Nous sommes au XVIIe siècle dans un Japon qui n’a pas totalement refusé la technologie occidentale, entretien des liens avec l’Europe et est dirigé par un empereur qui est un dragon. Au château des Nakamura, un rônin (un samurai sans maître) arrive et fait montre de ses qualités. Le seigneur du lieu, pour le moins impressionné, lui confie son fils et héritier Mikédi, charge à lui de lui enseigner la voie du sabre qui a fait de lui le plus grand combattant des Quatre Poissons-Chats. Ainsi, il pourra selon le vœu de son père, s’unir à Nagâ, la fille de l’empereur et enfanter l’héritier au trône, avec tout ce que cela signifie de pouvoir. Mais le rônin, Miyamoto Musashi, n’est pas du genre facile et n’hésite pas à défendre des villageois contre les samurais du père de Mikédi. Ce dernier commence son apprentissage par deux années dans les cuisines d’un chef, avant de devoir obtenir un masque au sommet de la Pagode des Plaisirs. Cette épreuve lui prend aussi deux ans. Puis, sensibilisé par les veuves pensionnaires de la Pagode, il part avec Musashi combattre le seigneur qui a attaqué le village de la mine d’ambre. Mais Mikédi progresse-t-il sur la voie du sabre ? Son maître peut-il seulement lui enseigner ? Où fait-il fausse route depuis le tout début ?
Les sources d’inspirations, que l’auteur a la gentillesse en plus de l’honnêteté de donner en fin de volume, le montrent avec éclat : la série cinématographique Baby-Cart sert presque de canevas à cette aventure (les noms sont très transparents). Dans cette série, un ancien exécuteur shogunal devient un rônin après le meurtre de sa femme et voyage avec son fils tout en devant se défendre contre les assassins du clan Yagyu. On a de cela ici : un grand maître du sabre qui peut tout faire, japonais au carré (ce que l’auteur ne ache pas au lecteur). Le résultat n’est pas un plagiat mais un très bon roman qui joue avec les codes du genre, mais sans se départir de la sauce T. Day (comme lors de sa collaboration avec Fructus) : on n’hésite pas à raconter le jour le jour des personnages, y compris leurs intimités dans tous leurs aspects. Mais on peut aussi penser à Elric en lisant ce livre, avec un sabre dont on sait peu de chose mais que l’on dit posséder une âme et être maudit (p. 68). L’auteur se fait aussi quelques petits plaisirs (et renforce le côté irréaliste de sa fantasy) en allant chercher un autre bestiaire que le japonisant (dans la grange du magicien …), en faisant des allusions aux Thermopyles (p. 196) et à Don Quichotte (p. 240). Il y a peut-être un début un peu trop de termes japonais pour crédibiliser le récit, mais passé l’exposition, il en fait un usage beaucoup plus restreint. Ce scénario de roman d’initiation (mais où le maître lui-même est incontrôlable) n’est pas construit sur un scénario follement original mais il en est fait de belles choses, avec des récits insérés qui ne coupent pas artificiellement la trame principale et une écriture efficace (et les aphorismes ne sonnent pas comme des cheveux sur la soupe). On en fait pas ici dans l’impressionnisme mais veut rendre la brutalité du monde, la brièveté des vies et où la beauté ne peut être séparé de l’éphémère.
Un bon livre, pour ceux qui peuvent apprécier l’extrême-orientalisme composé.
Recueil d’articles sur la condition militaire édité par Francois Lecointre.
Ce volume rassemble 24 articles de 18 auteurs différents parus initialement dans la revue Inflexions, une revue éditée par l’Etat-Major des Armées et dont Francois Lecointre a été le directeur entre 2015 et 2017 avant d’être appelé à de plus hautes fonctions.
L’ouvrage est agencé en trois parties traitant d’abord du soldat, puis du combat en enfin du retour. Mais avant cela, un avant-propos de l’éditeur, des notices biographiques et une préface ouvrent le ban. Dans la première partie, seul le premier chapitre s’intéresse au corps du soldat. Les autres chapitres s’intéressent plus à la psychologie du militaire mais sous plusieurs aspects. La bravoure et le courage sont l’objet de trois chapitres, que ce soit en lien avec des batailles emblématiques (Camerone, Sidi-Brahim et Bazeilles) ou de manière plus abstraite, que ce soit sur le champ de bataille ou comment le courage se construit. Puis suivent quatre articles sur la dissidence, la désobéissance et la légalité des ordres (avec comme exemples principaux 1940 et 1962. La première partie est complétée par deux articles sur l’autorité, d’un point de vue de la sociologie des organisations et avec De Lattre comme exemple d’autorité faisant plier les évènements en Indochine.
La seconde partie commence avec un article qui traite du soldat augmenté (de manière additionnelle ou invasive) et de ce que son auteur appelle la tentation de l’hybris. Suivent deux témoignages plus personnels sur ce qu’est un ennemi et sur la gestion psychologique du siège d’un poste français de la Forpronu en 1995. Puis est reproduit en version abrégée le témoignage de Michel Goya sur la lutte contre les snipers à Sarajevo en 1993. L’article suivant rentre en profondeur dans les nécessités du contrôle des foules par les forces armées françaises en opérations, à bien différencier du maintien de l’ordre pratiqué par la gendarmerie (p. 253), et qui s’avère crucial à la réussite des missions contemporaines (sous l’œil de caméras avides d’images croustillantes). En suite le lecteur peut à nouveau lire un témoignage, celui de l’éditeur du volume sur l’assaut du pont de Verbanja en 1995. Autre continent, autre époque pour l’avant dernier article de la partie qui a pour objet le difficile équilibre à maintenir entre deux factions sur le terrain avec l’exemple centrafricain en 2014. Il revient à M. Goya de conclure cette partie avec une réflexion sur l’influence de la technologie et de la guerre en réseau au combat, et surtout ses limites.
La dernière partie est ouverte par un article sur l’usage des décorations, entre mémoire, justice, symbolique et mésusages. Mais le retour du combattant n’est pas toujours complet comme le démontre l’article suivant, ou plus exactement, le combattant peut amener avec lui une partie de sa mission quand il revient à la maison. Le faire d’avoir tué peut lui occasionner des blessures psychiques, parfois mêmes des mois après l’évènement. Ceux qui sont restés (sa famille, ses camarades) peuvent en être eux aussi atteints (chapitre XXI). La question de la verbalisation de l’expérience est aussi le thème de l’article suivant (parole étouffée, refoulée, censurée). Phénomène devenu éclatant avec l’embuscade d’Uzbine en 2008, la judiciarisation du soldat (auparavant héros puis victime) progresse, comme veut le démontrer le chapitre suivant. La notion de pouvoir y est centrale. Le dernier article du livre se penche sur une armée qui disparait physiquement et donc symboliquement de l’espace publique français. L’indifférence de la société serait bienveillante envers les armées, mais c’est toujours de l’indifférence (et nous avons pensé p. 369, sur le thème de l’écoute, à N. Elias et son livre La solitude des mourants).
Les notes, un index et une table des matières complètent classiquement ce livre qui comporte 400 pages de texte.
