 2021 verrait un second épilogue du même tonn… amphore).

De ce fait, une bonne partie des critiques que l’on peut faire à ce livre fondamental sur la question (à l’amplitude géographique ahurissante, aux illustrations par centaines et écrit sans les moyens de communication du XXIe siècle) tombe avec cette dernière partie. Nous ne suivrons pas l’auteur sur l’uniformité du statut de colonie vis-à-vis de sa métropole (p. 163, en suivant A.J. Graham), ni sur les Grecs comme seules sources artistiques des Etrusques pour la période orientalisante (p. 199). Sur ces mêmes, J. Boardman est partisan en 1964 du fait qu’ils ne comprennent pas les mythes grecs (p. 200), ce en quoi nous disconvenons (en suivant N. Thomson de Grummond). Il corrige dans l’épilogue sa vision des villes côtières étrusques sur l’Adriatique et la Mer Tyrrhénienne (mais pas son analyse erronée de la plaque Campana de la p. 206).

Des détails sur les fondations auraient été appréciables, mais l’axe est très archéologique et ajouter du texte sur chacune des colonies déjà décrites aurait alourdit de beaucoup. Pour ses seules parties sur la méthodologie et les changements historiographiques entre 1964 et 1999 (sur les Phéniciens toujours plus sexy que les Syriens p. 273 au sujet d’Al Mina, sur l’influence assyro-lydienne en architecture p. 278, sur les dangers du structuralisme et de l’abus d’analogie p. 282), au début de l’ouvrage ainsi qu’à la toute fin, ce livre vaut d’être ouvert.

Le reste, et quel reste, c’est déjà du bonus, signé par le plus grand céramologue hellénisant vivant.

(il est toujours plaisant de réentendre parler de Tiglath-Pileser III p. 44 …8)

 

Mots & fourneaux

La cuisine de A à Z
Dictionnaire de la table française par Tristan Hordé.

On ne nous ramassera pas à la cuiller ensuite.

Qui dit cuisine qui se diversifie et gagne en complexité (tout n’est pas bouilli) dit nouveaux mots pour décrire de nouveaux ingrédients, de nouveaux outils, de nouvelles manières de travailler et de présenter le résultat de la préparation. Pour se limiter, l’auteur propose ici des mots apparus en français depuis le XIe siècle et relatifs à l’alimentation (hors boissons, sauf exceptions en passant), à la cuisine et à la table. Ouvrage conséquent, il s’apprécie en tranches fines.

Comme c’est un dictionnaire, il n’y a pas vraiment d’histoire, hormis celle très déconstruite de la culture comestible avec quelques rappels toujours utiles, comme sur le fait que le petit déjeuner sucré est une invention récente pour une majorité de la population ou sur la place fondamentale de l’œuf dans l’alimentation humaine et les changements dans ce qui était considéré comme la viande la plus noble (le bœuf n’obtient une place proéminente qu’au XVIIe siècle, p. 515). Il y a donc beaucoup à apprendre dans ce dictionnaire (très étonnant article « Bol p. 75), dont des noms de recettes particulières (à la maréchale p. 313 par exemple, avec des truffes et des pointes d’asperges panées) ou plus intéressants encore, ce que des vendeurs de rue pouvaient crier afin de se faire identifier (pour les oranges p. 366).

Malgré ses attraits et sa diversité, le dictionnaire contient beaucoup d’articles qui nous semblent incomplets ou avec des erreurs. Ainsi l’article « Kebab » ne parle pas de viande grillée (p. 283), celui sur les lentilles se trompe complètement sur Esaü qui reviendrait des champs (alors qu’il est justement un chasseur ne cultivant rien, p. 297) et qu’à la p. 343 on retrouve Mossoul en Afghanistan. Sous « végétarisme », le refus de la viande dans l’Antiquité est aussi très incomplet, sans prendre en compte la dimension religieuse et ce qu’implique de refuser la viande du sacrifice (p. 511-512, comme le montre ici J. Scheid).

On peut aussi observer un biais prescriptif plus que descriptif dans certains articles. C’est le cas pour « Brandade » où la définition portugaise devient « abusive » (p. 88). L’article sur la « Carbonara » ne mentionne pas non plus que l’adjonction de crème en France (mais pas que) se démarque très nettement de la recette italienne d’origine (p. 106). Et nous arrêterons notre liste ici …

De manière générale, le verbe emprunter est utilisé de manière trop libérale dans les étymologies. Le lecteur a très vite la furieuse impression que le grec est totalement antérieur au latin (et qu’il n’y a donc aucune racine commune aux deux langues), et que le français ne fait qu’emprunter à ce dernier (ce qui nous semble très difficilement défendable). De ce fait, tout ce qui a attrait aux mots régionaux devient sujet à caution, avec une interrogation sur l’emploi contemporain de ces mots (p. 59 par exemple sur l’emploi du terme « roussette » pour désigner un beignet en Alsace).

A boire et à manger donc.

(les horaires des repas ont fluctué dans tous les sens p. 435 …6)

Dune, le Mook

Livre magazine sur l’univers du cycle de Dune sous la direction de Lloyd Chéry.

Pratique pour lire la nuit.

