Ormeshadow

Roman fantastique de Priya Sharma.

Même le rugissement commence imperceptiblement.

Sur la côte anglaise, pas loin de Bath, dans la seconde partie du XIXe siècle. Gideon Belman et ses parents John et Clare ont quitté la ville pour retourner, contraints, dans la ferme qui a vu grandir John, à Ormesleep dans la région d’Ormeshadow. La moitié de la ferme appartient à John, qu’il a quittée pour aller étudier. L’autre moitié est à Thomas son frère, qui y règne en tyran. La vie pour Gideon y est peu agréable, entre sa chambre-cagibi, ses cousins violents et la vie économique de la ferme. Son père, conteur émérite, insiste heureusement pour l’école et l’emmène aussi à la découverte des terres qui entourent la ferme. La légende raconte qu’un dragon se serait posé en bord de mer, il y a des siècles, après un rude combat. L’ancêtre des Belman aurait veillé sur lui jusqu’à ce que la terre recouvre le dragon et que ce dernier se fonde dans le paysage. Sa charge, il l’a transmise à ses descendants, jusqu’au réveil du dragon. Qui dit dragon, dit trésor. Mais le jeune Gideon pense plus à survivre dans son nouveau chez lui qu’à chercher de l’or, d’autant que le monde des adultes est encore moins plaisant que celui des enfants.

La première œuvre lue de Priya Sharma nous ayant forte impression, il était logique de voir si l’auteur avait fait d’autres belles choses. Ici, rien de contemporain, mais un roman court situé très indistinctement à l’ère victorienne. On a droit à la misère à la Dickens, mais sans l’industrie. Par contre le thème de la famille hautement dysfonctionnelle est lui resté, tout comme la science du sous-entendu de l’auteur, qui parvient ainsi à créer des mondes parallèles avec leurs possibilités. Mais ce qui nous a semblé le mieux fait, c’est la façon dont le paysage semble hanter le roman. Il serait un peu hasardeux de rapprocher cette impression du Chien des Baskerville de A. Conan Doyle, d’autant que ce n’est pas du tout le même coin (la lande de Dartmoor pour Holmes et ici une côte fictive), mais il nous a semblé que ce n’était pas sans similitudes.

La fin n’est pas celle d’un détective londonien de Baker Street.

(il est des amis insoupçonnés … 8)

Des bêtes fabuleuses

Nouvelle fantastique de Priya Sharma.

Kss Kss Kss

Cette nouvelle accompagne le catalogue de la collection Une Heure Lumière des éditions Le Bélial. Elle ne fait que cinquante pages mais on peut dire que c’est concentré et que cela fait une excellente publicité aux autres textes de l’auteur, dont un est bien entendu édité par la maison sus-mentionnée.

Ami et Kath, deux sœurs, vivent dans une tour au Nord de l’Angleterre, dans une ville qui ne s’est jamais remise de la fin de l’industrie lourde. Toutes les deux ont chacune une fille. Lola est la fille que Kath a eu à seize ans et Tallulah est le nourrisson d’Ami. Le moins que l’on puisse dire,c’est que personne ne roule sur l’or et les deux sœurs attendent la sortie de prison de Kenny, incarcéré pour meurtre crapuleux. Enfin, Kath, pas trop. Lola est un peu particulière. Elle est très attirée par les serpents, et il semble que se faire mordre par elle occasionne plus de dégâts que ne le ferait un autre enfant. Les années passent et revient Kenny. Kath, qui voulait partir avant sa sortie de prison, ne l’a pas fait et n’y arrive pas plus quand il revient habiter chez elle. Qu’a Kenny en commun avec Lola ? Lola ne va pas tarder à le découvrir.

P. Sharma maîtrise l’ellipse comme personne et donne à ce court texte une très grande force en finalement assez peu de mots. Et comme l’intrique est très bien conçue, la fin met tout le reste de la nouvelle dans une autre perspective et explique l’illustration qui ouvre le récit par la même occasion. L’ambiance, dans une Angleterre pauvre, criminelle et décadente à plusieurs titres, est admirablement rendue. La fin est haletante et terrible, mais au vu de la brièveté de l’œuvre nous nous abstiendrons de plus en parler.

Opération réussie pour l’éditeur !

(à toute berzingue … 8,5)