De ces très bons articles, pas tous d’un égal intérêt à nos yeux (mais comment peut-il en être autant), nous aimerions en faire ressortir quelques-uns. Le premier est l’article de Rémy Porte sur les officiers face à la défaite de juin 1940, qui est un très bon article historique, très fouillé, sur les réseaux d’officiers, les moments de bascule et l’attentsime généralisé des officiers de l’armée d’armistice. Le second est l’article qui suit, sur deux figures et deux modes de désobéissance/dissidence avec les généraux Zeller et Pâris de la Bollardière. Un article très empathique avec une excellente compréhension du contexte. Les articles de Michel Goya sont aussi à signaler, et plus particulièrement celui sur De Lattre, qui démontre avec verve que les commandants de théâtre, à l’interface entre le politique et le militaire, ne sont pas interchangeables. L’article sur les décorations, classique dans sa théorie, va assez en profondeur, tout comme celui sur les aspects traumatiques de l’acte de tuer. De manière générale, la dernière partie de l’ouvrage nous a semblé la meilleure, même si chaque partie est d’une grande cohérence interne, avec des enchaînements bien pensés entre les différents articles.
Mais comme nous ne pouvons être content de tout, il faut noter quelques erreurs historiques : la Bérézina toujours présentée comme une défaite p. 61, le fait que la doctrine de 1918 soit celle de 1940 p. 27 (alors que M. Goya signe des articles dans le même livre) ou que l’illusion divine de Hernan Cortès soit le déclencheur des massacres p. 186). On disconviendra aussi le besoin de réciprocité devant le danger du combat (et donc une absence de continuum entre l’arc et le drone armé pour l’auteur p. 183-184), que la tradition soit temporelle p. 138 (se rapporter ici à M. Gauchet dans son analyse sur l’hétéronomie et l’autonomie) ou que les djihadistes du Mali n’en « auraient que le nom » p. 196.
Un bon livre sur ce qu’est qu’être militaire en France aujourd’hui.
(les articles sur la Yougoslavie rappellent le dévoiement du maintient de la paix dans les années 90 … 7)
Avec Titus errant, M. Peake nous sort du château de Gormenghast pour nous emmener de par le vaste monde. De fait, Titus, le 77e comte de Gormenghast, passe au travers du miroir. Si dans les deux premiers tomes de la série, seul existe Gormenghast, dans ce troisième et dernier tome, c’est son existence qui est mise en doute. Parce que dans les lieux où arrive Titus, personne ne connaît ni ce château, ni ce comté … La ville dans laquelle il arrive est elle-même très différente de son château. Tout y est transparence et ordre. La population y est surveillée au travers d’artefacts sophistiqués ou de policiers aux allures robotiques. Parmi cette population insipide, Musengroin et Junon sont des exceptions. Musengroin possède une sorte de zoo et agit en original. Junon de son côté est animée d’une passion pour Titus après qu’il lui soit tombé dessus (et à travers une verrière) lors d’une réception. Mais Titus est tellement hors-norme pour cette société qui ne supporte pas le mystère qu’il n’est pas dit que même ces deux-là croient aux histoires du jeune homme …
Mais même sans le château, le roman ne délaisse pas le baroque pour autant, toujours tangent avec l’absurde à la Ionesco. La fête est à ce titre emblématique : décrite comme une houle (p. 50-51), une masse presque indifférenciée d’invités, ces derniers échangent platitudes sur platitudes, ne s’écoutent pas, sont ectoplasmiques. Mais Titus errant n’est pas un décalque du château dans une ville, prétexte aux mêmes portraits. Dans cette ville, il y a l’électricité (p. 103), des voitures et des avions mais on sent que la science-fiction n’est pas à exclure (les scientistes, l’usine, la boule, le rayon p. 177). Les thèmes même changent dans ce troisième tome. Si couleur n’est pas devenu inintéressante (p. 225 par exemple), M. Peake se concentre sur la lumière (p. 88) tout en décrivant un autre type d’architecture (p. 46), tout en transparence et de ce qui est peut-être un mi-chemin entre le style international et le monumentalisme totalitariste (du moins en a -t-on l’impression à la lecture). Le niveau de langage, à un tel niveau, permet tout de toute manière (les « contours coruscants » p. 88 !). L’histoire en elle-même montre un Titus jeune adulte pas facile à vivre, mais qui expérimente alors que son enfance ne l’y prédisposait pas. Il y gagne des amis, se fait des ennemis, tout ce qu’il n’avait pas à Gormenghast. Mais surtout il se construit un point de départ dans la vie, un point d’origine de ceux que l’on ne retrouve jamais mais dont la certitude de l’existence permet justement de s’en éloigner. Un très grand roman qui peut perdre son lecteur dans son kaléidoscope aux multiples surprises.
Roman de science-fiction uchronique de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit.
Paris, 1889. L’exposition universelle qui doit célébrer le centenaire de la Grande Révolution bat son plein. La Tour Eiffel a été construite. Le Champs de Mars et le Trocadéro sont couverts de pavillons et de halles qui présentent au public toutes les merveilles produites par le génie humain. Parmi ces nouveautés, une bonne partie a l’éther pour source d’énergie, dont toutes les facettes ne sont pas encore comprises par les scientifiques et qui semble avoir été découverte vers 1875. Ainsi, des taxis volants ont envahi un Paris surplombé par des croiseurs parcourant le ciel et le nombre d’automates en service augmente chaque jour. Aux portes de Paris se dressent les monumentales tours de Métropolis. Margaret Saunders est une jeune actrice à la renommée déjà très importante dont l’amie Aurélie vient de mourir devant l’Opéra en tombant d’un aérocab. Traumatisée par sa mort inexpliquée, Margaret (dite Margo) va requérir l’aide de son frère Théophraste de Barrias Archimbault, aliéniste novateur à Sainte-Anne. Mais la petite enquête que mène les deux jeunes gens semble indisposer quelqu’un de puissant et les deux curieux ne sont pas toujours des plus prudents.
Ce roman écrit à deux mains fait alterner les points de vue, Margo et Théo s’échangeant le rôle de narrateur à chaque chapitre. Il fait la part belle aux clins d’œil, sans lourdeurs : on croise ainsi Auguste Villiers de l’Isle-Adam (l’inventeur du terme andréide/androïde, p. 175), Metropolis n’a pas besoin d’être expliqué (mais on sent comme une légère défiance envers La Défense), le titre en appelle au récit de T. de Quincey paru en 1821 et traduit par A. de Musset et C. Baudelaire, Lovecraft apparaît par l’intermédiaire de livres aux titres évocateurs (p. 79) et Jules Verne n’est pas oublié (le train-obus p. 387, la polysémie dans le nom d’un personnage). Avec de telles références, on ne se situe clairement pas dans une veine hard SF et de petits éléments irrationnels et horrifiques ont été intégrés au scénario. Le réalisme dudit scénario n’est pas non plus le souci ultime des auteurs, avec des personnages principaux qui se font des petites cachotteries assez improbables …
La lecture est très plaisante et tout n’est pas dit sur le monde au premier chapitre, sans que le lecteur n’éprouve le sentiment que l’on cherche à faire plus pour faire plus. Le parallèle entre l’éther et l’atome semble assez clair, mais avec comme limite que l’éther apparaît avant l’invention du moteur à explosion. La séparation entre poésie et automatismes est très étanche dans ce monde faits de changements rapides (ce qu’elle n’est plus depuis les années 60 dans le notre avec les développements de l’informatique). C’est donc la reprise de motifs de la science-fiction française de la fin du XIXe siècle avec des préoccupations des années 50/60 (atome, critique du scientisme autoritariste). Mais cette actualisation est faite de main de maître, entre bonbon acidulé vernien, labyrinthe à la Wolfenstein 3D et un ton cru de la fin du XXe siècle (si J. Verne met en scène des femmes plus émancipées que ses contemporaines, il dévoile moins leurs préférences sexuelles, ni ne décrit la violence de manière aussi directe). Il est bien quelques défauts mineurs (la devise royale anglaise p. 390, Futuropolis pour Metropolis p. 394 ou un vocatif mal maîtrisé dans le cas d’un nom à particule p. 19), mais cela n’atteint pas un récit sans temps mort, aux nombreuses surprises, aux personnages chatoyants et au final cinématographique (quoi qu’un peu court).
