Wielstadt III : Le chevalier de Wielstadt

Roman de Fantasy de Pierre Pevel.

La dure vie de jeune vierge.

Dans le livre final de cette trilogie, P. Pevel fait venir à nous pour une dernière fois le chevalier Kantz, une année après que nous l’ayons quitté. Nous sommes toujours à Wielstadt, cette ville protégée des menaces extérieures par le dragon. Mais à l’intérieur, la menace est plus cachée et surtout plus sournoise. A commencer par ces démonistes qui sacrifient de la jeune vierge à qui mieux mieux. Kantz y met, brutalement, bon ordre, dans une crypte faiblement éclairée (comme il se doit). Mais ceux-là étaient finalement faciles à retrouver. Le Voleur de Visage est lui plus dur à localiser dans une ville de 500 000 âmes. Mais son action sur la psychologie des habitants est dévastatrice. Le bourgmestre voit très nettement le danger d’émeutes destructrices mais surtout le péril pour sa position. Dans les coulisses, différentes coteries s’activent pour tirer partie de la situation. A intervalles régulier, le Voleur de Visage assassine une jeune femme, met son cadavre en scène et découpe son visage. La difficulté de mettre un nom sur le corps met la population sous tension … Le guet et Kantz sont sur l’affaire mais d’autres évènements peuvent aussi détourner notre héros de sa mission. Le passé par exemple …

Après l’enquête policière et le Porte-Monstre-Trésor des deux premiers tome, P. Pevel dirige le lecteur vers un roman plus axé sur la psychologie du héros tout en continuant à prendre, avec finesse, comme base des traditions parabibliques. La maestria des combats contés par l’auteur est restée mais le récit pâtit terriblement du fait du choix de la forme trilogie. Il y a cette désagréable impression d’un élagage fait pour rentrer dans les cases et achever le cycle sur le rythme ternaire. Avec la matière présente, plus celle que l’on peut aisément deviner, il y aurait eu sans problème la possibilité de rajouter assez de pages pour produire un quatrième tome. Ce qui aurait peut-être aussi permis de mieux exploiter encore une galerie de personnages secondaires avec du potentiel, mais qui peuvent apparaître comme uniquement présents pour fournir des moyens de pression sur Kantz. Les protecteurs de la ville ne sont pas follement aidants non plus …

Il y a de très belles non-linéarités dans le récit mais hélas aussi ces redites que l’on avait déjà vues dans le second tome. Quelqu’un lit-il la trilogie dans le désordre ? On ne peut pas non plus parler de décennies entre la parution des différents tomes. Les tourments intérieurs de Kantz sont de plus très limités dans le temps, et apparaissent du coup surjoués et certains développements sont assez prévisibles. Mais face aux moments de classe jetés ici et là et des rebondissements très bien amenés, c’est pas bien grave. Le tout se lit tout de même avec grand appétit jusqu’à une fin douce-amère qui laisse une quantité de suites possibles.

Peut-être pas aussi abouti que les Lames du Cardinal mais toujours dans le haut du panier.

(mais c’est d’une brutalité … 7,5)

Wielstadt II : Les masques de Wielstadt

Roman de fantasy de Pierre Pevel.

Bas les masques !

Le second tome de la trilogie prend place lors d’un été caniculaire, trois ans après les premières aventures du chevalier Kantz. On retrouve ce dernier accompagnant des Templiers lors d’une opération d’interception d’une bande armée qui doit se rendre à Wielstadt, la ville marchande qui parvient toujours à se tenir éloignée de la guerre. Enfin … la ville oui, mais ses habitants c’est moins sûr. Kantz tombe lors du combat sur un démon dénommé Osiander et ses séides et ne doit son salut dans le combat qu’à la chance. Le démon se rend à Wielstadt, c’est acquis. Mais où ? Et quel est son objectif ? Kantz n’a pas trop le temps de faire plus de recherches puisqu’il doit rendre une faveur qu’il a contracté trois ans plus tôt : il doit livrer une lettre à Heidelberg et ramener une éventuelle réponse. En guise de réponse, il escorte la destinatrice de la lettre, la comtesse de Ludehn, en direction de Wielstadt mais ils sont attaqués en route. Parvenant à s’échapper du traquenard, la comtesse fausse ensuite compagnie au chevalier à la faveur de la nuit. En plus de cette série d’événements étranges, voilà que réapparaît en ville un ami du chevalier, disparu depuis trois ans mais dont la vie semble très immédiatement en danger. Certains éléments semblent liés, mais comment ? Le démon peut-il être arrêté avant d’avoir fait trop de dégâts ?