A mi-chemin entre le livre et le magazine (un mook donc), l’ouvrage rassemble 78 articles sur l’univers de Dune à l’occasion de ce qui devait être la sortie d’un nouveau film issu du roman de Frank Herbert à la fin 2020. Mais le coronavirus est passé par là, la sortie du film a été repoussée. Le projet cependant a été mené à son terme avec des auteurs de grande qualité et a donc pu rejoindre nos mains. Les aspects abordés semblent presque exhaustifs tellement le spectre est large : la vie de l’auteur, les personnages, la musique des jeux vidéo, la tentative Jodorowsky, la chimie du Mélange, une interview du réalisateur Denis Villeneuve … Un foisonnement dense, multicolore, érudit et surprenant.

Les articles sont organisés en cinq parties. La première est logiquement consacrée à Frank Herbert, comment il en vînt à Dune, quelle fut la réception du roman aux Etats-Unis et en France. L’éditeur Gérard Klein, le traducteur Michel Demuth et l’iconique illustrateur Wojtek Siudmak sont interviewés. La seconde partie essaie de caractériser le roman, avec la question linguistique, la place de l’épice, à la fois comme métaphore du pétrole mais aussi comme drogue, la géopolitique dans l’Impérium, la condition de mentat, le réalisme des créations herbertiennes et la place des Fremen dans l’œuvre.

La partie suivante rassemble les études des personnages du roman, de manière très fouillée. La diversité des auteurs est ici moindre que dans les autres parties, mais l’analyse est de haut vol. La partie suivante se concentre sur la postérité du roman, hors du cycle de Frank Herbert lui-même. Il y a donc les films (avec leurs mythes, les musiques originales et les litiges qu’ils ont pu faire naître), les bandes dessinées, les jeux, les séries et les jeux vidéo. C’est cette partie qui contient le seul texte de fiction du recueil, sur ce qu’aurait pu être la réception du film de A. Jodorowsky.

La dernière partie rassemble des réflexions thématiques sur le roman. La génétique, le féminisme, la spiritualité, l’écologie, les relations avec la Guerre des Etoiles et le Trône de Fer, la classification du roman dans la SF, voici quelques thèmes parmi d’autres abordés dans une partie qui se ferme avec un article de l’auteur R. Hobb.

Il y a là un très gros travail, tant du côté du contenu que de la forme. Côté articles, la diversité est de mise, avec des auteurs bien choisis et un intéressant panachage entre actualité et extraits de productions d’époque (l’entretien avec A. Jodorowsky par exemple). L’ouvrage a un a priori favorable pour le film non encore sorti de D. Villeneuve mais ce n’est pas l’eau tiède qui règne sur l’Imperium. Conséquence du format adopté (et nous y reviendrons), beaucoup d’articles paraissent cependant bien courts. Les auteurs n’ont pas été brimés dans leurs critiques et si Brian Herbert a été interviewé, il n’est pas épargné par les récriminations à d’autres endroits. Aucun contributeur ne semble en dessous du lot ou déplacé et chaque nouvelle page tournée apporte son lot de découvertes. Et s’il faut vraiment faire ressortir quelques articles qui nous ont le plus marqué, ceux sur les mentats et la guerre (M. Goya), sur la biophysique du ver (J.-S. Steyer), sur la planétologie (R. Lehoucq), sur les jeux vidéo et sur la comparaison avec la Guerre des Etoiles ont en font assurément partie.

Pour ce qui est de la forme, le pari de produire un objet situé entre le livre et le magazine est pleinement réussi (sur 250 pages). Effet positif premier, cela permet de placer un nombre très important d’illustrations en couleur, de varier la pagination, d’accorder fond et forme (la couleur sable de la police quand il est question de ver ou d’épice). Conséquence éventuellement négative de cette mise en forme, la lecture de certains articles peut être rendue pénible sous certains types d’éclairage (la couleur sable justement).

Toutes les illustrations ne proviennent pas du film de D. Lynch mais d’autres sources, là encore nombreuses et variées, ont été mises à contribution. La présentation des auteurs pour chaque partie, sur une double page, avec leurs portraits est une contribution bienvenue à leur seule (petite) notice biographique. La reliure de type « suisse », très surprenante au premier abord, permet une lecture à plat qui est un vrai luxe pour apprécier au mieux ce que cet ouvrage de passionnés (pour passionnés) propose. Un objet très soigné, en symbiose avec le texte (une seule coquille repérée).

Un bel objet, support d’une analyse très plaisante et approfondie.

(nous sommes moins convaincus par la revanche des sorcières que représenterait le Bene Gesserit p. 64 … 8/8,5)

Pourquoi perd-on la guerre ?

Un nouvel art occidental
Essai de géopolitique de Gérard Chaliand.

Encore des pièces de jeu d’échecs …

L’objet de ce livre est de trouver des explications au fait que les Etats occidentaux perdent les guerres qu’ils déclenchent depuis 1945. Mais pour comprendre pourquoi l’Irak et l’Afghanistan sont des échecs (le livre sort en 2016), l’auteur revient sur la période de la seconde d’expansion coloniale à partir du XVe siècle et la conquête britannique de l’Inde. Ces guerres coloniales sont des conflits asymétriques, où des Occidentaux bien mieux armés mais très peu nombreux rencontrent des armées bien plus nombreuses. Et malgré quelques défaites, la victoire finale est toujours revenue aux Occidentaux, comme en atteste la carte du monde en 1939. Et une fois la conquête achevée (or cas très rares), cette minorité reste très grande : 70 000 Britanniques gèrent tout le Raj indien à la fin du XIXe siècle (p. 37).