(cette araignée mécanique, on se croirait dans un Elder Scrolls … 7,5)
Essai d’histoire politico-économique des chemins de fer en Italie par Albert Schram.
J’aime quand un plan se déroule sans accroc.
Quatorze années après la première ligne anglaise, en 1839, la terre italienne entre elle aussi dans l’ère de la locomotion vapeur terrestre. Mais le plus étonnant, c’est que cette première n’a pas lieu dans le Royaume de Sardaigne, le plus avancé au plan organisationnel, mais dans le Royaume des Deux-Siciles, le moins avancé socialement. D’ailleurs ce premier tronçon relie Naples au palais royal de Portici … Mais très vite, la folie ferroviaire envahie toutes les parties et principautés italiennes et les projets fleurissent. Les réalisations prennent plus de temps. En 1842, la ligne Padoue-Mestre est inaugurée (en Vénétie autrichienne) et en 1853, au Piémont, Turin est relié à Gênes. En six ans, les lignes piémontaises auront rejoint toutes les frontières du royaume (suisse, française et austriaco-lombarde). Mais l’unification italienne, effective en 1860, fait naître d’autres horizons, rend caduques des lignes pensées comme internationales et fait apparaître de nouveaux besoins. Les réponses vont varier au gré des gouvernements … A. Schram embrasse toute cette période dans ce livre, en prenant en considération non seulement l’installation de ce nouveau moyen de transport en Italie, comment il est vu par les différentes entités politiques et son effet sur l’économie italienne.
Comme ce livre est tiré d’une thèse, il est assez normal qu’il débute par une mise au point historiographique (sans doute très réduite par rapport au texte d’origine). Puis, dans un premier chapitre, A. Schram plante le décor en analysant les différentes conditions faites a chemin de fer en Europe et aux Etats-Unis : influence minimale de l’Etat au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (où subventions ou achat de terres sont très rares) ou la nationalisation en Prusse en 1879 par exemple. Les considérations stratégiques sont très fortes pour les Etats de l’Europe continentale (et les campagnes des différentes guerres d’Indépendance italienne ont montré l’importance du train pour les mouvements de troupes), et cela a une influence sur la capitalisation des compagnies et leurs actions en cas de conflit (p. 15). L’auteur détaille aussi les deux lois majeures qui régulent le chemin de fer en Italie, à savoir celles de 1865 (portant sur l’investissement, l’expansion du réseau et la tarification) et de 1885 (nationalisation des infrastructures mais transport par trois compagnies privées avec participations étatiques avec pour objectif d’unir le Sud au Nord du pays). En 1905, ces trois compagnies sont nationalisées devant leur incapacité à offrir un service de qualité. Conséquemment, l’auteur propose (p. 25-26) quatre phases dans le développement du chemin de fer transalpin : de 1839 à 1865 (compagnies privées et étrangères et un réseau principalement construit entre 1861 et 1865), de 1865 à 1885 (cinq compagnies privées et la compagnies piémontaise est privatisée et acquisition des infrastructures à partir de 1878), puis de 1885 à 1905 (répartition géographique stricte des compagnies, seconde vague de constructions entre 1885 et 1890) et enfin de 1905 à nos jours.
A. Schram met en lumière la multiplicité des approches dans les différents Etats italiens d’avant 1860. Dans le royaume lombardo-vénète, la ligne Milan-Monza (ouverte en 1840) est la seconde construite dans l’empire d’Autriche (p. 35) et la première ligne piémontaise n’est ouverte qu’en 1848. Ces Etats se concertent dans des conférences, avec pour but d’ouvrir des lignes les reliant entre eux. Si la Toscane est un peu à la traine, les Etats pontificaux bénéficient de l’expérience française (avec ses objectifs stratégiques propres de garnison) après avoir échoué à imposer son plan de lignes à bâtir en premier aux potentiels investisseurs (sans garanties tarifaires p. 38). Mais l’auteur montre aussi les grandes difficultés économiques que rencontre le rail italien : en 1875, un km de rail rapporte 18 700 lires en Italie, pour 55 962 lires en Grande-Bretagne et 42 000 en France …
Ces comparaisons sont très présentes dans cet ouvrage, qui se trouve être un bon mélange entre histoire politique et économétrie (consciente de ses limites). On en retrouve beaucoup, avec plusieurs tableaux, dans le second chapitre. La comparaison entre les différents réseaux nationaux européens s’y poursuit (même s’il n’y a aucune définition de l’Allemagne, qui peut désigner des agrégats très différents entre 1840 et 1900, p. 69), avec une analyse des marchandises transportées par km de voie, leur nombre pour 1000 habitants ou encore la densité du réseau ou sa répartition par région. Pour A. Schram, ces analyses montrent que l’unification économique a été trop rapide pour l’économie du Sud qui n’a pas eu le temps de s’adapter. Les acteurs économiques du Mezzogiorno, et principalement ceux de l’industrie, n’étaient pas prêts devant les importations du Nord (p. 83-84) mais que cela ne conduit pas pour autant tout de suite à l’émigration de ces mêmes populations : Celles-ci ne partent d’ailleurs qu’une génération plus tard, dans les années 1890, bien après les habitants de la Vénétie (p. 85-86), qui n’avaient pas profité des investissements de 1860 à 1865 puisque toujours possession autrichienne. De ce fait, l’auteur combat l’idée (une fin de comète en 1997 quand paraît ce livre) que le Nord a colonisé le Sud (dont l’espace est organisé de manière bien différente, p. 87 et qui a reçu plus d’investissement, p. 161). Pour lui, le développement du Nord s’est fait avec ses propres forces (p. 96, comme un petit pays p. 160), pour qui tout n’était pas rose non plus (plus de maladies et de malnutrition en Toscane qu’en Campanie par exemple).
