Il piacere

Roman décadentiste de Gabriele d‘Annunzio.
Existe en français sous le titre L’Enfant de volupté.

Le dandysme est-il un futurisme ?

Le comte Andrea Sperelli d’Ugenta est certes un poète et un graveur de renom, il est surtout un Casanova. Il aime la conquête et la possession des corps. Mais son histoire avec Elena Muti s’est achevée (mais les souvenirs sont vifs dans sa mémoire, tant de leur rencontre, la court qu’il lui fait mais aussi leur séparation), aussi est-il à nouveau en chasse. Mais dans le monde aristocratique romain de la fin du XIXe siècle, ce peut être un sport dangereux. Au cours d’une course de chevaux, il est provoqué en duel. Blessé très sérieusement, il part alors en convalescence dans la maison de campagne de sa cousine, la duchesse d’Ateleta, sur la côte adriatique. Il fait là-bas la connaissance d’une amie d’enfance de sa cousine, Maria Ferres, la femme de l’ambassadeur guatémaltèque mais siennoise d’origine. Andrea est envouté, mais elle résiste à ses déclarations et avances (la narration reprend les notes du journal intime de Maria Ferres). Avouant peu de temps avant son départ pour Sienne des sentiments pour Andrea, les deux amoureux sont séparés.

De retour à Rome, Andrea reprend sa vie d’avant. Mais le retour d’Elena, devenue marquise de Mount Edgcumbe, sème le doute dans l’esprit d’Andrea. Ainsi il balance entre la volonté de reconquérir Elena et l’amour qu’il porte à Maria, elle aussi s’établissant à Rome. A cette dernière il fait visiter les jardins de la Villa Médicis, où les deux s’embrassent. Elena de son côté a renvoyé très sèchement Andrea sur les roses (son mari avait déjà bien causé du tourment à Andrea avec ses manières). Maria, touchée de plein fouet par la ruine de son mari, décide enfin de passer la nuit chez Andrea. Tout ne se passe pas comme Andrea l’avait prévu …

Il piacere est un roman qui cherche beaucoup du côté du symbolisme tout en étant très en lien avec le décadentisme français (nombreux archaïsmes). Il est de très nombreuses fois fait références à des peintres ou des peintures de style préraphaélite (mais pas que, c’est très orienté histoire de l’art) et les notes infrapaginales (mais aussi les parallèles très instructifs dans les appendices) montrent une inspiration très française dans les motifs utilisés, confinant parfois à la citation directe. J. Péladan, les frères Goncourt, J.-K. Huysmans, H.-F. Amiel ont été attentivement lus par l’auteur, qui dans une optique anglomaniaque aristocratique bien de son temps n’oublie pas non plus P. Shelley et Byron. L’actualité n’est pas absente du roman, avec la défaite italienne de Dogali en Ethiopie en 1887 (p. 319 de l’édition Garzanti), l’occasion pour le personnage de formuler quelques paroles scandaleuses. Complétant les différents canaux d’influence, l’auteur recycle certains de ses écrits, personnels comme publics (p. 163 par exemple). A tel point que la limite entre personnage et auteur se floute de nombreuses fois …

Ce roman, assez pauvre en action mais très riche en aller-retours temporels, se base sur le personnage d’Andrea. Caméléon menteur dont le seul but est de gouter l’instant (autoportrait p. 327), il est mis en miroir avec les deux personnages féminins principaux, qui se partagent pour ainsi dire la personnalité complexe d’Andrea : à Elena le côté jouisseur, presque vicieux (la Salomé de G. Moreau) et à Maria la mélancolie et la spiritualité dans un corps diaphane (les modèles de Dante Gabriel Rossetti ou Ophélie de J. Millais). D’une certaine manière, Andrea cherche à faire fusionner ces deux femmes pour en faire son alter ego (ce qu’il reconnait déjà en Elena p. 298).

Le roman est très brillamment introduit par P. Gibellini, un spécialiste de l’œuvre d’annunzienne, la préface et les notes étant l’œuvre de I. Caliaro. Sur ces dernières, très intéressantes pour qui ne connaît pas parfaitement ni l’auteur ni Rome, on peut juste regretter un problème de calibrage, certaines semblant s’adresser à des collégiens tandis que d’autres visent des universitaires.

(« En vérité, la marquise de Mount Edgcumbe faisait un abus du carrosse dans les choses de l’amour » p. 340 …8)

Epépé

Roman fantastique de Ferenc Karinthy.

On est pas sorti de l’auberge !

Budaï est un linguiste hongrois. Pour se rendre à un congrès de spécialistes à Helsinki, il prend l’avion. Il dort pendant le vol, sort l’esprit embrumé de l’aéroport, monte dans un bus et arrive à l’hôtel. Mais pas à Helsinki. A l’hôtel, personne ne le comprend, alors qu’il parle une dizaine de langues. Rien dans ce qu’il peut lire et voir ne lui permet de savoir où il se trouve, et aucun interlocuteur, quand il arrive à parler avec quelqu’un dans cette ville suractive, ne parle de langue étrangère. Il se mets au travail pour décrypter l’idiome local, qu’il n’arrive même pas à lire. Mais la langue parlée semble elle-même mouvante selon les moments (p. 178) et défier la retranscription. Les jours passent et Budaï n’est pas plus avancé qu’au premier jour, malgré toutes les tentatives qu’il fait. Devra-t-il rester dans cette ville inconnue pour le restant de ses jours ? Pourquoi personne ne vient-il l’en sortir ?