Quelles sont alors les raisons du succès (second chapitre) ? Pour l’auteur, il y a d’abord la méconnaissance des conquis, même ceux qui étaient en contact avec eux avant la Révolution Industrielle. En plus de cela, les divisions des colonisés sont nombreuses face à des troupes ramassées. En cas de résistance asymétriques, les guérillas n’ont ni aide extérieure ni sanctuaire où elles pourraient se regénérer, ce qui les mène au désastre. Les armés d’invasion ont le temps pour eux et les opinions publiques sont très loin et très peu informées, le tout combiné à une démographie vigoureuse (qui est donc moins sensible aux pertes). Les pertes ennemies et les dommages collatéraux ne sont pas un problème (la terre brûlée p. 48).

Mais en trois générations, les vaincus ont appris de leurs vainqueurs, ont compris qui ils étaient, se sont mis à leur école. C’est d’une certaine manière le cas en Turquie et en Indochine, la Première Guerre Mondiale étant un tournant, les années 1930 en étant un autre (contestation du fait colonial en Europe). La remise en cause de l’ordre établi par le Japon en Asie achève de convaincre les peuples colonisés qu’il est possible de renverser la table. Une idéologie mobilisatrice va fournir le carburant des guérillas puis des guerres révolutionnaires : le communisme. La Malaisie est le seul exemple de contre-insurrection victorieuse, mais les Britanniques avaient promis l’indépendance s’ils étaient victorieux (p.93). Pour l’auteur, avec la guerre du Viêt-Nam, l’affaire est entendue : les Occidentaux ne peuvent plus gagner, parce qu’ils ne le veulent plus. Ils sont sans volonté impérialiste, « l’asymétrie majeure est idéologique » (p. 99).

Suivent deux études de cas : L’Afghanistan et l’Irak. Pour l’Afghanistan, G. Chaliand rappelle l’influence saoudienne, la révolution iranienne, l’échec soviétique, l’arrivée au pouvoir des Talibans et les facilités qu’ils procurent à Al-Qaida, pour finalement traiter très rapidement les évènements postérieurs à septembre 2001. L’Irak procure un intermède, avec les erreurs commises par les faucons du gouvernement étatsunien (abolition de l’administration, utilisation des exilés, les sociétés militaires privées en roue libre). La guerre en Irak empêche de mener à bien les opérations en Afghanistan où la situation se bloque, entre retour des Talibans et jeu trouble du Pakistan. L’échec irakien va nourrir la guerre civile syrienne qui commence en 2011. Toutes les puissances y mettent leur grain de sel (et la Russie ne fut pas la dernière) et les médias occidentaux se font les auxiliaires de l’Etat Islamique en diffusant en continu sa propagande (p. 156).

La conclusion résume le propos du livre avant de passer à quelques perspectives d’évolution, qui se révèlent plutôt justes en 2021 (moins la présidente étatsunienne à partir de 2017 …). Contrairement aux prévisions (p. 164), les Kurdes sont bien allés jusqu’à Mossoul. S’ils ont été payés de retour est une autre question …

L’intérêt du présent ouvrage vient principalement des expériences personnelles que l’auteur y fait passer. G. Chaliand n’a jamais arrêté d’être un baroudeur (depuis 1954) et les deux cas étudiés en détail à la fin sont nourris par ses voyages sur place, où il peut jeter un regard expert sur les forces en présence (p. 137). Quand on a connu Amilcar Cabral, le Viêt Minh, la Colombie, le Haut Karabagh et le Kurdistan iranien, on peut avoir un avis sur les guérillas contemporaines. La forme est plus problématique, entre italiques agressifs et certaines phrases mal relues (la ponctuation incompréhensible p. 82). Le texte est très oral, on entend littéralement l’auteur parler et cela conduit parfois à des phrases bancales.  Cela participe néanmoins à l’objectif vulgarisateur du livre. L’adjectif « humilié » est un peu trop souvent accolé à la Chine par ailleurs. Sans appareil scientifique, l’ouvrage est globalement plaisant à lire et offre un très bon condensé sur le pourquoi de la relative inefficacité occidentale, sur l’état actuel de l’Afghanistan et sur la zone géographique qui va de la Méditerranée à l’Iran. Grand changement depuis 2016 et la parution du livre, le gouvernement de Damas a maintenant les choses bien en main en Syrie.

(J.F.C. Fuller comme auteur récent p. 49, c’est relatif … 6,5)

Troja ist überall

Der Siegeszug der Archäologie
Essai de vulgarisation archéologique sous la direction de Hans Hillrichs.

Elle est surtout à Moscou.

Le titre du livre nous avait tout de même bien égaré. Non qu’il soit faux, puisque l’on parle bel et bien de Troie dans ce livre, mais ce n’est pas le seul sujet du livre. Issu d’une série télévisée sur les sites archéologiques emblématiques, ce livre permet à la fois la découverte de sites archéologiques légendaires sur trois continents ainsi que la figure de leurs découvreurs mais aussi l’évolution des techniques de l’archéologie depuis la fin du XVIIIe siècle. Six sites, avec leurs aires civilisationnelles, sont concernés :  Pompéi, Saqqarah, Palenque, Troie, Machu Picchu et Harappa.

Richement illustré, ce livre débute avec une très courte introduction qui présente les six chapitres. Puis vient Pompéi, ou la transformation d’une catastrophe en une énorme chance pour l’archéologie. Site redécouvert au XVIe siècle, son « exploitation » ne démarre qu’à la fin du XVIIIe siècle. Encore aujourd’hui, la ville est loin d’être entièrement fouillée mais heureusement, les techniques ont grandement évolué et lointaine est l’époque où on l’on minait plus Pompéi pour ses trésors que l’on en faisait une étude raisonnée.