Pour finir, dans un troisième chapitre, A. Schram s’intéresse au trafic. Du fait de la tarification aux mains de l’Etat après 1885, la modulation des tarifs des compagnies privées était presque impossible, ce qui défavorisait les régions déjà moins favorisées. Mais en plus, couplé au système de subventions, si la construction de nouvelles lignes était encouragée, leur utilisation ne l’était pas. Passé un certain trafic, le ligne redevenait déficitaire (p. 120-122) … La présence de lignes dites internationales renforçait ces inégalités territoriales, en vertu d’accord commerciaux internationaux. Selon que le point d’arrivée était sur la ligne internationale ou pas, le prix du transport pouvait doubler (p. 126). Par conséquent, des entreprises déménageaient pour profiter de ces prix plus bas … L’auteur propose ensuite quelques comparaisons, qui montrent aussi les limites rencontrées par le chemin de fer. Le cabotage (qui bénéficie lui aussi des apports de la vapeur), très présent dans le Sud avec ses grandes villes côtières, restait bien plus efficace pour le transport de marchandises entre ces mêmes villes. De même, les liaisons internationales, vers la France, l’Autriche et la Suisse, ne profitent pas vraiment à l’Italie (sauf peut-être pour les productions horticoles du Sud). Le transport par la route lui-même n’est que progressivement éliminé des axes desservis par le train et se réfugie sur les axes secondaires. Sur la ligne Milan-Venise (265 km, précédée comme souvent par une ligne télégraphique), en 1855, le train met 12 heures et 35 minutes tandis que la diligence a besoin de 13 heures. En 1861, on passe à 10 heures et 16 minutes (soit 25 km/h). En 1880, la vitesse atteint les 38-45 km/h et en 1889, elle atteint 48 km/h. Mais sur toute la période, il n’y a que deux trains de passagers par jour (p. 149) …
Dans la partie sur l’effet du chemin de fer sur l’économie italienne, tout n’est malheureusement pas clair, ou manque peut-être d’explications supplémentaires (qui étaient peut-être dans la thèse). Ainsi , sur les industries qui se rapprochent de leurs marchés mais qui en même temps peuvent s’éloigner de leurs sources d’énergie (p. 155), il manque des éléments explicatifs. Où peut se relocaliser une scierie ayant besoin de bois et de houille blanche ? La conclusion de ce troisième chapitre est par contraste d’une très grande clarté, tout comme la conclusion générale de ce livre : devant importer tout ce qui était nécessaire à la construction d’un réseau, rails comme matériel roulant, l’Italie n’était manifestement pas prête pour la révolution ferroviaire (p. 162). Suivent en fin de volume une bibliographie et un index.
La multiplicité des approches est le grand point fort de cet ouvrage bien construit. Passant aisément de statistiques sur les tonnes transportées aux discussions entre actionnaires de compagnies de chemin de fer, A. Schram (à la vie universitaire pour le moins variée et parfois même déplaisante comme le montre son blog) produit ici un livre qui se lit avec plaisir parce qu’il sait cultiver la curiosité du lecteur et que l’auteur sait regarder autour de son sujet (le cabotage). Les illustrations auraient pu mériter encore un meilleur traitement, avec des cartes plus lisibles. La masse de documents consultés a bien entendu été grande et vraisemblablement éparpillée et au vu d’une remarque en note sur le développement des feuilles de calcul, beaucoup de calculs statistiques ont dû être fait de manière artisanale (le travail de recherche a été fait au début des années 90). Il est quelques petites erreurs, comme par exemple parler d’un empire austro-hongrois avant 1867 (p. 37), mais comme souvent, ce sont des épiphénomènes dans un livre qui en plus de faire mieux connaître l’installation du train en Italie éclaire de manière inattendue les différents Etats d’avant l’union.
(la ligne Gênes – La Spezia ouverte en 1970, p. 109, est souterraine à 60% … 8)
La démocratie et les Juifs
Essai sociologico-historique de Dominique Schnapper.
Une épreuve ?
Tout le monde ne devient pas citoyen en France avec la Révolution. Il y a des allogènes, et le cas ne fait pas débat. Mais que faire des Juifs ? Peuvent-ils devenir des citoyens (comme les protestants, les comédiens et les bourreaux peuvent-ils l’être en tant qu’individus ? Sont-ils irréductibles en tant que peuple ? Le décret d’Emancipation, voté le 27 septembre 1791 clôt un débat entamé au milieu du XVIIIe siècle et fait des Juifs des citoyens français presque à l’égal des autres (l’obligation de serment est abolie à la Restauration). C’est le premier cas au monde, qui n’éradique pas l’antisémitisme, mais qui enclenche un tournant fondamental pour les populations juives de France et très vite d’Europe. Ce sont ces conséquences qu’analyse la sociologue Dominique Schnapper.
Mais avant cela, l’auteur détaille dans un premier chapitre ce qui conduit au décret d’Emancipation, le décret lui-même (les résistances de deux côtés p. 31) et ses premières conséquences en Europe (avec en regard le cas amstellodamois p. 39, sans droits mais avec des privilèges), où le long XIXe siècle voit les empires disparaître au profit des Nations (en Bohême, les Juifs sont une minorité au cube p. 57). De peuple, les Juifs deviennent une communauté religieuse (p. 59).
Puis dans un second temps, D. Schnapper explique au lecteur ce qu’il faut entendre quand elle parle de la Tradition. Elle décrit donc la culture juive dans son versant quotidien, avec les implications que cela a vis-à-vis des voisins non-Juifs (un droit des péages comme les animaux p. 36). Le troisième chapitre relativise la rupture en comparant les communautés avant et après l’Emancipation, en France, en Europe (avec un accent mis sur la Pologne) et dans le monde. La modernité engendre par exemple comme réaction l’émergence des haredim mais aux Etats-Unis, si au départ les immigrants Juifs reconstituent les shtetl d’Europe orientale, en trois générations ils sont majoritairement des Juifs de rite libéral habitant des banlieues bourgeoises (p. 167-168).
Le chapitre suivant s’intéresse au succès de l’Emancipation en précisant le concept d’intégration, en détaillant la mobilité sociale selon les pays et en explorant le lien entre les Juifs et le patriotisme dans l’âge des nationalismes. Cette question de l’intégration est encore développée dans le chapitre suivant, en distinguant intégration culturelle et intégration structurelle (p. 186), y compris leurs limites. La question des colonies (Juifs indigènes et Juifs de la métropole) est limitée aux cas de l’Afrique du Nord et des Indes.
Dans le sixième chapitre, D. Schnapper continue sa progression chronologique et parle d’une promesse démocratique trahie entre 1918 et 1945 (pas toujours de manière convaincante comme à la p. 233). Pus vient la question du sionisme et de l’apaisement patriotique chez les Juifs d’Europe (peut-on être citoyen et en Exil ?). Le livre s’achève, dans un dernier chapitre sur le questionnement de la Tradition dans un monde post-traditionnel, entre persistance, réinterprétation et esprit démocratique.
Dans ce livre, D. Schnapper utilise naturellement de nombreux concepts sociologiques (celui de « groupe paria » p. 114 par exemple) et n’hésite pas devant la critique historiographique (p. 169-170 par exemple), ce qu’elle peut aussi faire par petites touches (ex. p. 221). La conclusion finale est très bonne et son ouverture sur le besoin de Tradition qu’a aussi la démocratie est très bien sentie.
Mais il y a tout de même beaucoup de simplismes historiques, comme en ce qui concerne les confréries étudiantes allemandes (qui selon l’auteur sont toutes fermées aux Juifs p. 191), l’utilisation de terme comme l’Etat Français (hors période 1940-1944, p. 162), l’adjectif vichyssois au lieu de vichyste (p. 271) ou encore le qualificatif trop commode de néo-fasciste pour l’AfD (p. 282). On ne peut pas non plus dire que la Rhénanie est envahie par l’Allemagne en 1936 (254), que Francois-Joseph a été le dernier empereur d’Autriche-Hongrie (p. 51) ou que le gouvernement autrichien a déclaré récemment ne pas vouloir de Juifs en Autriches (p. 283). Embêtant … A cela s’ajoute que ce livre n’est pas toujours écrit avec toute la clarté requise.