Si personne ne vient récupérer le héros dans cette ville sans nom, c’est parce qu’elle semble dépourvue de sortie. Pas de canaux, pas de chemin de fer partant vers le lointain, pas d’autoroute. Tout semble s’agiter en vase clos, dans une ville à la Jacques Tatie mais avec en plus une immense bousculade (p. 61, p. 120) dans le métro comme sur la route, partout, y compris au cimetière (p. 117). Tout est gris et les gens font la queue pour tout, dans une ambiance soviétoïde (p. 22-23). Budaï est ainsi dans une situation très proche de ce que pourrait être un habitant d‘une société totalitaire qui ne comprendrais absolument aucun de ses codes. Rappelons que l’auteur est hongrois et que le livre est paru en 1970 … De plus, il n’y a jamais une inscription dans une langue étrangère, aspect fantastique s’il en est. Même dans une librairie, le héros ne peut mettre la main sur une autre graphie que la locale ! La référence, attendue, à la langue étrusque est faite p. 157 (même si elle fait plus appel au mythe entourant cette langue qu’à la philologie).

Budaï, qui ne manque ni de courage ni d’organisation, oscille selon les jours entre de nouvelles idées de pistes et de rudes frustrations. Mais par moment, il se dit qu’il pourrait se faire à cette vie, à cette ville qui veut de ses habitants une compétitivité de tous les instants. Il reste une part d’ambiguïté, une attraction pour la normalité (personnifiée par la jeune Épépé, dont Budaï souhaite la compagnie pour pouvoir la quitter). Il n’est pas à exclure que cette ambiguïté soit aussi celle de l’auteur, qui peut voyager malgré son appartenance au camp socialiste. Mais cette normalité peut elle même être trompeuse. La société multiraciale qui s’offre à la vue du héros ne semble pas exempte de tensions éruptives (p. 165-166). Faut-il là encore y voir une critique du soviétisme ? Mais s’il y a éruption sociale, que la ville est atteinte dans ses structures de manière très sérieuse, tout rentre si vite dans l’ordre que les évènements ne sont plus qu’un souvenir flou pour ceux même qui y ont participé.

Ce roman nous a fait penser à L’étoile et le fouet de F. Herbert, qui lui aussi traite du problème de la communication. Mais il y a chez F. Karinthy peut-être plus d’inventivité et moins de conséquences cataclysmiques à la non-communication. Budaï subit une catabase mais semble pouvoir s’en sortir aux yeux du lecteur, et l’utilitarisme ne prend jamais complètement le pas sur l’éthique dans sa quête vers la connaissance.

Ce roman, aux lenteurs voulues et calculées mais bien réelles, n’est pas de ceux que l’on lit d’une seule traite. Mais il est terriblement marquant, sans doute plus encore pour un lecteur qui a déjà pu être confronté à un pays où il ne maîtrisait pas l’alphabet. Mais il n’y a ici aucune langue tierce …

(allusion à l’Anabase p. 115 mais sans les mêmes conséquences que chez Xénophon …8/8,5)

L’Âge des Lumières

Roman fantasy de Ian McLeod.

Volent les feuilles du Temps.

Angleterre, Troisième Âge de l’Industrie. L’éther a été découvert peu après l’exploitation des gisements de charbon et il est extrait de la terre. L’éther est présent dans de nombreuses constructions et produits et il est nécessaire d’user de formules magiques pour le domestiquer. Ainsi, le télégraphe fonctionne à l’éther et des ponts sont renforcés grâce à lui, mais il permet aussi la fabrication de bâtons de commandement, permettant surveillance et communications. L’électricité est encore inconnue (p. 115) et le moteur à explosion est très récent (p. 254).

La société anglaise est hiérarchisée à l’extrême et structurée par des guildes elles-mêmes d’importances diverses. Il n’y a plus de roi en ce pays et ce sont les guildes qui régentent, mais de manière informelle. Tous les habitants ne sont pas membres de guildes, sorte de hors-castes. Plus bas encore dans la hiérarchie se trouvent les personnes qui ont muté à cause de l’éther. L’action semble prendre place à la fin du XIXe siècle – début du XXe, mais comme l’histoire est aux mains des guildes (damnatio memoriae p. 349), il est difficile au narrateur de dire en quelle année se passe l’action, d’autant que des ères industrielles ont remplacé le calendrier « royal » (p. 344). Mais on peut supputer que la divergence avec notre monde se situe à la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe, puisque le Grand Incendie de Londres a eu lieu (p. 396). Peut-être n’il y a -t-il pas eu de restauration carliste en 1688 … La religion chrétienne a elle aussi été modifiée. Le Christ est devenu un guildé, doté de la marque qui va avec ce statut et le vin de messe est devenu hallucinogène.