Le second chapitre passe en Egypte et conte les vies de deux égyptologues du milieu du XIXe siècle, Auguste Mariette et Heinrich Brugsch. La découverte du Serapeum de Saqqarah est au centre de l’article avec la fondation du Service égyptien des Antiquités qui met fin au pillage des artefacts de l’Egypte ancienne par les puissances européennes. Plus triste, le livre rappelle que la crue du Nil qui a submergé le premier musée cairote des antiquités égyptiennes a détruit les notes de fouilles de A. Mariette, dont une très grande majorité de choses jamais publiées.

La chapitre suivant nous transporte en Amérique du Nord, auprès des Mayas. Si certaines choses sont documentées au XVIe siècle, elles tombent dans l’oubli des remises de bibliothèques pour ne réapparaître qu’au XXe siècle. L’archéologie mésoaméricaine ne bénéficie pas uniquement du déchiffrement des hiéroglyphes mayas, elle tire aussi d’autres avantages de la modernité grâce à l’aviation (C. Lindbergh photographie depuis les airs la ville d’El Mirador en 1930) et à la plongée subaquatique (dès 1904 un plongeur grec explore le cénote sacré de Chichen Itza, p. 172).

Puis enfin, dans le chapitre suivant, Troie. On suit bien évidemment Heinrich Schliemann, ce passionné qui a non seulement fouillé Troie mais aussi Mycènes. Mais on apprend aussi que les fouilles troyennes ne prennent pas fin avec H. Schliemann. En 1988, la physionomie de la ville du Bronze ancien change radicalement, avec la découverte de la ville basse : la ville haute, la forteresse fouillée par Schliemann, fait 20 000 m2 tandis que la ville basse avoisine les 180 000 m2. La ville était bel et bien un centre commercial de grande importance, avec peut-être 12 000 habitants (p. 228).

Dans le cinquième chapitre, le lecteur accompagne Hiram Bingham III dans sa découverte du Machu Picchu en 1911.  Le fils de missionnaires hawaïens parvient à être envoyé au Pérou pour y explorer la vallée de l’Urubamba (le but de cet enseignant de Yale était de gravir le sommet du Coropuna, en passant). La découverte de la cette résidence royale perchée à 600 m mètres au-dessus du fleuve ne compte pas pourtant parmi les découvertes les plus importantes de l’expédition pour la presse, pas plus que pour son découvreur scientifique (la découverte de Vilcabamba, la dernière capitale inca, fait bien plus de bruit). Il l’identifie même comme le lieu mythique de l’origine des Incas (p. 287), une théorie qu’il ne reniera jamais.

Le dernier chapitre s’intéresse à la ville de Harappa, le site le moins connu de tous ceux déjà évoqués dans ce livre. La ville se situe dans la vallée de l’Indus, dans l’actuel Pakistan. En 1924, c’est le directeur du Service des antiquités du Raj qui fait l’annonce de la découverte d’une ville de briques qui fleurit au milieu du troisième millénaire avant J.-C., puis d’une civilisation toute entière dans la vallée de l’Indus. Les recherches subséquentes feront perdre son caractère irénique à cette culture, mais pas les preuves d’un très haut niveau de gestion de l’eau et du bâti. Reste à savoir, comme le souhaitent ardemment les nationalistes locaux, si cette culture possédait une écriture, ce qui ne semble pas assuré et disputé encore aujourd’hui. Une très petite conclusion, les biographies des auteurs, une bibliographie indicative et un index concluent cet ouvrage.

Si l’importance des sites pour l’histoire générale de l’archéologie est justement soulignée, on a tout de même eu à exprimer quelques regards interrogatifs. Cet antinéronisme irréfléchi qui se perpétue au XXIe siècle est tout à fait déplacé (p. 63), sans parler de la confusion évidente de voir Sylla agir sous le principat (p. 38). La présentation historique est incomplète, mais dans ce cas, il est plus difficile de faire œuvre d’exhaustivité. Et de là à qualifier les Grecs du XIIIe siècle avant J.-C. de grande puissance (p. 200) … Le livre est très richement illustré, notamment avec des photos du tournage de la série documentaire, ce qui ne manque pas d’intérêt. Mais toutes ces illustrations ne sont pas de qualité, certaines (p. 344 ou encore p. 346) étant vraiment en dessous de tout. Très inégal. On retiendra surtout du livre sa présentation très plaisante d’archéologues d’importance à la vie bien remplie (Mortimer Wheeler, en plus d’être archéologue et conservateur, a eu le temps de devenir général de brigade aérienne avant d’être actif en Inde) et plus encore la partie sur Harappa, Mohenjo-Daro et la civilisation de l’Indus, une terra incognita.

(Hiram Bingham III, découvreur scientifique du Machu Picchu, n’était semble-t-il pas un homme délicieux … 6,5)

Ravage

Roman de science-fiction de René Barjavel.

Pas que le lait qui finit par terre.

Elle avait ces traits reposés et cet âge indéfini des femmes à qui les satisfactions de l’amour conservent longtemps la trentaine. p. 12

Paris, 2052. La ville a d’une certaine manière appliqué le plan Voisin (p. 23). Entourée d’autoroutes, desservie par des bus aériens, munie de lignes de métro sur cinq niveaux, d’énormes tours ont été de plus construites, sur le modèle corbuséen. La ville a absorbé tout son environnement, les cimetières ont été remplacés par des conservatoires domestiques des morts. Elle est ceinturée de jardins et de fermes, mais au-delà, c’est le désert, ou plus exactement une savane jaunie par une température caniculaire. De l’autre côté de cette savane, une autre ville et ainsi de suite. Il n’y a quasiment plus de campagne, rien que des villes, congestionnées de voitures, minérales et étouffantes.