Ce livre, très accessible, est donc un peu plombé par ces petits défauts mais donne tout de même une bonne idée des relations des liens qui unissent judaïsme et modernité démocratique.
(Moïse vu comme le premier républicain par certains Juifs français … 6)
Titus d’Enfer grandit et il est pour lui temps d’aller à l’école, comme n’importe quel garçon de Gormenghast. Le corps professoral du château n’est pas ce que l’on qualifier de très appliqué. Chacun d’eux s’attache à en faire le moins possible, sous la direction très lointaine du principal Baillâmort. Mais Titus ne peut pas être un élève comme les autres. Il est le 77e comte de Gormenghast et doit donc à ce titre quotidiennement participer à des rites abscons. Il développe une aversion pour sa charge et commence à développer des envies d’évasion, ce qui est côtoyer la traîtrise pour le château. Brigantin, le maître des rituels, n’a cure de son jeune âge et de ses envies. Finelame de son côté a su se rendre indispensable comme assistant de Brigantin et de fait renforce son emprise sur le château, encore inattentif à son pouvoir grandissant. Mais Finelame n’a pas la patience du château et il veut accélérer son mouvement vers le sommet, quitte à commettre une erreur et donner la puce à l’oreille à la comtesse ou aux loyaux serviteurs de la tradition. Par hasard, Titus trouve le moyen de sortir incognito du château et goûte à la liberté et à la passion, avec tous ses dangers. Si les relations de Titus avec sa mère sont toujours distantes, sa sœur Fuchsia l’aide tout en prenant garde à ne pas outrepasser les limites. Le docteur Salprune, très proche lui aussi des enfants d’Enfer doit aussi prendre en considération les envies de mariage de sa sœur Irma, qui a décidé de trouver un mari parmi les professeurs …
Nous voilà de retour à Gormenghast, tentaculaire labyrinthe castral menaçant ruine. L’attention coloriste de l’auteur ne faiblit pas dans ce second tome (les couleurs s’animent même) et sa réflexion sur la liberté se développe dans une autre direction. Si dans le premier volume, le comte Lord Tombal était dans un exil intérieur qui s’achève quand brûle sa bibliothèque, M. Peake montre au lecteur qu’il existe bel et bien un dehors que les habitants du château ne veulent pas voir. C’est dehors que Titus quitte l’enfance et s’il se révèle en comte de plein exercice, son plus profond souhait reste de ne justement pas l’être, de partir pour des contrées où son patronyme ne signifiera rien. Ainsi, l’artiste s’élèvera contre le symbole (et l’auteur contre les institutions étouffantes). Dans ce paysage thématique, le motif des oiseaux est central (annoncé p. 102). Le plaisir de l’auteur est aussi visible dans la galerie de portraits, très caustiques, que lui permet le corps professoral. Pris ensemble, la charge contre les enseignants et l’école peut être très rude. Les philosophes insincères en prennent aussi pour leur grade (chapitre XIII). C’est avec ces professeurs, mais aussi avec une foule de serviteurs et gardes, que se peuple Gormenghast, bien plus que dans le premier volume qui pouvait laisser à penser que seules dix personnes y avaient vraiment élu domicile.
Le monde de M. Peake reste, comme dans le premier tome, à la lisière de la fantasy, dans une ambiguïté qui s’appuie sur l’absurde (mais un absurde délicieux). Mais on n’est pas pour autant dans un monde ouaté, car la violence peut toujours faire irruption, sans appel (p. 156 par exemple).
Si l’hommage aux billes donne le sourire au lecteur (p. 213), le ton général reste très pessimiste, à la limite du désespéré (p. 582). Cela se conçoit si l’on compare la stase de Gormenghast à une religion romaine où absolument plus personne ne comprendrait les rituels. Mais ce désespoir ne peut être séparé de son incroyable écrin de mots, envoyant au lecteur sans relâche ses visions colorées, aux rythmes changeants et au final haletant (et harmonieusement développé de surcroit).
Personne ne ferait l’impasse sur le troisième volume !
(la quatrième de couverture parle bêtement deux fois de la fin du livre … 8,5)
Essai d’archéologie centre-italienne de Charlotte Potts.
Même d’Orvieto on ne sait pas tout.
Le temple antique, tel que tout le monde le connaît avec ses colonnes, ses chapiteaux et son fronton, n’est pas sorti de terre avec la fondation des cités en Italie. Comme tous les autres types de bâtiments, les édifices cultuels évoluent au cours du temps, mais le temple italique, qu’il soit latial ou étrusque, semble apparaître très soudainement à la fin de l’époque archaïque, sans avertissement. Mais est-ce si différent en Grèce ?
L’objectif de C. Potts est d’explorer cette émergence au VIe siècle avant notre ère (la fin de l’époque archaïque) en Italie centrale et sur sa face tyrrhénienne. Après une chronologie, une liste des abréviations et deux cartes, l’introduction fait part au lecteur du cadre dans lequel l’auteur inscrit son étude, entre la volonté de bien différencier les éléments latins des éléments étrusques (et de ne plus confondre sous le vocable étrusque toutes les découvertes antérieures à la république romaine) et celle de faire bien comprendre au lecteur que la présence d’activités religieuses n’est pas si simple à détecter. Elle liste ensuite les éléments qu’il y aura à prendre en considération en Italie centrale : podiums, autels, dépôts votifs, inscriptions, exceptionnalité des artefacts, miniaturisation, reste végétaux ou fauniques, représentations figurées et lieux (p. 8).
Le premier chapitre décrit le passage des dépôts votifs aux bâtiments cultuels, appelées huttes sacrées. Ces dépôts votifs peuvent être dans des abris sous roches (mais que jusqu’au début du premier millénaire avant notre ère p. 13) des bois ou près de sources, lacs ou cours d’eau. Ces lieux propices aux rapports avec le divin ne semblent pas nécessiter d’abris dans un premier temps. Mais à partir du Xe siècle (avant notre ère, comme toutes les datations dans cet article), des structures liées à ces dépôts votifs commencent à apparaître. L’auteur détaille ce qu’il faut comprendre par huttes sacrées, commençant par leur présence chez les auteurs latins puis s’intéressant aux continuités topographiques, à leur lien avec les sépultures d’enfants ou la nature de leur lien avec les activités rituelles (en leur sein, non loin). Des découvertes archéologiques (principalement des urnes cinéraires) permettent d’envisager leur éventuelle décoration (p. 20-24). C. Potts renseigne évidemment le lecteur sur la localisation des huttes sacrées qui ont été retrouvées (très peu nombreuses) et ce que l’on peut en conclure, à savoir qu’il est très difficile de différencier une hutte sacrée d’une habitation et que donc il est difficile de présupposer une identité de fonction entre une hutte et un bâtiment cultuel postérieur sur le même emplacement. Une hutte retrouvée sous un temple n’est pas non plus forcément la plus grande du village, ni que les huttes sacrées potentielles fussent dans une position de centralité (p. 30).