Notre héros, Robert Borrows, vit justement dans l’une des villes où est extrait l’éther, Bracebridge. Son père est membre de la guilde mineure des outilleurs et travaille à l’usine d’éther. Sa mère est femme au foyer mais travaillait elle aussi à l’usine. Mais la maladie de l’éther gagne progressivement Mme Borrows et son fils fait l’école buissonnière. Après la mort de sa mère, Robert saute dans un train pour aller à Londres. Là-bas, une toute autre vie débute, plus révolutionnaire, plus dangereuse.  Bracebridge n’oubliera cependant pas de se rappeler à lui.

A la suite de Robert, on ne voyage pas uniquement dans le Kent et à Londres. On voyage aussi parmi les mots. Le texte est de très haute qualité, avec un vocabulaire d’une très grande richesse sans qu’il soit nécessaire de faire trop appel aux néologismes (on peut distinguer cependant un problème  de traduction p. 36 et peut-être la « Saxonie » de la p. 207). Il y a une volonté de différence mais elle ne doit pas être totale pour l’auteur. Le rapprochement entre l’éther et l’atome est facile à faire mais se trouve être en fait très limité dans ce livre : l’éther facilite les choses, abaisse des seuils (plus grande portée des tabliers des ponts mais aussi des chaudières qui explosent si les enchantements ne sont pas dits) et de fait freine le développement technologique jusqu’à mettre la société en stase (on est peut-être en 1950 s’il l’on considère le centenaire d’une exposition industrielle, p. 260-261), sans connaissance approfondie du monde hors de l’Occident.

L’ignorance du héros est utilisée avec brio par l’auteur, donnant de manière générale un solide arrière-plan psychologique aux personnages. Il est aussi offert au lecteur la possibilité de voir la mosaïque des théories socialistes du XIXe siècle (les coopératives p. 347, un anticapitalisme d’origine religieuse p. 348, les cités-jardins p. 349, le monopole marxiste p. 353) et on a les suffragettes aussi (p. 432). Le ton général est sombre, voir avec une certaine cruauté ou peut-être une sorte de désespoir envers le genre humain. Le livre est très bien construit (malgré quelques petites longueurs et un passage peut-être un peu brusque à la période militante du héros), avec des ellipses qui interpellent le lecteur pour son plus grand plaisir. La fin est bourrée d’interrogations qui placent le lecteur entre constat froid et résignation.

Ce livre mérite une seconde vie cinématographique ou graphique.

(ah ce vol de Tour Eiffel par les Anglais p. 396 … 8)

Le Golem

Roman fantastique de Gustav Meyrink.

Un labyrinthe de brumes et de marches.

Au début du XXe siècle, un homme de passage à Prague lit une biographie de Bouddha Gautama avant de se coucher. En peu de temps, le voici qui passe dans un monde onirique le renvoyant une trentaine d’année en arrière, au même endroit, dans le quartier juif de Prague. Il se coule dans le corps de Athanasius Pernath, tailleur de gemmes à la fin du XIXe siècle. Celui a oublié son passé, mais quelques éléments commencent à lui revenir quand une dénommée Angelina, qui semble être une amie d’enfance, vient l’implorer de l’aider. Second élément inhabituel dans une vie bien rangée, un mystérieux visiteur est venu lui commander la restauration d’un livre, appelé « Livre d’Ibbour ». Problème, Pernath ne se souvient plus qui était ce visiteur, ni pour quand il doit accomplir le travail. Aidé de ses amis, il tente d’y voir plus clair avant de les accompagner au café et de se déplacer dans Prague mais surtout de rencontrer divers personnages du quartier, de sa rue ou de son immeuble : Aaron Wassertrum le brocanteur qui ne vend jamais rien, Charousek l’étudiant en médecine, Schemajah Hillel l’archiviste de l’hôtel de ville juif avec sa superbe fille Myriam, Rosine-la-Rousse, les jeunes délinquants Loisa et Jaromir. Pernath est ballotté de défaillances en évanouissements, d’expériences mystiques en découvertes dans les sous-sols de la ville juive, cherche à contrer les menées de Wassertrum et se retrouve à aimer deux femmes. Sous une accusation de meurtre, il passe même plusieurs mois en prison, ayant refusé d’avouer. Coupé de tout, tant de choses auront changé à sa sortie …

Sur un très vague fond de légende juive praguoise, ce roman du symbolisme tardif joue avec les vapeurs, les demi-lumières et la neige, la folie et le sommeil. Le héros ne décide pas de grand-chose et ne peut qu’acter le fait qu’il en sait plus sur lui à la fin du roman qu’au début. Mais comme le héros n’est pas vraiment le narrateur, sans que l’on ne sache in fine qui il est. Toujours est-il que le livre peut être vu comme non seulement peu sympathique avec les roux (p. 39) mais surtout antisémite. La description de la très grande majorité des juifs est très dépréciative et les deux personnages de Hillel (visiblement un tzadik) et Myriam arrivent finalement très tard pour contrebalancer ce sentiment. Le long passage de la prison ressemble à de la torture, dans une ambiance plus proche du naturalisme que de l’absurde. C’est très bien écrit, avec un certain maniérisme dans les dialogues (très visible p.170-177 par exemple) et dévoile certaines connaissances de l’auteur dans tout ce qui est occultisme. Si la fin est classique et attendue, elle n’est pas pour autant à rejeter, loin de là, avec sa félicité de goût classico-paradisiaque. Un très bon roman doté d’une introduction très bien faite (écrite par le traducteur), mais qui défie une description précise …

(on sonne les cloches de la synagogue p. 74 …8)

La Voie du Sabre I

Roman fantasy de Thomas Day.

