Hör der Wind bricht alte Reiser

Weihnachtserzählungen
Recueil d’histoires de Noël d’André Weckmann.

Parfois, le coup de pied de l'âne.
Parfois, le coup de pied de l’âne.

Noël a été l’occasion de lire quelques histoires de Noël, du genre de celles qui pourraient figurer dans une veillée (certaines le furent de manière certaine) : courtes, enneigées, avec des personnages parfois connus et souvent avec une morale. Mais il n’y a pas que ça dans les histoires d’André Weckmann, puisque son passé, la guerre en général ou la critique de ce qu’est pour lui devenu Noël, sont aussi des éléments récurrents dans les quinze histoires rassemblées dans ce petit livre illustré par des portraits de Bethléemites et entrecoupés de brefs poèmes.

On peut ranger les histoires dans quelques catégories simples mais qui parfois s’entremêlent. La première est celle qui voit leurs actions se dérouler sur le Front de l’Est (en Ukraine), et donc visiblement issues de l’expérience personnelle de Malgré-Nous de l’auteur, ou dans une ambiance de guerre (inspirées par les guerres de Bosnie ?). La seconde catégorie est celle qui rassemble des histoires où des personnages bibliques agissent dans le monde tel que nous le connaissons : Marie qui se promène dans les rues après avoir déserté la crèche domestique, les archanges Michel et Gabriel qui viennent raconter Noël dans le village de Steinbourg (celui de l’auteur, p. 85) ou Joseph parlant de son voyage vers Bethléem avec Josué, David et Salomon dans son atelier. La troisième catégorie est celle de gens ordinaires, qui s’assoient sur un banc dans les bois, ou reçoivent une visite inattendue ou encore qui sont seuls à Noël pour différents motifs et vont visiter une usine occupée par des grévistes. La dernière catégorie est celle, nostalgique surtout, qui critique le consumérisme de Noël (p. 91-93, opposé à un vrai Noël alsacien), ce qu’il est devenu à Strasbourg (le cancer qu’est le Marché de Noël p. 96), et ce parfois dans une veine antijacobine.

Ces histoires sont encadrées par une introduction et une conclusion. C’est cette dernière qui donne un peu plus de renseignements sur la genèse du recueil, fruit de trois décennies d’écriture (visiblement des années 1970/80 à 2000).

Divers thèmes connexes sont abordés dans les histoires au-delà de celui du miracle (auquel on s’attendait un peu) : l’écologie, la survie, le colonialisme, la frontière, l’identité alsacienne (la disparition du Christkind, p. 83), la désindustrialisation ou encore l’immigration. Les histoires sont souvent religieusement engagées, avec une tonalité très catholique, et beaucoup sont émotionnellement chargées. Celle avec les archanges est assez comique, tout comme celle avec Joseph parlant avec Josué, David et Salomon. Mais ce qui frappe, c’est le refus de l’intemporalité de ces histoires. Elles ont un lieu et une époque, si ce n’est parfois une date. Il y a à la fois un refus de parler d’un passé qui serait scellé et une volonté de faire voir au lecteur (ou à l’auditeur) qu’il peut aussi être acteur de sa propre histoire de Noël.

Un livre plaisant (d’à peine 140 pages), plein d’inventivité et de malice, qu’il faut cependant réserver aux lecteurs qui ont une bonne compréhension des langues de Goethe et de Tomi Ungerer.

(la municipalité strasbourgeoise est sous le feu des critiques p. 96 … 7,5)