François Deschamps et Blanche Rouget, deux amis d’enfance, viennent d’un de ces endroits reculés en Provence, éloignés de tout, où l’on cultive encore à l’ancienne, dans la terre et pas dans ces usines agroalimentaires qui pourvoient à tous les besoins des villes. François étudie à Paris pour devenir ingénieur agronome (et est peintre amateur) et Blanche y poursuit aussi sa scolarité (ménagère). Mais Blanche a été sélectionnée pour devenir la prochaine vedette de la station de télévision Radio-300, tout en éveillant l’intérêt du directeur Jérôme Seita, un homme richissime et influent. Ce dernier, sentant que François est un danger pour ses plans concernant Blanche, fait capoter l’admission de François et couper l’eau et l’électricité de son logement déjà spartiate (très bohême par ailleurs).

Au moment où doit débuter la soirée qui doit lancer la nouvelle vedette, une panne d’électricité générale arrête l’activité citadine, démagnétise les aimants (qui garnissent aussi de nombreux habits) et rend inutilisables les objets ferreux … Plus rien ne fonctionne et plus rien ne se remet en marche. Plus de locomotion, plus de télécommunication, plus d’eau courante, plus d’usine d’alimentation … La catabase commence.
François part retrouver Blanche pour la sauver du cataclysme qui engloutit inexorablement la civilisation quand les besoins primaires ne peuvent plus être assouvis dans une ville moloch.

Le thème de ce livre est maintenant à la mode et il est assez étonnant que personne n’ait déjà fait un film avec un tel scénario, alliant la science-fiction à quelques éléments fantastiques. La classification de l’œuvre elle-même peut varier dans le temps : en 1943, c’est clairement de la science-fiction mais en 2021, on peut voir un glissement vers l’anticipation (liseuses dans les trains p. 20, parmi d’innombrables exemples). Plein d’inventions de 2052, sans doute étonnantes au moment de l’écriture, nous sont déjà connues mais surtout l’aspect climatique est aujourd’hui moins rocambolesque.

Au niveau de l’écriture, on est dans un récit cru, un peu manichéen dans certaines oppositions (François et Jérôme), parfois sans trop d’épaisseur dans les personnages (Blanche perd beaucoup de temps d’action au cours du livre par exemple, disparaît presque une fois partie de Paris) et avec un héros qui se révèle du jour au lendemain, passant du gentil garçon provincial (et vieux moraliste p. 70) au survivant parfait logisticien et prêt à tout, jusqu’au meurtre de sang-froid, pour parvenir en Provence (et s’échapper de Sodome et Gomorrhe, p. 175-176 ?).

Le texte est parsemé de références plaisantes, tout en ironie. Les artistes et les médecins n’évitent pas les piques (p. 25-26 par exemple) et quand on parle de vivre dans « l’ère de Raison » (p. 16), on sait que cela va mal tourner ! On a quelques petits moments absurdes (une photographie du cuirassé Strasbourg dans la chambre de Blanche p. 37, même si au vu du contexte on peut aussi interpréter différemment ce motif). L’expression est poétique, mais beaucoup moins que dans L’Aube des temps (voire ici), mais c’est aussi 25 ans d’expérience qui entrent en jeu chez l’auteur. Des « défauts » de jeunesse que l’on peut aussi voir à notre sens dans quelques trous d’air du récit, qui ne font pas tourner les pages aussi vite que l’on pourrait le vouloir.

L’influence de mai-juin 1940 semble immense dans ce roman, avec par réfraction, celle de 1918. La fin d’un monde, c’est clairement ce qui est vécu en France et à Paris à l’été 1940. L’exode, la privation, l’abandon, l’ensauvagement, tous sont d’actualité à des degrés divers trois ans avant la parution de ce livre, avec son corolaire du retour à la campagne, voire à la terre. Est-ce pour autant un livre pétainiste ? Certes, l’auteur est très féroce avec le gouvernement (ses ministres baroques, son chaos, son incompétence, ses militaires archaïques p. 186) dans lequel on pourrait reconnaître une Troisième République (vue par les collaborationnistes ?). Mais l’alternative proposée, une fois la cendre retombée, n’est pas non plus une Arcadie hors du temps. Si l’on pousse un peu et que l’on met de côté l’antimachinisme, on pourrait presque y voir quelques bouts de Führerprinzip (p. 299-300) … On ne peut pas dire que la réapparition d’un roi-prêtre à la mode mésopotamienne après la tabula rasa soit auréolée de la préférence de l’auteur (dans le traitement ironique de la nouvelle organisation sociale, dans ce retour à l’Age de Bronze p. 298-299). A lui aussi, son pouvoir est limité et la fin de l’histoire n’est qu’une illusion. Mais nous racontons déjà bien trop de la fin du roman, tout en désirant en dire beaucoup plus sur ce roman plein de pépites (le bon temps de 1939, p.86).

Ce que R. Heinlein craint dans Waldo en 1942 se réalise la même année dans Ravage.

(l’auteur fait détruire sa propre ville de naissance p. 296 … 6,5)

La diagonale de la défaite

De mai 1940 au 11 septembre 2001
Essai d’histoire comparée de Jean-Philippe Immarigeon.