Pas vraiment des petits baigneurs.

Nous sommes au XVIIe siècle dans un Japon qui n’a pas totalement refusé la technologie occidentale, entretien des liens avec l’Europe et est dirigé par un empereur qui est un dragon. Au château des Nakamura, un rônin (un samurai sans maître) arrive et fait montre de ses qualités. Le seigneur du lieu, pour le moins impressionné, lui confie son fils et héritier Mikédi, charge à lui de lui enseigner la voie du sabre qui a fait de lui le plus grand combattant des Quatre Poissons-Chats. Ainsi, il pourra selon le vœu de son père, s’unir à Nagâ, la fille de l’empereur et enfanter l’héritier au trône, avec tout ce que cela signifie de pouvoir. Mais le rônin, Miyamoto Musashi, n’est pas du genre facile et n’hésite pas à défendre des villageois contre les samurais du père de Mikédi. Ce dernier commence son apprentissage par deux années dans les cuisines d’un chef, avant de devoir obtenir un masque au sommet de la Pagode des Plaisirs. Cette épreuve lui prend aussi deux ans. Puis, sensibilisé par les veuves pensionnaires de la Pagode, il part avec Musashi combattre le seigneur qui a attaqué le village de la mine d’ambre. Mais Mikédi progresse-t-il sur la voie du sabre ? Son maître peut-il seulement lui enseigner ? Où fait-il fausse route depuis le tout début ?

Les sources d’inspirations, que l’auteur a la gentillesse en plus de l’honnêteté de donner en fin de volume, le montrent avec éclat : la série cinématographique Baby-Cart sert presque de canevas à cette aventure (les noms sont très transparents). Dans cette série, un ancien exécuteur shogunal devient un rônin après le meurtre de sa femme et voyage avec son fils tout en devant se défendre contre les assassins du clan Yagyu. On a de cela ici : un grand maître du sabre qui peut tout faire, japonais au carré (ce que l’auteur ne ache pas au lecteur). Le résultat n’est pas un plagiat mais un très bon roman qui joue avec les codes du genre, mais sans se départir de la sauce T. Day (comme lors de sa collaboration avec Fructus) : on n’hésite pas à raconter le jour le jour des personnages, y compris leurs intimités dans tous leurs aspects. Mais on peut aussi penser à Elric en lisant ce livre, avec un sabre dont on sait peu de chose mais que l’on dit posséder une âme et être maudit (p. 68). L’auteur se fait aussi quelques petits plaisirs (et renforce le côté irréaliste de sa fantasy) en allant chercher un autre bestiaire que le japonisant (dans la grange du magicien …), en faisant des allusions aux Thermopyles (p. 196) et à Don Quichotte (p. 240). Il y a peut-être un début un peu trop de termes japonais pour crédibiliser le récit, mais passé l’exposition, il en fait un usage beaucoup plus restreint. Ce scénario de roman d’initiation (mais où le maître lui-même est incontrôlable) n’est pas construit sur un scénario follement original mais il en est fait de belles choses, avec des récits insérés qui ne coupent pas artificiellement la trame principale et une écriture efficace (et les aphorismes ne sonnent pas comme des cheveux sur la soupe). On en fait pas ici dans l’impressionnisme mais veut rendre la brutalité du monde, la brièveté des vies et où la beauté ne peut être séparé de l’éphémère.

Un bon livre, pour ceux qui peuvent apprécier l’extrême-orientalisme composé.

(des premières pages qui mettent en bouche … 8)

Gormenghast III : Titus errant

Roman fantasy de Mervyn Peake.

Suis-je celui que je crôôa ?

Avec Titus errant, M. Peake nous sort du château de Gormenghast pour nous emmener de par le vaste monde. De fait, Titus, le 77e comte de Gormenghast, passe au travers du miroir. Si dans les deux premiers tomes de la série, seul existe Gormenghast, dans ce troisième et dernier tome, c’est son existence qui est mise en doute. Parce que dans les lieux où arrive Titus, personne ne connaît ni ce château, ni ce comté … La ville dans laquelle il arrive est elle-même très différente de son château. Tout y est transparence et ordre. La population y est surveillée au travers d’artefacts sophistiqués ou de policiers aux allures robotiques. Parmi cette population insipide, Musengroin et Junon sont des exceptions. Musengroin possède une sorte de zoo et agit en original. Junon de son côté est animée d’une passion pour Titus après qu’il lui soit tombé dessus (et à travers une verrière) lors d’une réception. Mais Titus est tellement hors-norme pour cette société qui ne supporte pas le mystère qu’il n’est pas dit que même ces deux-là croient aux histoires du jeune homme …