La question de la continuité fonctionnelle étant réglée, C. Potts passe dans le chapitre suivant à l’architecture des premiers temples et sanctuaires. Après une rapide typologie, l’auteur brosse rapidement le tableau des théories les plus répandues sur le VIIe siècle centre-italique avant de plus développer sur les preuves d’une nouvelle manière architecturale de signifier la distinction. C. Potts distingue 25 exemples, dont le plus emblématique, et peut-être le plus ancien, est le temple dit de San Omobono sur le Forum Boarium à Rome (dédié à Mater Matuta). Les cas de la Regia (que seules les sources littéraires qualifient de ce nom p. 36) à Rome et le site de Poggio Civitate (exemple d’ambiguïté architecturale fin VIIe-début VIe, p. 37) sont aussi discutés. La question du podium en lui-même est discutée sous ses nombreux aspects (car il faut en premier lieu le distinguer de la terrasse par exemple, p. 42). Il y a une claire volonté, dans la construction d’un temple sur podium, de se démarquer de la pratique jusqu’alors en vigueur au VIe siècle et distinguer un bâtiment religieux de son environnement. Il y a donc monumentalisation (rareté, visibilité, durée, matériaux en grande quantité et qualité). De manière plus inattendue, la mode prend d’abord dans le Latium (mais sous influence étrusque ? les Tarquins pour faire mieux qu’à Tarquinia ? p. 45) avant que l’Etrurie ne participe ensuite au mouvement.
Et comme la monumentalisation est un phénomène qui nécessite l’emploi d’une couteuse décoration, C. Potts aborde ce sujet dans le quatrième chapitre. Première caractéristique de la décoration de ces bâtiments religieux d’un nouveau type, temple comme sanctuaire, le toit tuilé marque une différence flagrante avec les toits de joncs ou de chaumes de la période précédente. A ces tuiles sont ajoutées des décorations elles aussi en terre cuite (et qui le plus souvent protègent des intempéries des parties ligneuses). Mais ces décorations ne sont pas l’apanage exclusif des bâtiments religieux et des bâtiments civiques ou privés (il est question des Bachiades, liés aux Tarquins, p. 59) peuvent être dotés de ce type de décorations, surtout en Etrurie et ce jusque vers 510 (p. 57). De plus, et l’auteur nous le démontre à l’aide de son catalogue, l’usage de telles décoration est limitée en nombre et en motifs (liés à la production céramique). L’auteur avance plusieurs théories quant à cet usage parcimonieux (impératif religieux, choix politiques ou processus d’hellénisation, p. 59-61). A la fin VIe siècle, les décorations tectoriales sont considérés comme parfaitement adaptées à l’ornement de l’architecture religieuse, d’abord dans le Latium puis en Etrurie. Les thèmes reprennent ceux déjà en usage dans d’autres lieux.
Le cinquième chapitre s’écarte du temple en lui-même pour considérer son environnement immédiat avec les autels et les statues de culte. Il y a peu souvent un lien direct entre le temple et un ou des autels disposés alentour (dont la plupart sont retrouvés en contexte funéraire p. 67-68), et il peut arriver qu’il n’y ait pas de ligne de visibilité entre un autel et le temple (mais le sacrifice est-il seulement public ? semi-public ? ?) ou même qu’il soit en intérieur tout en utilisant du feu ou juste un puit destiné à des sacrifices liquides (p. 73). De plus, la monumentalisation des temples ne s’accompagne pas d’une monumentalisation des autels : certains sont de simples cercles de pierres encore au IVe siècle (p. 68). Ce que nous savons de la religion romaine de l’époque républicaine tardive ne semble pas pouvoir s’étendre aux pratiques archaïques, a fortiori en Etrurie. Il y a ainsi des disparités régionales et certains autels cachés aux regards peuvent avoir servi à la divination, surtout en Etrurie (p. 74).
Pour ce qui est des statues de culte, C. Potts souligne d’abord la difficulté qu’il y a à les identifier comme telles. Elle présente ensuite trois cas possibles (la Minerva Tritonia de Lavinium, la Vénus de Cannicella à Orvieto et la tête de Junon de Civita Castellana) avant de les discuter. Le grand problème reste qu’aucune base de statue n’a été retrouvée en Italie centrale à l’époque archaïque, pas plus que de niches (p. 79) alors pourtant que des acrotères représentants des héros ou des divinités sous forme anthropomorphiques sont communs à partir de la seconde moitié du VIe siècle. Ces statues de culte étaient-elles en bois (pour les Romains eux-mêmes il n’y a pas de statues avant le VIe p. 82) ? Est-on en présence d’aniconisme, très répandu en Méditerranée ? Ces questions font bien entendu partie du propos de l’auteur qui conclut à l’indépendance des trois éléments temple, autel et statue et à une absence de statues de culte dont aucune n’est mentionnée avant le Ve siècle. Conséquemment, le temple est un lieu de rituel mais pas forcément la maison d’un dieu. Le cas de San Omobono est cependant particulier ici, avec un lien clair entre le temple et l’autel.
Fort de cette conclusion, C. Potts postule donc dans le chapitre suivant que la monumentalisation n’a pas à voir avec l’environnement immédiats mais est à replacer dans une topographie plus large, à l’échelle de l’établissement qui accueille cette nouvelle forme. L’auteur compare donc les localisations de ces premiers temples archaïques dans le Latium (Rome, Satricum) et en Etrurie (Pyrgi, Véies et Vulci). Tous ces exemples montrent une volonté de se rendre accessible aux voyageurs et aux marchands, sans continuité fonctionnelle. L’époque archaïque inaugure une tradition (p. 88). Potts en profite pour critiquer le fait de classer les temples en urbain/extra-urbain/rural (p. 97-98).
Le dernier chapitre explore différents modèles d’explication de l’émergence de temples sur podium en Italie centrale (développement naturel, changements sociopolitiques et changement de fonction). Mais l’auteur met l’accent sur les contacts culturels et commerciaux en Méditerranée entre 750 et 500, mettant en rapport la monumentalisation des temples en Grèce continentale, en Asie mineure, à Naukratis en Egypte et en Grande Grèce. Pour C. Potts il faut voir dans la place des temples au sein des réseaux commerciaux une ritualisation des interactions et une ritualisation des échanges au même moment partout sur le pourtour méditerranéen (sans stimulus grec, p. 110), où le temple a pour but de mettre en confiance les marchands et les visiteurs en leur présentant un terrain favorable à la reconnaissance des ressemblances entre les divinités nationales (comme dans le cas d’Uni-Astre sur les tablettes d’or de Pyrgi). Des marchés sous protection divine en quelques sortes, où l’on peut se rassembler et interagir en paix, où la présence divine des huttes sacrées est mise au profit du commerce international (ce que la très courte conclusion rappelle).
L’appendice veut apporter une réponse aux lecteurs attentifs qui auront remarqué que le temple de Jupiter Optimus Maximus (construit à la fin du VIe siècle sur le Capitole) occupe une place congrue dans ce livre puis l’auteur présente son catalogue sur une vingtaine de pages avant de laisser la place à une bibliographie d’un très beau volume et un index. Le volume est complété par des planches d’illustration.