Il n’y en a aucune sur cette couverture.

Dans ce livre, J.-P. Immarigeon revient vers le 11 septembre 2001 qui avait été au cœur de American parano, mais en prenant ici comme point de comparaison mai-juin 1940. L’objectif : démontrer que les empires sont toujours mortels, que l’empilement de matériel ne fait pas une stratégie, en un mot que la Roche tarpéienne est toujours aussi proche du Capitole.

Le but n’est évidemment pas de comparer les Talibans (ou même Al Qaïda) à la Wehrmacht, des combattants que seul intéressent la vallée où ils ont toujours vécu à une puissance industrielle revancharde et invasive. C’est l’autre acteur de la dialectique qui intéresse l’auteur. Et aussi de participer un peu à la fin du mythe d’une armée française totalement à la ramasse en mai 1940 face à des génies militaires dotés de dizaines de divisons blindées parfaites.

Le livre débute par une sorte de billet d’humeur sur l’anachronisme et la téléologie qui, au goût de l’auteur, s’emparent de nombreux intervenants du débat public en France : tous auraient su dès 1933 ce qui allait se passer entre 1938 et 1940 et ne referaient pas une telle erreur aujourd’hui (p. 21). L’auteur rappelle aussi utilement que la France a une place culturelle toute particulière dans le monde dans les années 1920 et 1930, avec un débat très large sur la mécanisation du monde certes mais aussi Milhaud, Ravel, Le Corbusier et Breton. Au plan international, la France soutient avec force la Société des Nations, parce qu’elle répond à son envie de stabilité après la Première Guerre Mondiale, jusqu’au stabilisme (p. 35). La conférence de Munich en 1938 est évidemment un tournant. J.-P. Immarigeon y apporte un éclairage intéressant et volontairement provocateur (p. 39) : si l’Allemagne avait été démocratique en 1938, les Sudètes qui avaient été placés en Tchécoslovaquie pour faire nombre avec deux peuples qui ne souhaitaient déjà pas être unis auraient été sans vague réunis à l’Allemagne (p. 42). Les Nazis avait tendu le piège suivant : une guerre pouvait-elle être déclarée par les démocraties pour contrer ce qui était écrit dans le Traité de Versailles (p. 43) ?

Le second chapitre s’attaque ensuite à un point très souvent discuté quand il s’agit de 1940 : la question des chars. L’auteur fait le point sur les visions doctrinales dans les années 20 et 30, avec la difficile appréhension de cette arme révolutionnaire mais si elle doit tenir le terrain devient inutile. Mais se doter dans les années 30 de divisions blindées (puisque si justement on peut ainsi faire des chevauchées), n’est-ce pas déjà penser à l’offensive, aux visées stratégiques, contre la pensée dominante française du statu quo et du pacifisme (p. 73) ? Le troisième chapitre invite l’auteur à voir l’action du gouvernement à la fin des années 30 dans sa politique de défense comme mettant en place un complexe militaro-industriel, avant les Etats-Unis. Comme le montre déjà le procès de Riom, c’est le gouvernement qui a fusionné des entreprises de défense, pris des décisions de mise en production, et ce ne sont pas les lois sociales qui sont la cause de la défaite de 1940 (p. 83), puisque le nombre de canons et de chars de l’armée française n’était pas inférieur (ni de moins bonne qualité) que ceux de l’armée allemande. C’est là que l’auteur fait un parallèle entre 1936 (Blum) et 2009 (Obama) : pas de changement d’idée sans changer aussi les hommes. Gamelin reste et il n’y a pas de changement dans la haute hiérarchie militaire étatsunienne. L’auteur détaille ensuite quels chars sont à disposition de l’Etat-Major en 1940 et comment ils sont organisés (management stratégique p. 100). Il en ressort que c’est exactement ainsi que seront organisés les Etats-Unis en Europe en 1944.

Le chapitre suivant est un peu plus théorique. Il y est question de la Blitzkrieg, de l’absence de soutien de cette stratégie chez les généraux allemands et de la manière dont cette stratégie veut éviter la bataille (p. 129-130). C’est fondamentalement une chevauchée dans le style médiéval, comme celles du Prince Noir durant la Guerre de Cent Ans. En Afghanistan, il en est de même : les Occidentaux sont maîtres des voies de communications (physiques et numériques), les Talibans contournent. Si les Allemands avancent aussi bien, c’est aussi parce que les routes départementales sont très bien entretenues (p. 133).

Le cinquième chapitre prend la suite avec l’élimination de la surprise des plans militaires en 1940 : « l’ennemi attaque selon nos plans ». Surtout qu’une attaque allemande réussie (dans les conditions qui seront celles de 1940, sans artillerie ni couverture aérienne) au travers des Ardennes avait déjà été modélisée lors de deux exercices en fin 1933 et en 1938. Mais les conclusions avaient été jugées excessives et trop aventureuses (p 145-146). C’est exactement ce qui fut fait. Pas de préparation, beaucoup d’imagination. Ce qui toujours rate réussit cette fois. Une guerre finalement trop pensée (p. 136).