Mais même sans le château, le roman ne délaisse pas le baroque pour autant, toujours tangent avec l’absurde à la Ionesco. La fête est à ce titre emblématique : décrite comme une houle (p. 50-51), une masse presque indifférenciée d’invités, ces derniers échangent platitudes sur platitudes, ne s’écoutent pas, sont ectoplasmiques. Mais Titus errant n’est pas un décalque du château dans une ville, prétexte aux mêmes portraits. Dans cette ville, il y a l’électricité (p. 103), des voitures et des avions mais on sent que la science-fiction n’est pas à exclure (les scientistes, l’usine, la boule, le rayon p. 177). Les thèmes même changent dans ce troisième tome. Si couleur n’est pas devenu inintéressante (p. 225 par exemple), M. Peake se concentre sur la lumière (p. 88) tout en décrivant un autre type d’architecture (p. 46), tout en transparence et de ce qui est peut-être un mi-chemin entre le style international et le monumentalisme totalitariste (du moins en a -t-on l’impression à la lecture). Le niveau de langage, à un tel niveau, permet tout de toute manière (les « contours coruscants » p. 88 !). L’histoire en elle-même montre un Titus jeune adulte pas facile à vivre, mais qui expérimente alors que son enfance ne l’y prédisposait pas. Il y gagne des amis, se fait des ennemis, tout ce qu’il n’avait pas à Gormenghast. Mais surtout il se construit un point de départ dans la vie, un point d’origine de ceux que l’on ne retrouve jamais mais dont la certitude de l’existence permet justement de s’en éloigner. Un très grand roman qui peut perdre son lecteur dans son kaléidoscope aux multiples surprises.

(la préface aurait du être une postface … 8,5)

Confessions d’un automate mangeur d’opium

Roman de science-fiction uchronique de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit.

Dans les rouages de l’esprit.

Paris, 1889. L’exposition universelle qui doit célébrer le centenaire de la Grande Révolution bat son plein. La Tour Eiffel a été construite. Le Champs de Mars et le Trocadéro sont couverts de pavillons et de halles qui présentent au public toutes les merveilles produites par le génie humain. Parmi ces nouveautés, une bonne partie a l’éther pour source d’énergie, dont toutes les facettes ne sont pas encore comprises par les scientifiques et qui semble avoir été découverte vers 1875. Ainsi, des taxis volants ont envahi un Paris surplombé par des croiseurs parcourant le ciel et le nombre d’automates en service augmente chaque jour. Aux portes de Paris se dressent les monumentales tours de Métropolis. Margaret Saunders est une jeune actrice à la renommée déjà très importante dont l’amie Aurélie vient de mourir devant l’Opéra en tombant d’un aérocab. Traumatisée par sa mort inexpliquée, Margaret (dite Margo) va requérir l’aide de son frère Théophraste de Barrias Archimbault, aliéniste novateur à Sainte-Anne. Mais la petite enquête que mène les deux jeunes gens semble indisposer quelqu’un de puissant et les deux curieux ne sont pas toujours des plus prudents.

Ce roman écrit à deux mains fait alterner les points de vue, Margo et Théo s’échangeant le rôle de narrateur à chaque chapitre. Il fait la part belle aux clins d’œil, sans lourdeurs : on croise ainsi Auguste Villiers de l’Isle-Adam (l’inventeur du terme andréide/androïde, p. 175), Metropolis n’a pas besoin d’être expliqué (mais on sent comme une légère défiance envers La Défense), le titre en appelle au récit de T. de Quincey paru en 1821 et traduit par A. de Musset et C. Baudelaire, Lovecraft apparaît par l’intermédiaire de livres aux titres évocateurs (p. 79) et Jules Verne n’est pas oublié (le train-obus p. 387, la polysémie dans le nom d’un personnage). Avec de telles références, on ne se situe clairement pas dans une veine hard SF et de petits éléments irrationnels et horrifiques ont été intégrés au scénario. Le réalisme dudit scénario n’est pas non plus le souci ultime des auteurs, avec des personnages principaux qui se font des petites cachotteries assez improbables …

La lecture est très plaisante et tout n’est pas dit sur le monde au premier chapitre, sans que le lecteur n’éprouve le sentiment que l’on cherche à faire plus pour faire plus. Le parallèle entre l’éther et l’atome semble assez clair, mais avec comme limite que l’éther apparaît avant l’invention du moteur à explosion. La séparation entre poésie et automatismes est très étanche dans ce monde faits de changements rapides (ce qu’elle n’est plus depuis les années 60 dans le notre avec les développements de l’informatique). C’est donc la reprise de motifs de la science-fiction française de la fin du XIXe siècle avec des préoccupations des années 50/60 (atome, critique du scientisme autoritariste). Mais cette actualisation est faite de main de maître, entre bonbon acidulé vernien, labyrinthe à la Wolfenstein 3D et un ton cru de la fin du XXe siècle (si J. Verne met en scène des femmes plus émancipées que ses contemporaines, il dévoile moins leurs préférences sexuelles, ni ne décrit la violence de manière aussi directe). Il est bien quelques défauts mineurs (la devise royale anglaise p. 390, Futuropolis pour Metropolis p. 394 ou un vocatif mal maîtrisé dans le cas d’un nom à particule p. 19), mais cela n’atteint pas un récit sans temps mort, aux nombreuses surprises, aux personnages chatoyants et au final cinématographique (quoi qu’un peu court).