Si le livre est d’une grande densité et s’adresse à un public très averti, il se lit avec une très grande aisance. La critique y est toujours fine (remarquable p. 75-78 pour ce qui est des trois statues de culte) et très solidement documentée, avec des références qui sont à ce même niveau d’excellence. Il est de passages tout bonnement passionnant, comme celui sur les autels (sacrifices liquides, autels intérieurs) ou sur la topographie des sanctuaires et comment les visiteurs les approchent. Les tableaux permettent de très utiles comparaisons entre les sites et forment d’utiles résumés dans les chapitres. C’est de la très belle science et on l’aura compris, cet ouvrage est fondamental pour comprendre la naissance du temple italique sur podium, tout en donnant plein d’idées que l’on souhaiterait pouvoir creuser plus avant. Elle est peut-être juste un peu rapide pour dire que le Fanum Voltumnae peut maintenant être localisé.
C. Potts se positionne de manière originale avec un angle d’approche mettant à égalité Latium et Etrurie, ce qui permet de montrer certaines innovations latines, un peu moins dans l’ombre imposante de l’Etrurie et se détachant des Grecs comme agents civilisateurs ubiquitaires.
(Rome n’est pas forcément à cette période à la remorque de l’Etrurie et est même en avance sur le plan de la distinction humain/divin des bâtiments … 8,5)
Essai de polémologie fondamentale de Eric Clémens.
Obscurité ?
Avec ce livre, E. Clémens a pour objectif de déterminer comment le phénomène « guerre » est apparu. Parce que s’il est apparu, c’est-à-dire dans certaines conditions de développement humain, il peut selon l’auteur disparaître si l’expérience humaine revient aux conditions d’avant son apparition.
Pour explorer l’émergence de la guerre au sein des sociétés humaines, E. Clémens critique tout d’abord l’une après l’autre différentes hypothèses : ludique, éco-technique, socio-politique stratégico-politique et bio-animale. Pour discuter l’hypothèse ludique, l’auteur s’appuie sur le livre Homo ludens de J. Huizinga qui postule que le jeu précède la guerre : activité libre, gratuite, délimitée dans le temps et l’espace, agonique, réglée mais ouverte au hasard et vertigineuse (p. 21). La théorie éco-technique se base quant à elle sur un retournement de l’homme chassé en homme chasseur (selon B. Ehrenreich). Les nécessités de la défense encouragent un développement de l’intelligence, des outils et du langage (p. 32). La notion de sacré n’est jamais loin. L’explication socio-politique, basée sur P. Clastres (La société contre l’Etat, paru en 1974), pense que la guerre est née dans le société tribales pour se protéger de l’émergence de l’Etat en se mettant, grâce à la guerre, à distance des uns des autres et en empêchant l’émergence de chefs au pouvoir normatif (et donc autre que guerrier). L’explication stratégico-politique prend C. von Clausewitz comme base de départ et en dégage un triptyque violence massive/jeu stratégique/fin politique (sous un déluge de citations qui confine à la noyade). La dernière hypothèse, dite bio-animale, est très vite mise de côté.
La seconde partie du livre va ensuite se tourner vers la psychanalyse pour expliquer l’émergence de la guerre. S. Freud est bien sûr commenté (principalement en se basant sur son fameux échange épistolaire avec A. Einstein en 1932). S. Freud dégage deux types de causes : internes (avec des haines séparatrices) et externes, les différences de vie matérielle et de valeurs (p. 93). Mais E. Clémens emmène aussi le lecteur consulter Héraclite, G. Hegel, E. Kant, J. de Maistre, F. Nietzsche et G. Bataille et R. Caillois. Il en tire des thématiques vues comme communes dans la conclusion du chapitre où s’entrecroisent Etat, langage, négativité, puissance, naturalisme et division originaire.
Dans un troisième temps, l’auteur veut démontrer à la suite des deux précédents chapitres qu’il y a deux étapes dans le phénomène « guerre ». La première serait ainsi rituelle et sacrée jusqu’à la souveraineté et la seconde serait celle de la souveraineté dans la déritualisation (p. 116-121, fruit de la distance, de l’anonymat et de la massivité). La conclusion, propose d’explorer les liens entre guerre et paix, principalement selon le prisme du langage, et en insistant sur l’ambiguïté du politique.
Cet ouvrage souffre d’un défaut congénital, celui de vouloir construire une définition tout au long du texte, au lieu d’en proposer une de suite quitte à l’amender. Devant originellement être un article de journal, il souffre aussi de sa brièveté. Très philosophique et psychanalytique (lacanien), il fait bon marché de l’Histoire (simplification du lien entre Holocauste et Seconde Guerre Mondiale p. 30, l’annexion de la Serbie en 1999 p.65, etc.). Sa vision des monothéismes mérite aussi d’être discutée, tant on se rapproche de simplismes dommageables et qui peuvent engendrer des confusions.
Que l’auteur refuse l’idée de morale à la tribu primitive – qui seraient toutes identiques – est aussi dérangeant et on ne sait sur quoi se base E. Clémens quand il parle de guerriers à mi-temps et de femmes rétives (p. 49). Du côté des sources justement, R. Aron n’est cité que pour son livre sur Clausewitz, mais rien sur Paix et guerre entre les Nations. Par ailleurs, il est parfois dur de distinguer l’auteur de ses sources et ceci ne rend pas l’ouvrage plus facilement compréhensible. Le concept de guerre comme fête noire, de fête inversée avec le recul de la religion et l’industrialisation a par contre quelques attraits (p. 106), une action festive de plus « diluée dans la passivité spectaculaire, dictée et contrôlée par les profits des annonceurs » (p. 142). Mais malheureusement, la levée de l’interdit de l’inceste par la fête (comme celle du meurtre par la guerre) n’est pas expliquée (d’après R. Caillois p. 143).
C’est donc un ouvrage hautement spéculatif. A chaque fois que l’auteur se rapproche de la pratique apparaissent les limites d’une telle démarche, comme le montre les nombreuses approximations historiques. La réflexion présentée est loin d’être inutile mais il est douteux qu’elle puisse aider à régler des problèmes politiques immédiats. Si la cause peut aussi être la solution, il faut pouvoir d’abord dénouer ce paradoxe.