Et du coup la France cherche la raison de la défaite dans des causes fondamentales et pas dans des circonstances particulières (sixième chapitre). Les Américains ne voient pourtant pas la main de Dieu dans les défaites du Vietnam, d’Irak et d’Afghanistan ajoute l’auteur (p. 161). Surtout que la guerre avait été gagnée en 1918 par le même régime politique qui connut la défaite en 1940. Il n’y avait, comme toujours en histoire, rien d’inéluctable. Et ce jeu de la déchéance, C. De Gaulle n’y entre à aucun moment, pas même en juin 1940. D’autres auraient-ils fait mieux d’ailleurs (p. 170) ? Le chapitre se finit sur un retour à la surprise de 2001, sur les invariants de la guerre que la surplanification ne peut abolir.

La postface achève finalement ce livre de 190 pages de texte en précisant très rapidement quelques vues sur Vichy. La défaite ne justifie pas la Collaboration, elle ne justifie pas plus le désarmement et la sortie de l’histoire voulue par Pétain, ni de faciliter les opérations de la Luftwaffe en Syrie et de rendre 400 pilotes prisonniers en cours de transfert vers l’Angleterre (p. 191). Mais voilà, « Vichy a gagné la guerre de la mémoire » (p. 193). Cependant l’ouvrage ne se termine pas sur ce constat crépusculaire (et suivent notes et bibliographie).

Le livre commence un peu poussivement à notre sens (l’introduction), loin des standards de l’auteur. C’est alambiqué, moins bien écrit. Avec le premier chapitre, tout se rétablit. L’auteur est moins puncheur que dans ses autres ouvrages, c’est sans doute dû au sujet du livre, plus historique que traitant d’actualité. S’il est question des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan (ou de ses forces armées en général), c’est souvent de manière incidente, vers a fin des chapitres. Cette comparaison est donc minoritaire dans l’architecture du livre, sans pour autant y être noyée. A sa décharge, avec un livre écrit en 2010, les faits ont parfois infirmé ses dires. M. Kadhafi a peut-être été reçu à Paris avec une pompe déplacée à laquelle n’a eu droit aucun dictateur des années 1930, mais la chute a été encore plus brutale (p. 18-19). De même l’usage des drones par les armées françaises a grandement évolué depuis la parution de l’ouvrage.

A l’évidence, l’auteur connait son sujet, mais il y ajoute sa maintenant traditionnelle vista.  Il est convaincant sur ce qui conduit à la guerre planifiée, sur le stabilisme, sur Munich, sur l’indécision doctrinale, sur cette impression de pouvoir tout faire que vont reprendre les Etats-Unis (p. 107-108), sur le management militaire qui naît en France en 1916, est réactivé en 1936 et est exporté de l’autre côté de l’Atlantique en 1940 (p. 100). J.-P. Immarigeon est parfois un peu sévère aussi, comme dans le cas du salut nazi par les participants français aux jeux olympiques de 1936 (p. 18). Il nous semble que l’on ne puisse pas aussi facilement balayer l’argument selon lequel la délégation souhaitait rester fidèle au Baron de Coubertin, encore vivant, qui avait inventé un salut olympique en tous points identique. Naïfs ? Fidèles à l’esprit olympique ? A eux aussi il faut faire bénéficier du doute sans faire de téléologie.

S’il ne pourra pas clore en France le débat sur 1940 malgré toutes ses qualités, ni faire quitter 1946 à la politique française, ce livre se lit avec plaisir et attention et mériterait une suite sur Vichy au vu des potentialités qu’offre la postface.

(l’influence de Bergson en France était fantastique avant 1939 … 8,5)

Wie wir Menschen wurden

Essai de vulgarisation paléoanthropologique de Madelaine Böhme.
Existe en langue anglaise.

Des petits pas, puis des grands.

La paléoanthropologie a franchi un immense palier avec l’arrivée de l’analyse génétique, comme nous avions déjà pu le voir pour des périodes plus récentes (ici avec l’indo-européanité). Initialement une branche de l’anatomie comparée, elle associe aujourd’hui le terrain de fouilles aux travaux en laboratoire, entre génétique, datations par diverses méthodes et paléoécologie.

Le livre commence avec un jeu de piste à la poursuite des restes d’une fouille effectuée par un professeur de Erlangen, appelé sous les drapeaux, à Athènes en 1944. Le lieu des fouilles était déjà connu pour sa richesse en fossiles au moment de la renaissance hellénique. L’auteur (qui enseigne à Tübingen) souhaite retrouver la mâchoire inférieure du Graecopithecus freybergi pour le comparer à une découverte beaucoup plus récente faite en Bulgarie. Entre les sous-sols de la Halle des Congrès au Terrain des Congrès du Parti à Nuremberg et un vieux coffre à l’université d’Erlangen, l’auteur remet la main sur ce qu’elle cherchait et que les fouilleurs de 1944 savaient très important. La datation en 2015 et l’étude au scanner permettent de s’assurer que la mâchoire appartient à un grand singe, qui parcourait la cuvette athénienne il y a 7,175 millions d’années. Au moment où Hommes et Chimpanzés se distinguent …

La seconde partie du livre se concentre sur ce que l’auteur dénomme la « vraie » Planète des Singes. Les singes ne sont pas uniquement présents en Afrique (où il a longtemps été cru que tout se passait en termes d’évolution vers l’homo sapiens, p. 157, p. 212 sur la migration des animaux vers l’Afrique et pourquoi pas les grands singes) mais sont très présents dans toute l’Eurasie. L’auteur en a par ailleurs trouvé un exemplaire dans le sud de l’Allemagne (ayant vécu il y a 11 millions d’années) et le surnommera du nom d’un chanteur passant à ce moment beaucoup à la radio (p. 96-97). Si cela ne rappelle rien …