(cette araignée mécanique, on se croirait dans un Elder Scrolls … 7,5)

Gormenghast II : Gormenghast

Roman de fantasy de Mervyn Peake.

Hiboux bijoux …

Titus d’Enfer grandit et il est pour lui temps d’aller à l’école, comme n’importe quel garçon de Gormenghast. Le corps professoral du château n’est pas ce que l’on qualifier de très appliqué. Chacun d’eux s’attache à en faire le moins possible, sous la direction très lointaine du principal Baillâmort. Mais Titus ne peut pas être un élève comme les autres. Il est le 77e comte de Gormenghast et doit donc à ce titre quotidiennement participer à des rites abscons. Il développe une aversion pour sa charge et commence à développer des envies d’évasion, ce qui est côtoyer la traîtrise pour le château. Brigantin, le maître des rituels, n’a cure de son jeune âge et de ses envies. Finelame de son côté a su se rendre indispensable comme assistant de Brigantin et de fait renforce son emprise sur le château, encore inattentif à son pouvoir grandissant. Mais Finelame n’a pas la patience du château et il veut accélérer son mouvement vers le sommet, quitte à commettre une erreur et donner la puce à l’oreille à la comtesse ou aux loyaux serviteurs de la tradition. Par hasard, Titus trouve le moyen de sortir incognito du château et goûte à la liberté et à la passion, avec tous ses dangers. Si les relations de Titus avec sa mère sont toujours distantes, sa sœur Fuchsia l’aide tout en prenant garde à ne pas outrepasser les limites. Le docteur Salprune, très proche lui aussi des enfants d’Enfer doit aussi prendre en considération les envies de mariage de sa sœur Irma, qui a décidé de trouver un mari parmi les professeurs …

Nous voilà de retour à Gormenghast, tentaculaire labyrinthe castral menaçant ruine. L’attention coloriste de l’auteur ne faiblit pas dans ce second tome (les couleurs s’animent même) et sa réflexion sur la liberté se développe dans une autre direction. Si dans le premier volume, le comte Lord Tombal était dans un exil intérieur qui s’achève quand brûle sa bibliothèque, M. Peake montre au lecteur qu’il existe bel et bien un dehors que les habitants du château ne veulent pas voir. C’est dehors que Titus quitte l’enfance et s’il se révèle en comte de plein exercice, son plus profond souhait reste de ne justement pas l’être, de partir pour des contrées où son patronyme ne signifiera rien. Ainsi, l’artiste s’élèvera contre le symbole (et l’auteur contre les institutions étouffantes). Dans ce paysage thématique, le motif des oiseaux est central (annoncé p. 102). Le plaisir de l’auteur est aussi visible dans la galerie de portraits, très caustiques, que lui permet le corps professoral. Pris ensemble, la charge contre les enseignants et l’école peut être très rude. Les philosophes insincères en prennent aussi pour leur grade (chapitre XIII). C’est avec ces professeurs, mais aussi avec une foule de serviteurs et gardes, que se peuple Gormenghast, bien plus que dans le premier volume qui pouvait laisser à penser que seules dix personnes y avaient vraiment élu domicile.

Le monde de M. Peake reste, comme dans le premier tome, à la lisière de la fantasy, dans une ambiguïté qui s’appuie sur l’absurde (mais un absurde délicieux). Mais on n’est pas pour autant dans un monde ouaté, car la violence peut toujours faire irruption, sans appel (p. 156 par exemple).

Si l’hommage aux billes donne le sourire au lecteur (p. 213), le ton général reste très pessimiste, à la limite du désespéré (p. 582). Cela se conçoit si l’on compare la stase de Gormenghast à une religion romaine où absolument plus personne ne comprendrait les rituels. Mais ce désespoir ne peut être séparé de son incroyable écrin de mots, envoyant au lecteur sans relâche ses visions colorées, aux rythmes changeants et au final haletant (et harmonieusement développé de surcroit).

Personne ne ferait l’impasse sur le troisième volume !

(la quatrième de couverture parle bêtement deux fois de la fin du livre … 8,5)

Gormenghast I : Titus d’Enfer

Roman fantasy de Mervyn Peake.

Un éclair après l’autre !

Il n’y a que le château de Gormenghast. Autour, rien, ou si peu de choses. Il y a bien ces Brillants Sculpteurs, dans leurs huttes, et un de peu de bois, de collines et de lacs. Mais par rapport au château de Gormenghast, montagne devenu château ou l’inverse, avec ses souterrains sans fin, ses couloirs innombrables, ses chambres insoupçonnées, ses terrasses oubliées de tous … Dans ce château tout entier tourné sur lui-même règne Lord Tombal, le 76e comte d’Enfer. La vie du comte, réglé par un immémorial rituel d’airain, est troublée dans sa mélancolie par la naissance de son héritier Titus. Sa mère, l’imposante comtesse Gertrude n’est intéressée que par les oiseaux et les chats. Elle ne souhaite voir son fils qu’à partir de sa sixième année de vie et Titus est donc confié à la nurse Nanny Glu. L’aînée des d’Enfer, Lady Fuchsia, a du mal à encaisser de n’être plus la seule enfant du couple.