Au niveau de l’architecture scénaristique, si le premier tome avait toutes les apparences du roman policier (série de meurtres, la police a besoin d’aide), ce second tome sort de ce schéma pour adopter celui de la chasse au trésor. La scène (presque) finale est emblématique de cette thématique : des méchants, un trésor et un environnement labyrinthique. Si la fin est bien tournée, avec de beaux rebondissements (et aussi par ceux qui n’interviennent pas), c’est tout ce tome qui cavale à un train d’enfer. Une telle vitesse a pour inconvénient de passer par pertes et profits le développement des personnages secondaires pour se concentrer sur Kantz, sur qui on continue d’apprendre des choses intrigantes (dont on peut imaginer qu’elles joueront un rôle dans le dernier volume). Du coup, Kantz est bien distinct mais le reste est un peu flou. Pourtant, il y avait matière à aller un peu plus loin, notamment avec des personnages féminins.

Cela aurait aussi pu être un tome de transition comme le tout début aurait pu le laisser penser, plus calme avant une nouvelle accélération dans le dernier tome, mais non. Et cette vitesse se reflète dans la manière dont ce livre captive le lecteur. Les pages se tournent avec une légèreté folle, en contrepoint de la très grande dureté du monde (très sanglant) que décrit P. Pevel. Un monde très intéressant et qui continue de livrer ses secrets, et où l’auteur utilise avec intelligence les différentes organisations secrètes du temps ou des résurgences médiévales. Et c’est souvent l’occasion de faire un peu de pédagogie au travers du narrateur.

Vivement la fin !

(l’auteur qui s’excuse de ne pas coller entièrement à la recherche historique … 8,5)

Wielstadt I : Les ombres de Wielstadt

Roman fantasy de Pierre Pevel.

Un plus grand trésor.

Retour chez Pierre Pevel, qui avec les Lames du Cardinal nous avait déjà proposé une relecture fantasy des Trois Mousquetaires. Dans les Ombres de Wielstadt, nous restons dans la première moitié du XVIIe siècle mais le cadre géographique change. En lieu de Royaume de France, le lecteur est cette fois-ci embarqué vers le Saint Empire Romain de la Nation Germanique. Ce dernier est géologiquement différent de celui qui fut de notre monde. Suite à de dantesques crues du Rhin, la mer a envahi la basse vallée dudit fleuve, quelque part en aval de Cologne, formant la Rheinsee. A l’embouchure du Rhin et sise sur ses bras, sorte de Rotterdam westphalienne, se trouve la ville de Wielstadt. Puissante ville marchande, très peuplée, elle a pour particularité d’être défendue par le dernier dragon d’Occident. Toute armée mettant le siège devant la ville ayant été jusqu’à présent détruite par le dragon, la ville est à l’abri des guerres qui ensanglantent l’Europe. Le conflit qui a démarré en 1618, deux ans avant les faits relatés, ne fait pas exception. Mais si la guerre ne vient pas jusqu’aux murs de la ville, elle peut tout de même affecter ses habitants, de toutes confessions, alors que la bataille de la Montagne Blanche, en Bohême, vient de voir la défaite des princes protestants en révolte contre l’Empereur.

Le Chevalier Kantz revient justement dans la ville, de retour d’une mission pour l’Ordre du Temple ressorti de la clandestinité (dans laquelle il était entré en 1312). Mais le repos est de très courte durée puisque la prévôté fait appel à lui pour l’assister une fois de plus et profiter ainsi de ses connaissances démonologiques et kabbalistiques. Un tapissier et toute sa famille ont été horriblement massacrés et il y a fort à parier que l’aide d’un chasseur de démons ne saurait être de trop.

On peut penser que le héros est un autre Salomon Kane, l’un des héros de R. Howard. Ils ont en commun l’escrime et la foi. Mais Kantz n’est pas fou ni puritain et a une vie sociale bien plus développée que Kane. Magicien, il est aussi bien plus subtil et moins indestructible que Kane. Kantz a la quarantaine, commence à avoir des pépins physiques. Côté écriture, P. Pevel est très fort pour poser les ambiances en faisant appel à toute la palette des sens, particulièrement pour faire sentir l’hiver au lecteur. L’auteur, à la différence de ce qui se passait dans les Lames où cela faisait partie du cahier des charges, ne feuilletonne pas ses fins de chapitres. Par contre c’est cru, tirant sur le gore. S’il faut trouver un petit point négatif (autre que l’erreur sur l’habillement protestant de la p. 218), il est des moments où le narrateur tombe dans le « catholicisme pour les nuls » (p. 56 de l’intégrale), mais peut-être a-t-il fait le choix de s’adapter au lectorat … L’auteur s’amuse, souvent une bonne base pour que le lecteur y trouve aussi son compte.

Vivement la suite de la trilogie !

(dommage que la couverture ne m’ait pas du tout encouragé à lire ce livre plus tôt … 8)