(qui cite encore l’encyclopédie Universalis p. 66 …5,5/6)
L’inconvénient d’un pays qui place au pinacle ses écrivains, c’est que ces derniers obtiennent la capacité d’obscurcir la manière dont est faire l’histoire. Ainsi, le mot de V. Hugo sur Napoléon III, affligé de l’épithète de « le Petit ». La déception de ne pas être devenu ministre de l’exilé de Jersey et Guernesey a donc influencé profondément la manière dont on a vu, pendant des décennies, les 23 années de la présidence et du règne de Napoléon III. La Troisième République, née de la défaite de Sedan, n’allait bien entendu pas avaliser les choix de l’empereur, qui pourtant était bien plus socialiste qu’eux. Avec les Trente Glorieuses et en 1958 le retour d’un pouvoir approchant le bonapartisme, la vision de l’action du premier président et du dernier empereur français commence à changer. Les études faites par les étrangers commencent aussi à infuser dans les cercles universitaires français au point que, en 2019, on reparle du projet déjà ancien de rapatrier les cendres de la famille impériale depuis l’Angleterre. Une considération dont ne bénéficient pas les autres souverains exilés …
La biographie commence de manière attendue par l’environnement familial de Louis-Napoléon Bonaparte, né Charles-Louis de Hollande en 1808. Fils de Louis Bonaparte et de Hortense de Beauharnais, il est le neveu l’un des neveux de Napoléon Ier mais aussi le petit-fils de l’impératrice Joséphine. En 1815, il part vivre avec sa mère à Arenberg, au bord du Lac de Constance. Avec son frère aîné Napoléon-Louis il s’engage pour l’unité italienne mais sans appartenir à la société secrète de la Charbonnerie (son frère décède en Italie en 1831). Officier dans l’armée suisse, il se passionne pour l’artillerie et écrit un manuel qui connaît le succès. Avec la mort de Napoléon II et de son frère aîné, il devient le prétendant impérial et tente une première fois de prendre le pouvoir au travers de la tentative de coup d’Etat de Strasbourg en 1836. L’échec le conduit à voyager aux Etats-Unis puis en Angleterre. De l’Angleterre, Louis-Napoléon retente sa chance en 1840 en débarquant à Boulogne, projetant d’entraîner la garnison locale à sa suite. Nouvel échec. Il est cette fois-ci enfermé au fort de Ham, une détention qui lui permet de beaucoup lire, d’écrire (il est l’auteur de nombreux livres et brochures tout au long de sa vie) et de rencontrer de nombreux visiteurs. Après s’être échappé grâce à un déguisement, il retourne en Angleterre en mai 1846 via la Belgique. La fin de la monarchie de Juillet au printemps 1848 lui permet de revenir en France et il est plusieurs fois élu député. Le 10 décembre 1848, il est élu président de la République, le premier de l’histoire des républiques françaises.
Mais l’opposition est telle entre la Chambre des Députés et la présidence que cela ne peut se régler que par un coup d’Etat, venant d’un côté ou de l’autre. Louis-Napoléon prend l’initiative et le 2 décembre 1851, il s’institue dictateur avant, exactement un an plus tard de proclamer l’Empire au travers d’un plébiscite. Chef de l’Etat et en même temps chef du gouvernement, les ministres ne sont responsables que devant lui. Le Corps législatif n’est cependant pas fermé à une opposition, néanmoins très réduite par le système de la candidature officielle. L’empire use de censure et de répression que peu de temps et de nombreux exilés de 1852 rentrent dans les années qui suivent. Le régime ne se veut pas libéral mais veut réglementer l’industrialisation qui s’accélère dans le pays. Canaux, voies ferrées et usines se multiplient. A partir de 1859, l’empereur apporte des modifications constitutionnelles qui donnent de plus en plus de liberté aux élus, ouvrant ainsi la période dite de l’empire libéral. Cela va si loin qu’en 1870, l’empire est une monarchie constitutionnelle avec à la tête du gouvernement (et au grand déplaisir des soutiens napoléoniens de la première heure) le républicain E. Ollivier. Conscient du danger de la Prusse après la bataille de Sadowa en 1866, l’empereur ne parvient cependant pas à faire passer sa réforme militaire laissant l’armée dans un état pour le moins insatisfaisant (un second Empire sans la contrainte des dictatures et sans la force du sacrifice patriotique des gouvernements libéraux p. 57), comme le montre la guerre franco-allemande de 1870. Malade, l’empereur est pourtant contraint de commander l’armée, après le fiasco de la déclaration de guerre et son enchaînement d’incompétences. Défait à Sedan, il capitule et part pour Cassel comme prisonnier de guerre. A la fin de la guerre, plus utile à Bismarck comme prisonnier et ne pouvant (pour le moment pense-t-il) rentrer à Paris, il retourne une nouvelle fois en Angleterre où l’attendent déjà l’impératrice Eugénie (épousée en 1853) et son fils le Prince impérial (né en 1856). Il meurt en Angleterre en 1873, après une longue maladie de la pierre.
Cette biographie est une biographie à l’ancienne comme le dit expressément l’auteur (et donc n’est pas le prétexte pour brosser un tableau bien plus large comme l’a fait S. Kracauer avec sa biographie de J. Offenbach). Le contexte n’est évidemment pas absent (E. Anceau parle de personnes de leur temps) mais on reste concentré sur Napoléon III. Les 600 pages que compte cet ouvrage sont d’une grande clarté tout en ne faisant pas de concession à la facilité historique, avec de très nombreuses notes. Certaines choses sont bien connues du public et ne seront pas des nouveautés pour le elcteur déjà un peu renseigné. Comme par exemple l’intérêt de l’empereur pour l’archéologie et pour Jules César (dont il écrit une biographie avec l’aide d’historiens professionnels). Mais d’autres éléments permettent une mise à jour motivée scientifiquement. Ainsi, si l’impératrice soutenait un parti catholique ultramontain, elle n’était pas bigote et très engagée pour la scolarité des filles (p 231). D’autres volontés politiques ou réalisation ont été oubliée ou escamotées par la propagande républicaine de l’après 1870. Napoléon III souhaitait la création d’un royaume arabe en Algérie ( avec nationalité française p. 415), a autorisé les syndicats, veut l’abolition du livret ouvrier (p. 461), envisage l’intéressement des mineurs aux bénéfices des mines (p. 483) et souhaitait déjà une école obligatoire et gratuite (p. 425). Napoléon III avait une vision stratégique planétaire (p. 272-273), une patience et une ténacité farouche dans la conduite des réformes qu’il voulait mener (des reculs tactiques, pas des abandons), guidé par une pensée saint-simonienne véritable, un intérêt dès son plus jeune âge pour le droit des peuples et les classes laborieuses (il fustige ceux qui s’indignent d’iniquités au loin et restent sans pitié pour celui qui souffre sous le même toit p. 263), un libéralisme contrôlé et progressif, que ce soit économiquement comme politiquement. Malgré les insistances de tous bords, le suffrage universel n’a jamais été remis en question.
Le XIXe siècle apparaît pleinement dans ce livre comme une période charnière, où l’esprit de la Révolution se diffuse encore longtemps et peut atteindre tous les recoins du droit et des pratiques étatiques de manière différée. Le siècle de l’industrialisation est aussi celui qui ne considère pas encore comme impossible l’achat d’un pays (comme le Luxembourg en 1860, tandis que le canton de Neuchâtel était encore possession prussienne jusqu’en 1856). Des monarchies constitutionnelles qui ont des politiques dynastiques partout en Europe …
Tout est-il parfait avec un livre aussi solidement documenté ? L’auteur se trompe par exemple en disant que la visite de la reine Victoria est la première visite d’un souverain britannique en France depuis la Guerre de Cent Ans, alors que le Camp du Drap d’Or a lieu en 1520 (p. 283). On peut aussi critiquer le lien mécanique que voit E. Anceau entre incompétence tactique et stratégique et le fait pour un officier de sortir du rang (p. 510). Mais ses comparaisons avec N. Sarkozy sont bien senties (le livre est paru en 2008) dans un épilogue qui forme un résumé de tout premier ordre. On est plus que très nettement dans le positif.
(Haussmann en Haussmann/Osman Pacha ou « les comptes d’Haussmann », la critique pouvait être inventive p. 465/467 …7,5)