La domesticité et les autres habitants du château sentent aussi souffler le vent du changement, même ceux qui ne sortent pas de leur lieu de travail retiré comme le conservateur de la galerie de sculptures. Si la nurse Nanny Glu est inoffensive en plus d‘être complexée et pleurnicharde, le chef Lenflure et le premier valet Clacrosse sont autrement plus dangereux et ennemis. Finelame, commis de cuisine, parvient à trouver le moyen de s’échapper des sous-sols où il était à la merci du sadique Lenflure. Son ambition, sa volonté et son intelligence peuvent lui permettre une ascension sociale au château, ce dont il ne va pas s’abstenir. Mais à quel prix …

Ce livre n’est pas qu’un très très bon roman, c’est aussi un très long poème naturaliste et absurde. Tout est ciselé, les descriptions sont d’une affolante justesse, conduisant à une œuvre baroque et jubilatoire. Ce qui choque le plus, c’est la présence souveraine et impressionnante des couleurs. L’auteur est peintre et illustrateur, il ne peut pas le cacher : son don pour l’observation et la retranscription chromatique est sublimé dans ce roman. Le lecteur est amené à participer au récit, que ce soit par les rares interpellations du lecteur par le narrateur (p. 455 par exemple) ou par la volonté de rapprocher le monde de Gormenghast du notre : on parle d’Arabie (p. 348), on fait référence au christianisme (p. 93 par exemple). Le niveau technologique du monde est cependant assez indéterminé.

Et la traduction est en plus de tout premier ordre, avec comme morceau de bravoure le poème p. 166-168 et des formules vieillies mais délicieuses (p. 219 par exemple, ou l’emploi du mot « vesces » p. 531 pour des plantes fourragères). Le niveau de langue est stratosphérique.

Pour lecteur, en plus du côté esthétique, c’est comme la traversée d’un asile de fous que l’on observerait en train de jouer une pièce, comme Sade mettant en scène les internés de Charenton. Tous sont affectés de problèmes mentaux, même Finelame que l’on peut penser exempt au premier abord. C’est peut-être même lui le Sade metteur en scène. La violence est souvent présente, tantôt ouverte, tantôt affleurante entre les personnages (le lecteur peut se demander s’il a bien lu au tout début avant de rencontrer Lenflure pour la première fois). Le façonnage des personnages est au niveau du reste.

Le huis clos est renforcé par le fait que le comte est enfermé doublement : à la fois, il est le château (donc on découvre néanmoins certaines particularités en fin de volume), mais en plus il est le point focal de rites qu’il doit accomplir chaque jour sous la supervision de Grisamer, le Maître du rituel. C’est l’intemporalité qui est mise en danger avec la naissance de Titus et une simple brise peut maintenant apporter la tempête sur Gormenghast. Une tempête précédée d’une désespérance très profonde à la fin du livre.

Un livre magnifique, qui a la très grande chance d’avoir une suite.

(mais il n’y a pas que la haine comme sentiment dans ce livre …8,5/9)

Faire des sciences avec Star Wars

 

Essai sur la Guerre des Etoiles vu du côté de la physique par Roland Lehoucq.

Avec de gros morceaux d’énergie dedans !

La puissance que produit le générateur principal [de l‘Etoile Noire] pour accumuler une telle énergie en quelques jours est tout simplement phénoménale : plusieurs centaines de milliers de fois supérieure à celle rayonnée par le Soleil tout entier … Plutôt pas mal pour un Empire qui va se faire rétamer par des oursons deux épisodes plus tard …  p. 37

Des bruits dans l’espace et des gens qui survivent à des minute passées dans le vide, la série de la  Guerre des Etoiles nous avait déjà habitué à des arrangements avec les lois de la physique. Mais qu’importe, puisque faire le relevé de ces incohérences n’est pas du tout l’objet de ce livre de l’astrophysicien et auteur de SF R. Lehoucq. Lui prend le problème par l’autre bout, en décrivant les prérequis au fonctionnement du monde inventé par G. Lucas.

Alors tout le monde n’y passe pas (même si l’on considère le rabougri « canon » qu’a souhaité conserver Disney comme base), mais l’auteur fait le choix de thèmes emblématiques pour donner naissance à un livre de 70 pages.

A tout seigneur tout honneur, R. Lehoucq commence avec la Force, vue comme un champ d’énergie. Mais si c’est un champ d’énergie comme peut le suggérer la télékinésie dont sont capables les Jedis, ce champs doit avoir une origine, une source d’énergie. Sont-ce les êtres vivants ? La matière noire ? Pourquoi pas puisque le vide intersidéral est lui-même chargé en énergie, certes très très faible mais pas nulle (p. 13). L’hypothèse des midichloriens (la tentative de scientifisation de l’épisode I) est-elle aussi étudiée. Si l’on suit ce qui se fait dans ce film, ce peuvent être des symbiotes présents dans le sang.

Délaissant l’origine de l’énergie de la Force, l’auteur veut ensuite savoir quelle est la puissance développée ou employée par un Jedi. Ainsi, sur Dagobah, Yoda utiliserait 100 kW (la puissance d’une voiture) pour soulever le X-Wing et Luke 1 kW pour soulever D2R2 (p. 21). Soit deux fois plus qu’un cycliste en plein effort ! Quant à ce que peut produire Palpatine, c’est très très loin au-dessus. On parle en centaines de mégawatts, soit ce qui est nécessaire à un TGV Duplex !