La partie suivante arrive au cœur du sujet : comment distinguer le « chaînon manquant », déjà pré-humain ou encore singe ? L’auteur a soutenu en 2017 que le Graecopithecus n’est pas à classer parmi les singes mais bien parmi nos ancêtres. Comment alors, puisque c’est un critère primordial, détecter la bipédie dans les restes osseux ? Cambrure de la voute plantaire et position du pouce du pied permettent une première approche mais c’est tout le squelette (la liaison craniocervicale se déplace de l’arrière vers le dessous de la boite crânienne), son équilibre et la musculature associée (le cou, pour garder la tête droite dans le plan des épaules par exemple) qui se modifie par rapport aux grands singes. Une empreinte crétoise de pied, avec un pouce déjà en voie d’alignement avec les autres doigts peut-il être attribué au Graecopithecus ? Cette partie est aussi l’occasion de faire un rappel sur la théorie de l’origine africaine de l’homme (à mettre en rapport avec les découvertes faites à Java et en Chine) et de faire un sort au Sahelanthropus, découvert en 2001 et aussi appelé Toumaï. Le monde de la recherche peut parfois avoir quelques ressemblances avec la jungle (p. 143-147) …

La quatrième partie met l’accent sur le lien entre évolution et environnement, une relation déjà bien connue depuis Darwin. La question est ici de pouvoir comprendre le contexte des os que l’on retrouve, dans quel environnement végétal et faunique se trouvent les grands singes ou les préhumains. Pour ce qui est du Graecopithecus, il vit dans une savane, au bord d’une Méditerranée qui n’a pas toujours été très propice à la baignade (50° et une mer évaporée il y a 5,6 millions d’années, au plus fort de la « Crise de la salinité messinienne » et la fermeture du détroit de Gibraltar, avec des tours de sel p. 207). La partie suivante passe ensuite en revue ce qui fait l’humain : la main libérée de la marche (la naissance du geste et des outils, dès l’Australopithèque mais pas forcément inventé en Afrique), la migration curieuse (avec les Hobbits de l’île de Flores), l’importance de la course comme technique de chasse (et les prédispositions physiologiques que cela favorise), le développement de la boîte crânienne (comment le feu permet une autre alimentation, plus facilement assimilable, libérant énergie et temps pour ce même cerveau, p. 222) et le langage qui dépasse la simple fonction d’alerte (p. 226, tourné vers l’autre à la différence des signaux envoyés par les singes).

La sixième et dernière partie fait le point sur l’état des connaissances qui a été chamboulé depuis vingt ans par les découvertes dont parle l’auteur. Quelles sont les relations entre ces différents humains (douze types à ce jour), répartis sur toute l’étendue de l’Ancien Monde ? Pour l’auteur, au vu des analyses du génome de l’homme moderne, il est faux de parler de disparition des autres branches de l’humanité : il y a eu fusion. Aujourd’hui, entre 2 et 8% de notre génome a pour origine ces humains « disparus » (selon la région du monde concernée, p. 308).

Les deux dernières décennies ont donc renouvelé dans les grandes largeurs les connaissances de la paléoanthropologie. L’origine purement africaine de l’espèce humaine est fortement remise en question, n’empêchant pas pour autant des aller-retours justement dus aux modifications de l’environnement. Et dans ce livre, ce dernier a une place très importante, parce qu’il conduit les mutations gagnantes chez des grands singes qui conduisent à l’homo sapiens. Mais l’homme agit aussi sur son environnement, dès avant la naissance de l’agriculture (qui fait passer la population humaine de quelques dizaines de milliers d’individus à quelques millions, p. 310). Le loup a été domestiqué avant les premières plantations, sans doute parce qu’il accompagnait les chasseurs, qui comme lui, faisaient courir leurs proies pour les abattre ou attendre qu’elles succombent à cause d’une température corporelle trop élevée (p. 252). Et tout ceci est peu de choses par rapport à ce que l’homme a modifié sur la Terre par son action …

Ce livre est très richement illustré, avec de nombreux schémas, chronologies et illustrations en couleurs, qui sont d’une très grande aide pour la compréhension. C’est écrit de manière très agréable, renforçant de ce fait l’aspect vulgarisateur (l’auteur a été aidé par deux journalistes scientifiques sur ce point). Cet ouvrage est un excellent rafraichisseur de connaissances ou une excellente amorce pour un lecteur qui n’a jamais abordé ce genre de sujet. Direct, il accumule les informations avec peut-être quelques circonvolutions dans les premiers chapitres (sur « l’enquête »). Le livre n’est bien entendu pas exhaustif avec ses 300 pages de texte (rien par exemple sur le rapport main/bouche dans l’émergence du langage) mais dans ce format c’est rigoureusement impossible.

Mais ce qui a le plus enflammé notre imagination, c’est la théorie selon laquelle ce sont les éléphants qui ont permis aux hommes de franchir des bras de mer pour rejoindre des îles (bien avant l’invention du bateau) soit en leur montrant l’existence de terres, soit en les transportant, comme c’est encore le cas en Indonésie au XVIIIe siècle. Et cela ne concerne pas uniquement l’île de Flores mais aussi les îles de la Méditerranée (p. 243).

Il va sans dire qu’il mérite une traduction en français, mais peut-être que son équivalent dans cette langue existe déjà.

(jusqu’à 3,5 km de sel entassé durant la crise de salinité messinienne sur le plancher de la Mediterranée … 8/8,5)