Autre attribut du Jedi, le sabre laser pose une série de problème qu’il faudrait résoudre pour pouvoir en fabriquer un sur Terre. Il faudrait d’abord pouvoir limiter le laser à une longueur utilisable (et qui ne traverse pas tout le vaisseau en étant activé) mais surtout trouver comment alimenter l’arme. Pour estimer la puissance nécessaire, R. Lehoucq se base sur le temps que met Qui-Gon Jinn pour faire fondre la porte blindée de l’épisode I (p. 27). Dans cet exemple, il faudrait une centrale nucléaire. Mais la puissance nécessaire n’est pas la difficulté la plus grande. Une centrale nucléaire, cela existe déjà. Le problème, c’est la durée. Et, accessoirement, la chaleur dégagée de l’ordre de 10 000°. La Force est là encore nécessaire. Mais quid de Finn alors, qui n’est pas un Jedi ? Enfin, un sabre laser nécessite d’être vu. Les vaisseaux doivent donc être très poussiéreux pour que l’on puisse voir le faisceau …

R. Lehoucq envisage ensuite le plasma pour remplacer le laser, avec d’autres inconvénients, comme des guides micromagnétiques assez sensibles (p. 31).

Le chapitre suivant monte en gamme dans les armes pour s’intéresser l’Etoile de la Mort. Sa taille est facile à déduire, mais la question de son alimentation nécessite un détour vers la théorie des trous noirs, producteurs d’énergie (p. 41) et les questions de gravité. A partir de la rapidité de la dispersion des débris d’Alderande, l’auteur arrive à la constatation qu’il faut l’énergie équivalente à celle rayonnée par 100 000 soleils (p. 37, ou 500 000 p. 42). Mais peut-on produire cette énergie avec de l’antimatière ? Avec un trou noir en rotation, ce serait peut-être possible, comme on peut le lire p. 44 avec un trou noir, petit et costaud, mais surtout monstrueusement massif et tournant sur lui-même 320 millions de fois par seconde …

La partie du livre s’intéresse aux véhicules plus communs utilisé dans cet univers. Il est à noter que le moteur à ion nous est déjà connu, il a été utilisé à partir de 1998 (p. 47). La vitesse luminique est forcément au programme, avec la possibilité de tunnels de creuser des tunnels dits de Krasnikov, dans un espace tordu (p. 49-50). Puis l’auteur se penche sur la lévitation du landspeeder de Luke sur Tatooine (il faut juste créer un champ gravitationnel avec une matière de la densité d’une étoile à neutron p. 54) et sur le design déficient des AT-AT sur Hoth. Mais on quitte très vite les véhicules pour être instruit sur l’exoplanétologie. Les deux soleils de Tatooine, Hoth et ses animaux au sang chaud, Naboo avec ses tunnels et son bouclier, les anneaux de Géonosis (qui devraient être très récents, de l’ordre de quelques semaines p. 65), la possibilité d’avoir une planète uniquement océanique comme Kamino et enfin, les problèmes que rencontre la planète Mustafar et son activité volcanique (comparée au satellite Io p. 68).

Dans la conclusion, et après constat fait de la maîtrise énergique très avancée qui a cours dans l’univers de la Guerre des Etoiles, R. Lehoucq replace ce monde fictionnel dans la théorie des trois types de civilisations de N. Kardashev (p. 70), allant de la civilisation ayant canalisé l’énergie planétaire (Type I), à celle maîtrisant celle produite par son système (Type II) pour arriver au dernier stade, profitant du rayonnement de millions d’étoiles. Pour l’auteur, l’Empire est au seuil de la phase III …

Ah, c’est si dommage que ce livre ne soit pas plus gros. On apprend tellement de choses, cela se finit bien trop vite. R. Lehoucq réussit à marier la pédagogie, appuyée sur des explications claires et des exemples de la vie quotidienne, à la précision et a l’humour. En bon scientifique, l’auteur renseigne aussi le lecteur sur les découvreurs des théories qu’il emploie. Mais il n’y a hélas pas d’illustrations, ce qui aurait grandement aidé, dans l’explication de l’énergie tirée du trou noir par exemple ou pour l’ergosphère de la p. 44. Mais si R. Lehoucq s’aventure hors de son domaine de prédilection, alors de petites distorsions dans la Force peuvent apparaître : il croit voire p. 55 des éléphantes à la bataille de Cannes entre Carthaginois et Romains en 216 av. J.-C. (ils sont déjà tous morts) et on peut toujours exécuter par électrocution aux Etats-Unis (p. 21). Petite remarque de forme, les dates de naissance des scientifiques toujours vivants cités dans ce texte ne prennent pas toujours la même forme.

Le livre est, on l’a vu, un grand plaisir à lire. Pour ceux qui, comme nous, le trouvent bien court, il y a les conférences filmées de l’auteur pour aller encore plus loin, très très loin.

(devenir Jedi par transfusion sanguine, en voilà un idée intéressante p. 18 … 8)